Dixit le Conseiller national Marc-André Houmard (PLR/BE) en… 1983.
Le 24 juin 1983, le peuple acceptait la vignette autoroutière à 30 francs, à 1'132'497 voix contre 1'005'051, sur la garantie ferme et définitive que la mesure serait... provisoire.
« Ces deux solutions forfaitaires [taxe poids lours et vignette] et limitées dans le temps ne sont pas à considérer comme de véritables instruments de la conception globale des transports, elles obéissent beaucoup plus ou même uniquement à des objectifs financiers, c'est-à-dire qu'elles permettent de trouver de nouvelles recettes pour renflouer la caisse de la Confédération. Le système que nous vous proposons, c'est-à-dire la taxe forfaitaire pour les poids lourds et pour la vignette est donc une mesure fiscale, limitée dans le temps. Il répond au désir de certains citoyens de vouloir prélever de l'argent sur les routes pour améliorer les finances de la Confédération. La commission est d'avis que le sujet est suffisamment mûr pour être présenté au peuple. Le souverain sera donc appelé à ratifier ou à infirmer notre décision.
Nous ne saurions taire le fait que la solution envisagée ne pourra en aucun cas, à notre avis, être prise dans une solution définitive. Le trafic régional, pour prendre un exemple, est traité comme le trafic de transit. Or, il faut savoir que le transport régional par camion restera du domaine des routiers et il est injuste de pénaliser les régions périphériques, elles-mêmes déjà en difficultés économiques.
[...] Nous avons à décider du péage sur les autoroutes; il s'agit également de dispositions transitoires de la constitution. Le Conseil des Etats a apporté quelques précisions. Le chiffre 2, notamment, est biffé et remplacé par le chiffre 4: « La perception de cette redevance est limitée à dix ans », alors que la formulation du Conseil national, au chiffre 2, fixait cette limite au 31 décembre 1990 » (Source).
Une mesure d'urgence, qui devait durer 5 ans à l'origine, et qui se retrouvait subrepticement portée à 10 par la grâce de nos parlementaires, quelques jours à peine avant d'être présentée en votation populaire. L'heure était grave, le peuple accepta ce sacrifice.
1993
10 ans plus tard, en 1993, le Parlement met sur la table un projet de « Prorogation et refonte» de ladite mesure, une nouvelle fois à l'invitation du Conseil des Etats. Au Conseil national, des voix, socialistes forcément, s'élèvent pour protester contre le fait que cette taxe provisoire ne soit pas déclarée définitive, le vaudois Michel Béguelin déclare en effet: « Le projet du Conseil fédéral va dans le sens de l'intérêt collectif bien compris. En revanche, la décision du Conseil des Etats, qui vise simplement à proroger pour dix ans la taxe poids lourds à forfait, constitue non seulement un signe d'immobilisme mais encore une manifestation d'intérêts égoïstes à courte vue d'une partie de la branche routière » (Source).
Mais le texte du Message du Conseil fédéral ne permet pas d'hésitation, qui affirme que: « Aussi longtemps que le trafic routier privé ne couvre pas les coûts qu'il occasionne, le prélèvement des redevances s'avère justifié. En effet, on enregistre un découvert, aussi bien pour les véhicules soumis à la vignette autoroutière que pour ceux pour lesquels la redevance sur le trafic des poids lourds a été acquittée.
[...] Suite à une consultation menée durant l'hiver 1989/90, on propose de proroger au-delà de 1994 la perception des redevances sur l'utilisation des routes. Au fond, il s'agira de reconduire celles-ci quasiment sous leur forme actuelle. Toutefois, le Conseil fédéral suggère quelques remaniements, tels l'adaptation à l'évolution des prix et l'affectation des produits ».
Une adaptation qui portera finalement le prix à 40 francs, et un découvert inextinguible qui fera douter certains parlementaires, comme le Conseiller aux Etats Edouard Delalay (PDC/VS): « Nous voulons bien admettre une adaptation des tarifs à des taux de progression qui dépassent largement le renchérissement, mais dès ce moment, nous voulons signifier au Conseil fédéral que ça commence à suffire. Le peuple vient d'accepter 22 centimes d'augmentation sur les carburants pour l'essence et pour le diesel. Dès qu'il a obtenu cette taxe supplémentaire, au résultat de laquelle nous avons contribué, c'est un nouvel effort qui est demandé par le Conseil fédéral par l'augmentation de 33 pour cent des taxes routières. Comme cela ne fait pas suffisamment le poids pour le Conseil fédéral, il propose une délégation illimitée de compétence pour passer encore à d'autres taxes selon la prestation. Alors là, je dis: On a déjà donné et ça suffit.
L'argumentation du Conseil fédéral repose sur le fait que le trafic ne couvre pas les coûts qu'il provoque. Nous n'en sommes pas du tout persuadés depuis l'augmentation de la taxe de 22 centimes par litre du carburant, et surtout parce que le compte routier est toujours et encore établi sur des bases contestables qui ne tiennent pas compte de la charge provoquée par les véhicules étrangers et qui ne prennent pas en considération les prestations du trafic routier pour l'économie générale. On parle beaucoup des frais externes, mais on ne parle jamais de l'apport du trafic routier à l'économie générale. Nous attendons donc de voir l'effet de l'augmentation de la taxe sur les carburants et des redevances autoroutières pour voir si le compte routier est couvert ou non. » (Source).
Si, dans son Message, le Conseil fédéral joue sur la notion peu claire de prorogation et celle d'une imposition maintenue « aussi longtemps » que nécessaire, les faits sont là, le texte propose une fixation définitive. Le 20 février 1994, le Conseil fédéral convaincra 68,5% des votants à fixer le principe dans la Constitution avec des arguments massues tels que: « La vignette représente une façon simple et non bureaucratique de taxer les usagers » ou encore: « Si l'on considère le coût total d'une voiture, cette augmentation est tout à fait supportable. En outre, tout relèvement ultérieur devra probablement être arrêté par le Parlement. Le peuple pourra, le cas échéant, lui aussi donner son avis, puisqu'un tel arrêté sera sujet au référendum facultatif » (Source).
A peu de choses près, le Conseil fédéral justifiait l'augmentation d'hier en invitant le peuple à refuser celle de demain.
2013
Le 4 mars dernier, les dernières résistances du Conseil national cédaient pour la vignette à 100 francs plutôt qu'à 70, soit 150% d'augmentation.
Un comité interparti se dresse contre cette nouvelle augmentation « abusive », et réclame une image claire de ce qui reste à financer par le biais de cette redevance extraordinaire, laquelle, souvenez-vous, ne pouvait « en aucun cas être prise dans une solution définitive » ni même considérée « comme un véritable instrument de la conception globale des transports »... en 1983. Autant d'affirmations balayées par le Conseil fédéral actuel et Doris Leuthard, oubliant sans doute que le citoyen paie déjà des impôts pour ses infrastructures routières, et qui voit dans la vignette, la vignette à 100 francs bien sûr, le seul et unique moyen de financer le réseau routier actuel; d'où la question, fort légitime, des référendaires.
En cas d'échec, rendez-vous dans 10 ans...
Admettons, admettons…que nous allions voter. Pour ou contre la vignette à Fr. 100.- ?. La Suisse est un pays formidable qui étonnera toujours ses voisins. Demandez aux Suisses s’ils veulent plus de vacances, ils vous diront non. On a voté sur la semaine de 40 heures, cela a été refusé. Par contre, si vous demandez au peuple helvétique s’il est d’accord de payer plus d’impôts, il est à parier qu’il dira oui. Mais pourquoi ? Êtes-vous masos me demandait un ami anglais ? Pas du tout luis ai-je répondu. L’explication est que nous avons un Röstigraben, respectivement une Polentaberg: les trois quarts des Suisses sont installés de l’autre côté, c’est la seule majorité que nous ayons, aussi bien en en politique qu’en guise de gouvernement. Alors même si nous devions voter pour ou contre la vignette, la majorité décidera que les Fr. 40.– que nous payons actuellement sont scandaleusement insuffisants.
Tous les politiques sont des menteurs : ils prennent des engagements et, bien sûr, ne les tiennent pas. Citoyens n’acceptons aucune hausse de la vignette ! Le compte routier est bénéficiaire si l’on y ajoute les taxes essence qui doivent alimenter ce compte. La dérive du Conseil Fédéral aujourd’hui ne doit pas être acceptée : nous voulons voir le compte routier… cette façon d’enfumer les citoyens est inadmissible de la D. Leuthard. Sa capacité de conduire le pays est plus que discutable… voire ses options énergétiques qui vont couler les entreprises (et les places de travail)… ou, imbécilité, de promouvoir le carburant vert au détriment de cultures vivrières, etc !