C'est à Leipzig que le Mur de Berlin s'est fissuré, c'est à Leipzig que celui des idées est appelé à s'effondrer.

C'est au 150e anniversaire du Parti social-démocrate allemand - le même qui s'est fondu dans le SED pour faire de la moitié est de l'Allemagne l'une des plus grossières dictatures du XXe siècle - le 23 mai prochain, que le divorce se consommera. Invité d'honneur, François Hollande; tous les ingrédients sont donc réunis pour un enterrement en beauté.

La raison de la séparation est toute dans ces révélations d'une naïveté confondante que la gauche consent, de temps en temps, dans un éclair de lucidité, plusieurs décennies après les faits, mais dont la rareté fait néanmoins l'historicité.

Instant unique:

"Aux yeux des promoteurs de l’Alliance progressiste, l’Internationale socialiste (IS) a progressivement perdu toute pertinence politique."

peut-on lire dans Le Temps.

"Aux yeux du président du SPD, Sigmar Gabriel, l’Internationale socialiste s’est discréditée en tolérant «beaucoup trop longtemps» dans ses rangs, expliquait celui-ci dans Le Monde la semaine dernière, des personnages ou des mouvements comme le Nicaraguayen Daniel Ortega, l’Angolais Jose Eduardo dos Santos, l’Ivoirien Laurent Gbagbo, ou les partis de Hosni Moubarak et de Zine el-Abidine Ben Ali."

Et ils en oublient tellement, mais l'instant est trop précieux pour qu'on leur en fasse grief.

" «Dans l’ensemble, le PS suisse partage ces reproches», explique Leyla Gül. Entre l’IS et les socialistes suisses, le torchon brûle aussi depuis quelque temps. Dans une lettre adressée à l’Internationale socialiste le 29 octobre 2012, le PS rappelait qu’il avait déjà demandé que des mesures concrètes soient prises contre des membres ne respectant pas les droits de l’homme",

lit-on encore dans le quotidien genevois. Un aveu qui a tant tardé.

"L’Internationale socialiste est de plus en plus insignifiante dans la politique internationale. Son influence et son efficacité sont faibles et ses structures figées."

A peu près comme tout ce qui est issu du politisme socialiste, serait-on tenté de dire...

Cette quête de pureté virginale a toutefois ses limites, le parti socialiste suisse devrait se disloquer lui-même, qui oublie, bien sûr, ses relations avec les dictatures d'Europe de l'est, voire, plus récemment, avec celles de Castro ou Chavez, ou bien encore qu'il tient en ses rangs d'anciens brigadistes du travail de quelque infréquentable junte socialiste sud-américaine, telle que - oh tiens ! - le Nicaragua de Daniel Ortega...

L'index troublant de l'histoire

A mille lieues de l'autocritique, ce bref coup d'oeil par-dessus l'épaule de l'histoire dévoile tout le malaise du socialisme contemporain face à son passé. En effet, on ne peut s'être fait une religion de l'anti-fascisme et de l'anti-nazisme sur la preuve des exactions et ne pas frémir devant les monceaux de cadavres qui se dessinent dans le rétroviseur. Loin devant toutes les cultures et toutes les civilisations, l'Internationale socialiste a été le premier pourvoyeur d'assassins sadiques et de fossoyeurs des libertés de toute l'histoire de l'humanité. Cette volonté de se défaire de l'oripeau sanglant fleure bon le vent de ces retours de balanciers qui ne pardonnent jamais.

Un jour viendra où, dans toutes les écoles, on lira Soljenitsyne à des gamins tremblant, pour qu'on n'oublie jamais que les damnés de la terre ne furent pas ceux qui chantaient.

Source

Illustration: Helmut Hubacher, président du parti socialiste suisse de 1975 à 1990, serrant la main de Erich Honecker, secrétaire général du SED et président de RDA de 1976 à 1989.