C’est une espèce de « tremblement de terre » qui vient de se produire au pays de Pearse et de Yeats : traité en paria depuis de longues années en raison de ses liens avec l’IRA, dont il était la vitrine politique, le Sinn Féin a en effet réussi dimanche, à l’occasion des élections législatives irlandaises, une spectaculaire percée électorale qui fait aujourd’hui de lui la deuxième force politique au Parlement irlandais. Une position de poids dont il compte bien profiter désormais pour tenter d’obtenir, à terme, l’organisation d’un référendum sur l’unité de l’île.
« Une victoire historique »
Arrivé en tête du scrutin avec 24,5 % des voix devant les deux grands partis de centre droit qui se partagent le pouvoir depuis années, le Fianna Fáil (22,2 %) et le Fine Gael (20,9 %), le Sinn Féin, comme l’a déclaré sa présidente Mary Lou McDonald, a non seulement infligé une sévère défaite au Premier ministre sortant Leo Varadkar (Fine Gael), mais surtout remporté là « une victoire historique ». Et cela, même si cette avance ne s’est pas tout à fait traduite en nombre de sièges au Parlement, le Sinn Féin n’ayant en effet présenté que 42 candidats, soit environ deux fois moins que les deux grands partis centristes. Ainsi, au lendemain de ces législatives, le Fianna Fáil compterait-il (provisoirement) 38 élus, le Sinn Féin 37 et le Fine Gael seulement 35. Une position de poids pour le parti de Mary Lou McDonald, mais qui oblige quand même ce dernier à chercher aujourd’hui des alliés, dans l’espoir de pouvoir former un gouvernement de coalition. C’est ainsi que la présidente du Sinn Féin, disant dimanche souhaiter que le futur gouvernement ne compte aucun membre des deux partis centristes, a annoncé avoir pris contact avec un certain nombre de petits partis, tels que les Verts ou encore les Sociaux-démocrates. Cependant, reste à savoir comment l’arithmétique électorale répartira précisément les 160 sièges de députés que compte le Dáil, la Chambre basse du Parlement irlandais. Car, en raison d’un complexe mode de scrutin, sa composition ne sera connue qu’après le décompte total, qui peut prendre plusieurs jours. Ce qui veut dire que les négociations pour former un gouvernement de coalition pourraient prendre des semaines…
La question de la réunification
En attendant, et si de nombreux observateurs attribuent pour une bonne part cette percée du Sinn Féin à la politique de « dédiabolisation » entreprise par Mary Lou McDonald depuis son arrivée à la tête du parti dirigé entre 1963 et 2018 par le controversé Gerry Adams (il était soupçonné d’appartenir à l’IRA), il semble que la question de l’unité irlandaise ait également grandement pesé lors de ces législatives. Ainsi, confiait lundi Jon Tonge, professeur de politique à l’université de Liverpool, « pour la première fois, je pense que la république d’Irlande pourrait sérieusement exercer une pression en faveur d’une Irlande réunifiée ». Et il est vrai que la question d’une réunification de la république d’Irlande, membre de l’UE, et de l’Irlande du Nord est revenue avec force dans l’actualité avec le Brexit, contre lequel les Irlandais du Nord se sont prononcés. La perspective d’un éventuel retour à une frontière « dure » entre les deux Irlandes et le spectre d’un retour des troubles a en effet renforcé la volonté d’un referendum sur la réunification, prévue par les accords de paix. Ainsi, selon un sondage réalisé par l’Irish Times, au sud de la frontière, quatre Irlandais sur cinq diraient souhaiter que l’île soit réunie sous la bannière d’une seule nation. Quant à l’Irlande du Nord, une enquête d’opinion réalisée en septembre 2019 donnait pour la première fois une majorité d’opinions favorables à la réunification. •
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