Pour en finir avec Le Pouvoir !

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire

France.Les demi-mesures qui se voulaient subtiles du gouvernement passé comme les mesures nuisibles de l’actuel, l’absence de réformes structurelles nécessaires de la part des deux mettent la France dans un état d’hébétude qu’elle ne quittera que dans la crise. Les amortisseurs sociaux, notre modèle, dont certains sont si fiers, sont notre morphine.Or pour soigner le malade, c’est une thérapie de choc qui serait nécessaire et qui commencerait par écarter les charlatans.
A notre frontière, se trouve un pays qui les écarte régulièrement. C’est la Suisse qui fait appel à la Démocratie Directe, au référendum d’initiative populaire. Je pense, pour ma part, que c’est le plus sûr moyen d’arrêter la pente fatale du pouvoir.

Perdant-Perdant, tel est le bilan de la politique française. Les sondages l’indiquent : les cotes des deux prétendants à la présidence de l’UMP s’effondrent, mais le Président de la République et le Premier Ministre reculent également. Quant aux autres, leur manque de crédit les empêche de profiter de la situation. En fait, les Français prennent conscience de la réalité cruelle de la politique qui est censée les diriger ou les protéger et du vrai visage des politiciens, marchands de rêves et d’illusions, mais incapables de relever les défis du temps. Devant ce marasme révélateur, il faut pendre un peu de hauteur et laisser place à la réflexion. Il faut retourner à l’essentiel que certaines bonnes lectures nous fournissent.

Par exemple, les évènements actuels peuvent être éclairés par ce livre fondamental de Bertrand de Jouvenel (photo): « Du Pouvoir. » J’en tirerai, pour ma part, quatre enseignements. D’abord, qu’est-ce réellement que la politique ? L’art de conduire la Cité, de viser au Bien Commun ? Non, l’essence de la politique, c’est la conquête et la jouissance du pouvoir. Voilà ce que nous rappellent les évènements actuels qui nous éloignent de la philosophie, hélas, pour nous déposer sur les rivages arides du réalisme. « Il y a fatalement de l’égoïsme dans le pouvoir » inspiré par « le génie dominateur » écrivait Jouvenel. Deux ambitieux qui visaient l’Elysée se sont affrontés. Le plus pugnace a vaincu le plus orgueilleux, blessé au point de préférer casser l’outil plutôt que de l’offrir à son concurrent. Quant aux « sages » qui proposent leurs bons offices, ce sont les « outsiders » qui n’ont pu participer à la course ou ceux qui se sont réservés pour l’étape suivante. Personne n’est dupe.

En second lieu, ce malheureux épisode éclaire aussi ce régime des partis dont se méfiait De Gaulle et qui est revenu dans toute son horreur avec l’instauration stupide du quinquennat. « Fondée sur une psychologie empirique, la machine réduit au néant et au ridicule les prétentions de la philosophie politique » écrit encore Jouvenel. Eh oui, la cuisine électorale n’aime pas les idées, mais c’est au point, ces derniers jours de rendre les cuistots eux-mêmes grotesques. Derrière chaque « grand chef », se presse la cohorte des marmitons, fidèles et dévoués dans les limites de leurs espérances. « Le groupe fait triompher des candidats qu’il a choisis moins en raison de leur valeur que de l’obéissance qu’ils promettent. Ils seront d’autant plus fidèles qu’ils seront plus incapables d’une carrière autonome. » J’en sais quelque chose. La coïncidence des élections présidentielle et législative a accentué le rôle du parti qui désigne les candidats à la députation qui se font élire dans la foulée du vote présidentiel. Le choix des électeurs se fait à court terme sans tenir compte du travail accompli sauf à tirer bénéfice du cumul des mandats. On comprend donc l’acharnement des uns et des autres à s’emparer des clefs de la maison.

En troisième lieu, et pour quitter l’atmosphère délétère des couloirs de l’Assemblée, l’une des conclusions les plus fortes de la réflexion de Jouvenel sur le pouvoir réside dans l’idée que celui-ci tend spontanément à s’accroître souvent même de manière paradoxale. Au nom de la liberté hier, de l’égalité aujourd’hui, toute l’évolution de nos sociétés tend à réduire celles-ci au face à face entre les individus et l’Etat. Entre les deux, « la lutte contre la cellule familiale n’est jamais achevée. » Le mariage et la famille ont d’abord été présentés comme des moyens d’oppression dont il fallait se défaire, et l’exemple est donné au plus haut niveau. Mais, au nom de l’égalité, et pour achever la bête, on réclame aujourd’hui une reconnaissance sociale d’unions fondées non sur l’objectivité anthropologique, mais sur la préférence individuelle. Le résultat de cette dérive nous a été fourni par l’INSEE dans son dernier rapport : entre 1990 et 2009, le nombre des familles monoparentales a été multiplié par 1,7. Ce phénomène correspond aux catégories sociales les plus défavorisées et engendre les situations les plus précaires. Mais cela renforce évidemment l’Etat-Providence, « une puissance bienfaisante » veillant « sur chaque homme depuis le berceau jusqu’à la tombe… un immense matriarcat, puisqu’on dit que la puissance collective doit être animée de sentiments maternels ». De cet Etat, les socialistes sont les partisans affichés, mais observons attentivement les prétendus « humanistes », la différence est mince, et l’ambition identique : le pouvoir, le pouvoir, vous dis-je !

Enfin, cet empressement autour du pouvoir oblige désormais à occuper la place éminemment stratégique des médias. La loi n’est plus la règle suprême de la vie collective, à laquelle on ne devrait toucher que rarement et en tremblant, elle est le moyen d’attirer un moment l’attention du public en évitant ensuite qu’il s’intéresse de trop près à une mise en œuvre douteuse et à des résultats incertains. « La loi a cessé de présider à une nécessité supérieure… elle est devenue l’expression des passions du moment… ce qu’on nomme activité législative n’est qu’un ouvrage hâtif des intérêts à courte vue et des pouvoirs aveugles. » Les demi-mesures qui se voulaient subtiles du gouvernement passé comme les mesures nuisibles de l’actuel, l’absence de réformes structurelles nécessaires de la part des deux mettent la France dans un état d’hébétude qu’elle ne quittera que dans la crise. Les amortisseurs sociaux, notre modèle, dont certains sont si fiers, sont notre morphine. Non seulement, elle ne guérit pas, mais encore elle accentue la maladie. Or pour soigner le malade, c’est une thérapie de choc qui serait nécessaire et qui commencerait par écarter les charlatans. A notre frontière, se trouve un pays qui les écarte régulièrement. C’est la Suisse qui fait appel à la Démocratie Directe, au référendum d’initiative populaire. Je pense, pour ma part, que c’est le plus sûr moyen d’arrêter la pente fatale du pouvoir.

Christian Vanneste

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