L'historienne et auteure américano-polonaise Anne Applebaum, mariée au ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski, critique la Suisse dans le Tages-Anzeiger. «Ce que les entrepreneurs suisses ont fait auprès de Trump est de la corruption», dit-elle à propos de l'accord douanier.
Concernant la neutralité, elle déclare: «La compétition et la guerre des idées, qui se déroulent aujourd'hui en Europe et dans le monde, sont quelque chose auquel vous participez. Quelle que soit l'attitude de la Suisse, elle doit choisir un camp.»
Nous vivons «une guerre des idées sur le fait de savoir si les États doivent être dirigés par des pouvoirs autocratiques, échappant à tout contrôle et gouvernant sans transparence. Est-ce la meilleure façon de gouverner une société? Ou les sociétés devraient-elles être dirigées comme des démocraties libérales, où les gens ont des droits et le gouvernement agit de manière transparente»? C'est le débat qui se déroule dans chaque pays.
Applebaum critique également sévèrement Donald Trump: Le gouvernement actuel des États-Unis, dont les membres cherchent «avant tout à s'enrichir», ne fait pas partie de la solution, mais du problème. «Je peux imaginer une coalition européenne et même de certains pays non européens, qui voient les dégâts que la corruption cause dans leurs sociétés.» Elle espère «qu'à l'avenir, non seulement de nouvelles alliances de défense internationales verront le jour, mais aussi des coalitions transfrontalières pour lutter contre la corruption».
Qui serait contre la limitation de la corruption? Le lecteur neutre constate cependant combien l'historienne reconnue Applebaum comprend ou veut peu comprendre la nature et la fonction de la neutralité suisse, et combien sa vision de notre monde corrompu est unilatérale voire naïve.
Elle attend le salut de l'Europe? A-t-elle encore entendu parler de l'affaire Pfizergate d'Ursula von der Leyen? A-t-elle déjà oublié le Katargate au Parlement européen? Le récent scandale de corruption autour de l'ancienne vice-présidente de la Commission Federica Mogherini et l'école de cadres européenne du Collège d'Europe à Bruges, qui a également une antenne en Pologne, lui est-il passé inaperçu? N'a-t-elle jamais entendu parler de la «mafia de Bruges»? Et des millions qui disparaissent dans des canaux douteux, de la Sicile jusqu'à, oui, la Pologne, de la Roumanie à la France? De l'Ukraine, qui n'est (pas encore) membre de l'UE, mais à qui Applebaum recommande d'envoyer encore plus d'argent, sans parler.
On apprend: la corruption et le «règne autoritaire» n'existent que chez les autres, de préférence chez l'adversaire politique. Le cas Jacques Baud, assurément pas un modèle de démocratie libérale, de droits humains, d'État de droit, d'action gouvernementale transparente, n'est pas mentionné par Applebaum.
Avant que cette Europe «dirige des coalitions transfrontalières pour lutter contre la corruption» et donne au monde des leçons de gouvernance impeccable, elle pourrait commencer par elle-même, n'est-ce pas?

Et vous, qu'en pensez vous ?