Le Président de la République Française n’est plus que l’ombre du Président des Etats-Unis qui n’est plus que l’ombre du personnage fabriqué par les médias, il y a sept ans. Pendant que les islamistes pataugent dans le sang, celui des Chrétiens, celui des Kurdes, celui des Chiites, celui des Yézidis, ou encore celui des soldats syriens de l’armée d’un Etat qui siège aux Nations Unies, ou enfin celui d’un journaliste américain, Monsieur Obama étudie des options, envoie quelques drones, mais ne fait pas la guerre aux extrémistes sunnites, les cousins dévoyés des riches alliés du Golfe. Bien sûr la temporisation se veut morale : on ne choisit pas entre deux barbaries, celle du dictateur syrien et celle du calife de Mossoul. L’écho s’est immédiatement propagé à Paris où Hollande a répété servilement la leçon. Mais si on flaire de près la démarche, un fort relent de pétrole s’en dégage. Les racines du mal se trouvent en Afghanistan lorsque les Américains ont intelligemment utilisé les fanatiques de l’Islam financés par les Saoudiens, aidés par le Pakistan pour vaincre les Soviétiques. Ils ont réussi, mais comme d’habitude, une fois l’objectif atteint, ils sont passés à autre chose, ont laissé s’installer la guerre, les Talibans, Al-Qaïda et ont été tout surpris un certain 11 Septembre 2001. Les alliés étaient devenus des « aliens ». Cela ne les a nullement empêchés de récidiver en Irak, avec la suite civile calamiteuse donnée à la victoire militaire et le départ prématuré des troupes américaines décidé par Obama. Alors, pas de leçon de morale : les alliances avec le diable, les Etats-Unis connaissent. Leur problème n’est pas moral, il est compliqué. Il ne faut surtout pas ébranler les monarchies islamiques et néanmoins pétrolières en poussant les extrémistes vaincus en Irak et en Syrie à mettre le feu au coeur de la terre d’Islam. Les répercussions énergétiques et financières seraient trop graves. Les mamours de Hollande à l’Islam modéré et les discours belliqueux envers Assad ne sont pas étrangers non plus aux relations fructueuses que notre pays entretient avec le Golfe et ses riches Etats , qui sont, comme chacun sait, des modèles de démocratie et des sanctuaires pour les Droits de l’Homme. Il ne faut pas confondre la barbarie syrienne ou les assassinats sanglants de « l’Etat islamique » avec la tradition éminemment respectable des décapitations au sabre dans le Royaume wahabite.
Donc les Belles-Ames qui ont les mains pures parce qu’elles n’ont pas de main, qui répugnent à combattre le mal en s’alliant avec le mal, c’est ici un bobard colossal. Simplement, le réalisme politique a descendu deux étages. Au lieu de s’affirmer comme tel, il se fait hypocrite. Sarkozy avait usé du même procédé lorsqu’il avait liquidé Kadhafi, si généreusement accueilli à Paris quelques années plus tôt. Il a engagé la France, apparemment pour soutenir l’arrivée d’un printemps arabe, démocrate et modéré, et avec pour résultat de créer, en fait, l’infâme chienlit qui règne dans ce pays où des barbares en affrontent d’autres quand ils ne vont pas porter le fer dans le Sahel voisin. Mais le Qatar était content, et c’était l’essentiel. La politique est donc toujours machiavélique plus que morale. Toutefois, ses buts se situent davantage dans l’horizon économique des intérêts les plus sordides que dans celui de la stratégie mondiale.
Or la France a de longtemps adopté cette politique réaliste des alliances à revers. Elle l’a fait quand c’était vital pour elle et pas seulement pour défendre quelques intérêts. La fille aînée de l’Eglise n’a pas hésité à s’allier avec le Grand Turc, sous François Ier ou Louis XIV contre l’Empire catholique. La IIIe République a noué une entente avec le Tsar de toutes les Russies contre l’Allemagne. Le Tsar en question était Alexandre III un autocrate créateur de l’Okhrana, une police politique essentielle à ce régime particulièrement réactionnaire. On le sait, c’est cette alliance, dont le plus beau pont de Paris témoigne encore, qui a permis la Marne en forçant les Allemands à se battre sur les deux fronts. Lorsque avant Munich, les Français n’ont pas choisi Staline contre Hitler pour des raisons idéologiques, ils ont fait une énorme bourde, réparée trop tard par les alliés en 1941. Aujourd’hui, la France devrait faire entendre sa propre musique. Il est prioritaire que la paix et l’ordre soient rétablis en Syrie et en Irak. L’exemple libyen montre que le plus court chemin est celui de la consolidation du pouvoir en place. L’ennemi absolu est celui qui installe un foyer cancéreux du djihadisme avec des métastases au coeur de nos cités. Le laisser grandir, c’est oublier qu’un jour, plus proche qu’on ne pense, il pourra s’attaquer aux monarchies, et que le lendemain il propagera la prédication et le terrorisme chez nous. Ce changement d’orientation suppose aussi la volonté d’entretenir des relations plus ouvertes avec l’Iran et la Russie, qui ne menacent en rien notre pays. Si la France avait ce courage, elle pourrait jouer un rôle décisif en Ukraine et au Moyen-Orient plutôt que de mêler ses timides aboiements à ceux de la meute américaine. La France retrouverait sa vraie place qui n’est pas celle d’un comparse comme elle l’était du Royaume-Uni à Munich. L’ordre du monde y gagnerait et il s’agit là de politique plus que d’intérêts économiques. Enfin, la morale elle-même y trouverait son compte, car la passivité des Occidentaux devant les horreurs commises par « l’Etat islamique », est le véritable scandale.
Christian Vanneste, 29 août 2014
Monsieur Vanneste a raison; il prêche le réalisme politique. Mais qui pourrait l’écouter ? Obama est un pupazzo de pacotille et son toutou Hollande n’a aucune envergure. La France, depuis Mitterrand, n’est plus en mesure de faire entendre une autre voix. À moins que son peuple ne se réveille et ne donne à nouveau au monde un souffle de liberté. Compte tenu du délabrement actuel, ce serait un miracle !