Conférence internationale sur les migrations – interview de Václav Klaus:

Il faut oublier la division Est-Ouest
Interview par M. Levente Sitkei

Václav Klaus: Les démocrates-chrétiens et les socialistes luttent contre ceux qui osent critiquer la doctrine européenne officielle. Nous pouvons donc dire que le Parlement européen est l’organe de propagande officiel de l'Union Européenne qui soutient plus d'intégration (contrairement aux souverainistes).

L'ancien chef d'État de la République tchèque s'est entretenu avec notre journaliste à l'occasion de la Conférence internationale sur les migrations organisée par le Collège Matthias Corvin, soulignant les liens étroits existant entre les relations personnelles de l'élite européenne et les contacts remontant à l’adolescence.

– Vous avez toujours été un ardent défenseur de la souveraineté des nations. À voir la façon dont l'Union européenne évolue, pensez-vous que vos points de vue étaient corrects ?

– Oui, je savais que j'avais raison. Mais pas seulement moi, beaucoup d'autres ont toujours soutenu l'indépendance des nations. Par contre, je ne perçois pas le moindre signe de la présence de cette façon de voir dans l'élite de l'Union européenne. Bien au contraire. Cependant, certains de ceux qui pensent comme moi ont commencé à contre-attaquer ces élites et obtenu un relatif succès.

– Les discours à la conférence de Budapest et la coopération entre les participants peuvent-ils être le début d'un mouvement important?

– C'est clair. Après la chute du communisme, il a été très difficile de trouver une voix commune entre les dirigeants politiques de l'Europe centrale, chaque pays essayant de se présenter comme étant le meilleur de tous. Tout le monde voulait être le premier à rejoindre la communauté européenne, le premier à être accepté par les Occidentaux.

Presque trois décennies plus tard, je pense que nous sommes devenus plus sérieux, nous sommes devenus adultes. Il est temps de faire quelque chose ensemble. Nos souvenirs sont complètement différents de ceux des responsables des pays occidentaux et nous avons besoin de cette coopération.

Pendant les dix, quinze dernières années, nous avons pu nous rendre compte quelle était la relation entre les dirigeants européens et nous avons été choqués.

Lorsque je me suis assis au début de ce sommet de l'UE, j'ai découvert, quelques minutes avant le début des événements officiels, que chaque participant autour de la table était un bon ami personnel avec chacun des autres. Chacun s'appelait par son prénom et bavardait de façon enjouée. Quand j'ai interrogé un premier ministre à ce sujet, il m'a répondu en riant: oh, nous étions membres du même groupe de jeunes démocrates-chrétiens et, à l'âge de 16 ans, nous avons cueilli des fraises dans le sud de la France. Je connais bien celui-ci, celui-ci, et celui-ci. Ensemble, nous avons profité de la vie, nous avons bu du vin pour la première fois de notre vie dans un camp d'été, loin de nos parents. (Václav Klaus ajoute: Ces liens nous manquent, de notre côté).

– Si nous, les Européens de l'Europe centrale, sommes devenus adultes, comment nos collègues occidentaux ont-ils changé?

– Le temps est venu pour nous d'être indépendants et fiers de nous-mêmes. Ce que je dis toujours, c'est qu'il faut oublier la division Est-Ouest, qui est un cliché de la guerre froide, toujours répété. Je ne suis pas de l'Est, je suis d'Europe centrale.

Il y a bien sûr une division en Europe, mais cette division se situe entre les vrais démocrates et les faux démocrates.

– Qui sont-ils?

– De vrais démocrates existent partout, en Espagne, en Italie, n'importe où. Mais il y a ceux de l'autre bord qui appartiennent à l'élite européenne, les dirigeants de la vie politique, mais aussi ceux des académies, des sciences, des médias, ils sont partout. C’est cela la vraie ligne de démarcation, elle n’est pas géographique.

– Vous avez dit que ce qui est bizarre au Parlement européen, c’est que tout le monde s’accommode avec le courant dominant, personne s'y oppose. Voyez-vous une possibilité de changement à ce sujet?

– Le Parlement européen n'est pas un vrai parlement, il fait seulement semblant. Les pays européens envoient à Bruxelles et à Strasbourg des politiciens de «second rang», qui n'ont pas gagné des élections dans leur propre pays. On peut donc dire que ceux qui y siègent représentent la deuxième ligne. Ensuite, les démocrates-chrétiens et les socialistes se battent contre ceux qui osent critiquer la doctrine européenne officielle. Nous pouvons donc dire que le Parlement européen est l'organe de propagande officiel de l'Union, qui soutient l'intégration. Je ne vois aucune chance pour que cela change. Pour cela, il faudrait de vrais partis politiques au Parlement et un véritable "peuple européen". Ce n'est pas le cas. En Hongrie il peut y avoir des partis de gauche et de droite au gouvernement, mais c'est impossible à Bruxelles.

– La coopération de Visegrád a été un mort-vivant durant des années. Comment voyez-vous la coopération en Europe centrale aujourd'hui?

– C'est complètement différent maintenant. Je critiquais toujours le processus de Visegrád car il n'y avait pas de vraies idées politiques.

Beaucoup plus tôt, il y a une génération, alors que nos pays étaient aux prises avec de graves problèmes d'identité pour être acceptés par les pays «normaux», nous avions décidé de créer un accord de libre-échange centre-européen, le CEFTA. Cela aurait rendu beaucoup plus facile le commerce dans la région de Visegrád. Les marchés de l'Est s'étaient effondrés et les Occidentaux s'étaient fermés à nous. Ce fut la première idée importante et bonne du groupe de Visegrad. Par la suite, les activités du V4 (la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie) ont été réduites à soutenir la collaboration entre des groupes de musique folklorique moraves et hongrois.

Pendant ce temps, la crise migratoire a apporté un tout nouveau sujet parmi les pays de Visegrád, sur lequel nous pouvons nous mettre d'accord

– Cela vient-il de notre passé si les quatre pays d'Europe centrale s'accordent fondamentalement pour dire qu'ils ne veulent pas vivre comme les sociétés occidentales?

– Je ne pense pas que ce soit le résultat du passé. Il n'y a pas d'élément réactionnaire dans cette façon de penser. La position des pays de Visegrád est celle des générations âgées plutôt que celle des jeunes. Je pense que les jeunes du V4 sont aussi victimes de la propagande de l'UE et que l'UE est plus agressive à cet égard que ne l’était l'Union soviétique. Je ne dis pas qu’à l'époque de Staline ce n'était pas encore plus drastique, mais dans les années quatre-vingt la propagande n'était pas aussi agressive qu'aujourd'hui dans l'Union européenne. Les jeunes ont des problèmes. Mes fils pensent beaucoup comme moi. Je ne peux pas en dire autant de mes petits-enfants.

Source en hongrois: Magyar Nemzet

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Louis Jämes : Vaclav Klaus s’est créé des liens lorsqu’il était parmi les jeunes démocrates-chrétiens.

Aujourd’hui, les jeunes sont beaucoup manipulés afin qu’ils manifestent massivement pour le climat… cela est tout à fait calculé par les élites mondialistes au pouvoir. Outre les récupérations massives qui s’opèrent à l’occasion des manifestations – recrutement de jeunes militants socialistes/verts/d’extrême-gauche – de tels événements créent des liens pour plus tard… lorsque ces enfants seront au pouvoir. C’est une manière idéale de garantir la pérennité de l’idéologie en place.

Vaclav Klaus dit que ses petits-enfants ne pensent plus comme lui. Actuellement, les jeunes d’Europe occidentale qui arrivent dans la vie active ne pensent tout simplement pas, ils ne pensent plus par eux-mêmes… et cela nous rend très pessimistes quant à l’avenir de l’Europe.