Dans un communiqué du 22 février dernier, le Conseil fédéral se dit favorable à l’adoption homosexuelle pour les enfants de partenaires enregistrés. Le 5 juillet 2005, le parti socialiste et ses satellites remportaient la votation sur la Loi sur le Partenariat enregistré (LPart) par 58% des voix après avoir garanti que celle-ci ne permettrait en aucun cas l’adoption. Chronique d’une stratégie.
Une fois appliquée la Loi sur le Partenariat à l'ensemble du droit suisse, droit militaire compris, à rang égal avec le mariage, exception faite de l'article 28 réservant l'adoption et la procréation médicalement assistée, le Conseil fédéral fait le constat d'une inégalité de traitement entre partenaires enregistrés et mariés ; inégalité qu'il croit de son devoir de résorber.
Droit à l'enfant
Le texte est habile, plutôt que de d'insister sur les responsables, les adultes, "victimes" de leur choix, le Conseil fédéral déplore cette injustice faite à ces enfants qui « grandissent dans de pareilles familles », le mot est lâché, et qui, par conséquent, « ne bénéficient pas des mêmes droits que les enfants nés de couples mariés ».
Le Conseil fédéral, qui semble d'ailleurs se moquer comme d'une guigne du droit de l'enfant à être élevé par un père et une mère, invente au passage une notion nouvelle et totalement inconnue de la Convention des droits de l'enfant des Nations-Unies, le droit objectif à être adopté. Or ce droit est impossible, aucun enfant ne peut contraindre quiconque à l'adopter sous prétexte d'un quelconque droit fondamental. On distingue, dans ce nouveau communiqué, toute l'adresse d'une dialectique entraînée à provoquer la petite larme sur le sort poignant d'innocents orphelins abandonnés. On en est loin, le Conseil fédéral reconnaissant lui-même que les enfants touchés par cette nouvelle lubie ne peuvent être que « nés d’une relation antérieure ou précédemment adoptés par une personne seule ». La chose est d'autant plus surprenante que, dans son Message du 29 novembre 2002, le Conseil fédéral ne connaît pas le doute : « Il n’existe aucun droit à l’adoption ».
« Tarte à la crème »
C'est ici que l'affaire prend tout son sel, dans son communiqué de presse du 11 avril 2005, le comité interpartis « oui au partenariat enregistré », adoptant la posture de réserve des grands jours, criait à la « mauvaise foi » contre quiconque osait lui reprocher de vouloir mettre le pied dans la porte, qualifiant de « tarte à la crème » toute allégation contraire à ses dénégations.
Le lendemain de la votation, le porte-parole de l'association Pink Cross désignait pourtant clairement l'adoption comme la prochaine étape. Trois ans après l'entrée en vigueur, le même parti, Les Verts, qui admettait l'interdiction de l'adoption comme « raisonnable », lançait les premières motions pour la levée de l'article 28. Comme quoi promettre en politique n'engage jamais à rien.
Le jugement du Conseil fédéral est aussi en question, qui affirmait encore, en 2002, sa conviction que l'adoption homosexuelle contrevient au droit international. En effet, dans son Message, il prend le temps de rappeler que : « Selon l’art. 12 [de la Convention européenne des droits de l'homme], seules les personnes mariées auraient le droit de fonder une famille ». L'article 26 de la Loi sur le Partenariat enregistré, qui interdit le mariage à toute «personne liée par un partenariat enregistré », pour la simple et bonne raison d'ailleurs que le partenariat se voulait en tout point une copie conforme du mariage à usage exclusif des « personnes de même sexe » (art. 2 al. 1), semble comporter en lui-même l'interdiction formelle de l'adoption homosexuelle.
Adrien de Riedmatten
Merci de votre commentaire très pertinent. Pour vous répondre, je me réfère tout d’abord à l’art. 12 CEDH, dans l’interprétation qu’en fait le Conseil fédéral dans son Message que vous avez pu lire. Dans le système moniste qui est le nôtre, vous n’êtes pas sans savoir que le droit européen, sauf réserves expresses, est à considérer comme relevant du droit suisse. J’évite ici à dessein l’art. 94 CC qui ne mentionne que la disposition du mariage, étant entendu que l’on peut fonder une famille même en n’étant pas marié.
L’art. 119 de la Constitution fédérale et les dispositions relatives à la Loi sur la procréation médicalement assistée fondent un droit objectif de l’enfant à naître d’un père et d’une mère (interdiction de manipulations type clonage et parthénogenèse). Partant, seul un homme et une femme peuvent être parents. Le bien de l’enfant, tel que mentionné à l’art. 133 al. 2 et 3 CC, fonde un devoir de l’Etat à veiller à ce que celui-ci soit élevé conjointement, dans la mesure du possible, par ses deux parents. Le Conseil fédéral vient d’ailleurs d’annoncer dernièrement une prochaine révision du code civil en ce sens. C’est ce devoir de l’Etat qui est assimilé au titre de droit par le Conseil fédéral dans son communiqué.
Le droit d’être élevé par un père et une mère, rappelé il y a quelques années par pas moins 273 parlementaires français, n’est pas à confondre avec un mandat de la Confédération contraignant le remplacement de l’un des parents décédés ou, éventuellement, non reconnus. Le cas de l’adoption par une personne seule reste une exception sur le chemin de la reconstruction de la famille dans l’acception comprise par les articles ci-dessus. De fait, légalement, la seconde personne à adopter un enfant ne peut être que le conjoint marié du premier parent adoptif depuis au mois 5 ans (art. 264 CC).
Ceci étant dit, contrairement à ce que vous semblez croire, le droit suisse, par la Convention relative aux droits de l’enfant, impose de tout tenter pour retrouver les parents disparus d’un enfant (art. 22) et de leur substituer, en cas d’échec, des parents adoptifs (art. 21). Cette même Convention dit encore, art. 7, que l’enfant a « le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux ». La perte de ses parents ne saurait entraîner la perte de ce droit, en effet, l’art. 22 al. 2 précise encore que « l’enfant se voit accorder, selon les principes énoncés dans la présente Convention, la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial », soit d’être élevé par des parents, soit un homme et une femme, soit un père et une mère.
“Le Conseil fédéral qui semble d’ailleurs se moquer comme d’une guigne du droit de l’enfant à être élevé par un père et une mère”. Eclairez ma lanterne car je ne trouve pas le fondement de ce droit-là. A ma connaissance, le droit civil suisse ne prévoit pas de trouver un père de substitution à l’enfant dont la paternité ne peut être établie ni de remplacer le parent qui viendrait à décéder. Pis, il permet l’adoption plénière par une personne seule sans exiger d’elle un dédoublement de la personnalité. Je ne vois donc pas à quel principe juridique vous faites allusion.