Pédophilie: le risque de récidive existe-t-il ?

Les opposants à l'initiative anti-pédophiles parlent d'amour de jeunesse, d'Etat de droit et de proportionnalité, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga parle même de "courage" les concernant. Mais, au milieu de leurs dénégations censées justifier de leur bonne foi à l'intention des enfants - qu'ils disent vouloir à tout prix protéger, alors que leur position revient à remettre, au bout de dix ans dans le meilleur des cas, des pédophiles dans leur salle de classe -, on les entend à peine sur la question de la récidive.

 

Lucie, Marie, Adeline, la récidive de criminels dangereux, pourtant dûment relâchés par ces juges auxquels les anti-initiatives veulent à tout prix confier les pleins pouvoirs d'appréciation, est criante et on en a cependant jamais aussi peu parlé.

La question est simple, guérit-on de la pulsion pédophile ? Traitements chimiques, psychiatriques, peuvent-ils en venir à bout ? Dix ans suffisent-ils à calmer le démon qui habite les pédophiles ? Petit début de réflexion avec un cas qui a défrayé la chronique tout au long du XXe siècle. Un cas d'école, si l'on peut dire, et qui démontre à quel point ce genre d'affaire s'oublient vite.

 

L'affaire Socley

socley marescot

Gabriel Socley, né en 1907, à Dijon, d'une famille aisée a connu une macabre renommée pour l'enlèvement et l’assassinat d’une petite fille de 4 ans et neuf mois, Nicole Marescot, petit ange blond, à Chaumont, le 19 avril 1935. Sa dépouille ne sera retrouvée que sept mois plus tard. La petite Nicole avait eu la tête broyée en 41 fragments, le bassin était manquant...

Condamné à mort en 1936, Socley voit sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité pour un vice de procédure l'année suivante. Léon Blum ayant supprimé les transferts en Guyane des condamnés aux travaux forcés, Socley reste en France. En 1952, le système pénitentiaire s'assouplit, sa peine passe à vingt ans de travaux forcés à compter de cette date. On le conduit peu après dans un établissement pour malades mentaux afin de le soigner. En 1956, le préfet du Jura refuse sa libération conditionnelle, il est toutefois libéré en 1960 et rentre à Dijon, chez sa mère. Quelques jours après sa libération, il tente d'attirer la petite Martine, un mois plus tard, Jacqueline, 11 ans. Un passant reconnaît Socley au moment où la petite fille essaie de se dégager. Les journaux sonnent l'alarme, la police le recherche, on l'attrape un mois plus tard, une troisième plainte se joint aux précédentes, Socley n'est pas dehors depuis deux mois. On l'envoie à l’hôpital psychiatrique de Bourg-en-Bresse où on ne lui diagnostique aucun trouble particulier sinon d'être un "pervers intelligent". Socley avait été expertisé en 1948, en 1954 et en 1956; en 1960 on l'avait laissé sortir.

En 1971, à 63 ans, il place un mannequin dans son lit pour tromper ses gardiens et réussit à sauter le mur de l'asile de Sarreguemines. Il trouve un emploi de plongeur mais, reconnu, il est rapidement repris. Il meurt, enfin, en 1981.

 

Dans la tête de...

Socley est avant tout le symbole de la transition judiciaire qui passe, en moins de 20 ans, de la peine de mort aux asiles pyschiatriques. Force est de constater que tant le milieu carcéral que médical ont tous deux échoué à le changer.

La justice, surtout, a échoué. Dès 1925, il avait 17 ans, la police de Dijon recevait de nombreuses plainte de parents dont Gabriel Socley avait tenté d'emmener les fillettes, leur proposant des bonbons et les entraînant dans des endroits sombres. Mineur, il échappe à tout. En 1926, la police le prend à nouveau. Un éminent avocat, ami de la famille, le tire d'affaire et le fait acquitter comme ayant agi sans discernement. Le tribunal renonce à l'envoyer en maison d’éducation surveillée. Pourtant, le procureur d'alors avait déclaré: "Cet homme est dangereux".

1926, 1927, 1928, il est condamné pour de petits larcins dont, notamment, des vols de chloroforme. En 1928, il prend sept ans pour des cambriolages. En 1935, Nicole...

Juges, médecins, personne n'aura mieux compris Socley que lui-même. Le 28 août 1960, il envoie une confession à son avocat. Il fait porter le poids de sa nature sur le compte d'une mère abusive mais, surtout, il explique l'ivresse qu'il y a à prendre des petites filles comme des femmes:

"Raison de plus s’il est harmonique (il doit pouvoir s’épanouir librement, ndr), sinon, on l’étouffe, alors il cherche une dérivation pour se canaliser. C’est exactement ce qui s’est produit pour moi. Lâché subitement à la rue à l’âge de dix-sept ans, ne connaissant rien de l’existence des femmes. Réservé avec les jeunes filles par manque de contact amical puisque ma mère n’a jamais voulu que j’apprenne à danser et à fréquenter alors le besoin normal de sexualité se révélant avec l’âge m’avait donné l’idée d’étudier le sexe féminin sur des petites filles et cette idée me procura une griserie bien compréhensible en l’occurrence."

Pour justifier ses crimes, il parle, lui aussi, d'amour, de puberté:

"Ma proposition à cette fillette qui sera pubère dans un à trois ans, était aimable, je dis pleine de délicatesse, relation passagère considérée sur le plan présent dans un ordre d’idées surtout sentimental, comme l’ont prouvé mes paroles à son égard. J’ai été caressant dans mes paroles, mon attitude dénuée d’agressivité, je ne l’ai ni bousculée, ni obligée à maintenir la conversation, et on a l’audace de m’accuser de violences (cela, c’est un comble, et la farce est complète) pourquoi cette persistance étrange à maintenir ce rapport insolite lequel serait applicable à la majorité des hommes dans leur vie privée.

[...] Je disais que je suis un sentimental, et en même temps un homme d’action (ce qui est rare). Je suis sensible à la nature humaine, réceptif à la belle musique, à toutes les beautés terrestres, sensible à la fraîcheur féminine, amateur de sentiments fins et rares. Moi, faire du mal à des enfants, à des fillettes ? Allons donc, je les affectionne bien de trop ; moi qui aurais tant aimé créer un foyer. Avec les fillettes, je ne recherchais plus que l’affection, la douceur, satisfaire ma sensibilité cérébrale, comme a établi dans une certaine mesure mon comportement présent. Oui, je sais bien, on va me rétorquer que j’ai caressé par effleurage, les parties génitales externes disons d’une petite fille, rue Jules Ferry. La belle affaire que voilà ! J’ai précisé de mon propre aveu, spontanément, à la gendarmerie de Maly-le-Grand, ainsi qu’à monsieur Pons, juge d’instruction à Dijon, le mobile de cet acte minime qui était une dernière fois nécessaire."

On croirait entendre un autre Gabriel, Matzneff, cet écrivain pédophile qu'aime tant à célébrer notre RTS, et qui insiste sur une relation mutuelle d'amour, de séduction, soulignant tout particulièrement la chance que ses victimes ont pu avoir de rencontrer un homme si éduqué, si délicat et si bien de sa personne.

Mais pourquoi Socley écrit-il "une dernière fois nécessaire" ? Il axe sa défense sur l'idée qu'il aurait voulu vérifier une dernière fois s'il était toujours sujet à ce genre de tentations, vérifier par lui-même une sorte de thérapie personnelle. Après 25 ans de détention et de soins psychiatriques, voilà ce qu'il écrit:

- SENSIBLES S'ABSTENIR -

Socley le fauve est lâché"Libéré de Château-Thierry, le 26 juin 1960, j’ai soif surtout de tendresse féminine, soif d’aimer surtout sentimentalement une jeune fille ou une jeune femme moi qui a été privé d’affection toute mon existence, je cherche à Dijon et je ne trouve pas. Ma tendresse, alors faute de mieux, a tendance à se reporter provisoirement sur des fillettes et cependant je sais que ce n’est pas ce que je souhaite. C’est un simple palliatif. Je décide alors consécutivement au dégoût sexuel que je commençais à ressentir en prison, de tenter une ultime expérience sur une fillette, pour voir si mes réactions sexuelles seraient les mêmes qu’au temps jadis. Donc je n’agis pas présentement sous l’influence directe du désir après quelques recherches, l’occasion se présente rue Jules Ferry. J’aperçois une petite qui joue seule dans l’escalier d’une maison, je n’ai aucunement l’intention d’introduire mon doigt, sachant depuis l’âge de dix-sept ans, que cela ne doit pas se faire sur une fille encore non formée. Je lui donne un bonbon (en ayant toujours dans ma poche pour compenser le tabac puisque je ne suis plus fumeur), je lui demande si elle veut que je lui caresse le ventre. Petit silence. Je lui répète « dis-moi oui ou non », elle murmure « oui » (sinon je serai parti) alors sans aucun trouble, je lui caresse légèrement le sexe avec deux doigts pendant une minute au plus et je réalise sans grande surprise que cet attouchement superficiel ne me crée plus de griserie cérébrale ni de sensations sexuelles organiques comme par le passé."

Socley s’estime donc guéri, puisque « le simple morceau de chair » caressé ne lui fait plus aucun effet. En même temps, la soixantaine approche. Il se sent prêt toutefois à une relation avec une fille pubère de quatorze à vingt ans. Il reconnaït que douze, treize, quatorze ans, c’était un peu jeune, mais il est en quête de fraîcheur, de candeur. Il déplore la rigidité du Code pénal français en la matière. Il veut s’adresser à une agence matrimoniale ou à un orphelinat. Il considère ces attouchements thérapeutiques comme des "bagatelles", des "actes bénins".

Amours juvéniles, tendresse, puberté, affection, effleurement, mains sur la cuisse, petits bisous, Code pénal trop dur, bagatelles, autant de termes ou de principes qui rappellent étrangement la dialectique des opposants à l'initiative de la Marche blanche. Certes, ces opposants ne sont pas des pédophiles, ils nous le rappellent assez, mais, curieusement, leur argumentation est de même nature que celle d'un Gabriel Socley, repris, puis relâché, puis repris à nouveau et qu'ils voudraient pouvoir relâcher s'il était encore en vie.

 

Sources

L’affaire Socley, éditions du Panthéon, 2008.

Criminocorpus

Guillotine

 

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