Après les envolées lyriques du traité franco-allemand d'Aix-la-Chapelle, signé fin janvier 2019, la dure réalité des intérêts nationaux – ou du moins des industries d'armement – se rappelle à Paris et Berlin. Bruno Le Maire, ministre français de l'Economie et des Finances, est ainsi monté au créneau pour appeler l'Allemagne à davantage de coopération en matière de ventes d'armes, à l'occasion d'une interview accordée à Die Welt, ce 24 février.
«Il est inutile de produire des armes en améliorant la coopération entre la France et l'Allemagne si vous ne pouvez pas les exporter», a ainsi déploré Bruno Le Maire. Et de poursuivre : «Si nous voulons être compétitifs et efficaces, nous devons également pouvoir exporter vers des pays hors d'Europe».
De fait, alors que les fabricants d'armes des deux pays ont vocation à se rapprocher dans le cadre de l'Europe de la Défense, portée par Emmanuel Macron, les règles très restrictives de l'Allemagne concernant les exportations inquiètent Paris. Les deux pays ont convenu de développer ensemble un char de combat du futur (Système terrestre de combat, Main Ground Combat System, MGCS), ainsi qu'un système aérien de combat du futur (SCAF) qui associera avion de nouvelle génération, futurs missiles de croisière et drones évoluant en essaim.
L'ombre de Khashoggi et de la guerre au Yémen
Les exportations d'armement communes aux deux pays requéraient déjà, depuis 1971, le feu vert du pays dont dépend leur fabricant, conformément aux accords dits Debré-Schmidt. Mais, avec l'émancipation de l'Allemagne sur la scène internationale et alors que Berlin envisage de plus en plus de se positionner en tant que puissance militaire après plusieurs décennies de retrait dans ce domaine, Paris semble plus dépendant des aléas du jeu des partis politiques allemands. En 2018, le difficile accouchement d'une coalition de gouvernement entre conservateurs (CDU-CSU) et socio-démocrates (SPD) a conduit à un durcissement, unilatéral, des règles d'exportations allemandes.
Selon Florence Parly, la #France ?? est un «modeste» fournisseur d'armes à l'#Arabiesaoudite ??
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— RT France (@RTenfrancais) 30 octobre 2018
Dans le collimateur de la SPD, notamment, l'Arabie saoudite. «À partir de maintenant, nous interdirons les exportations à des pays qui participent à la guerre au Yémen», prévoyait ainsi l'accord, avant de préciser que les contrats déjà conclus ne seraient pas concernés. Mais en octobre 2018, la chancelière Angela Merkel décidait de ne plus autoriser de contrats d'armement avec Riyad après l'assassinat du journaliste Jamal Kashoggi avec l'implication des services secrets saoudiens. La France avait alors, déjà, dénoncé la décision de Berlin. «Un écrou allemand dans un système permet de prendre en otage la vente d'un armement», se désolait une source gouvernementale française citée par l'AFP, s'inquiétant du «pouvoir de blocage».
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