BBC: service de déni public

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L’institution audiovisuelle britannique traverse une crise qui écorne sa réputation. Diffusion de fake news concernant Trump, BBC Arabic relayant la propagande du Hamas, programmes jeunesse promouvant l’idéologie transgenre. Sans surprise, pour la BBC, le problème n’est pas sa partialité éditoriale mais ceux qui osent la dénoncer


« Sorry, not sorry » est une expression anglaise pour désigner des excuses qui sonnent faux. Elle est parfaitement adaptée à celles que la BBC a présentées à Donald Trump, après la révélation, le 3 novembre, par le Daily Telegraph, du contenu d’une note interne du radiodiffuseur de service public. Cette note tirait la sonnette d’alarme concernant certaines des pratiques éditoriales de la Bib, notamment le montage fait par son émission-phare dans le domaine des reportages politiques, « Panorama », du discours prononcé par Trump devant ses partisans le 6 janvier 2021. Juxtaposant des parties très différentes de ce discours, le documentaire intitulé « Donald Trump : une deuxième chance » et diffusé à la veille de l’élection de 2024, donnait l’impression que le président avait fait un appel direct à la violence avant l’assaut du Capitole. Informé de cette manipulation grâce au quotidien britannique, Trump a prétendu y voir une tentative pour influencer le processus démocratique. Il a réclamé des excuses à la BBC et indiqué que, face à cette « diffamation », ses avocats exigeraient des dommages et intérêts s’élevant à un milliard de dollars, chiffre qui est monté depuis à cinq milliards ! Aux États-Unis, Trump a déjà obtenu des sommes considérables par des règlements extrajudiciaires avec les chaînes ABC et CBS, ainsi qu’avec Meta (propriétaire de Facebook et Instagram).

Dans sa réponse, la BBC a dit « regretter » la manière dont « la séquence a été montée ». Le verbe est ambigu (on s’excuse de son acte ou on se désole de l’avoir commis ?), et la voix passive permet de ne pas identifier les responsables. Selon la BBC, l’émission n’était pas diffamatoire, puisqu’elle n’avait pas été diffusée aux États-Unis et n’est plus disponible en ligne. Enfin, ce documentaire n’aurait pas eu d’effet, car Trump a gagné l’élection. Une autre déclaration parle d’une « fausse impression » qui aurait été donnée « accidentellement ». Mais ces manifestations de contrition passent à côté du vrai problème de la BBC : la partialité idéologique de nombre de ses salariés.

En flagrant déni

Prise ainsi en flagrant délit de fake news, la hiérarchie de la BBC est l’auteur de ses propres maux. Depuis longtemps, elle préfère minimiser les avertissements qui lui sont adressés par ses propres systèmes de contrôle. Celui qui est à l’origine de la fameuse note fuitée au Daily Telegraph, Michael Prescott, ancien chef de la rédaction politique au Sunday Times, était un consultant indépendant embauché par la BBC pour renforcer sa commission chargée de surveiller la qualité de l’information. Il a rédigé sa note avant de démissionner en juin, désespéré par l’inaction du conseil d’administration qu’il accuse d’être toujours sur la défensive quand un problème éditorial est soulevé. L’affirmation selon laquelle le montage du discours de Trump était « accidentel » est manifestement fausse : si ce montage date de 2024, un autre très similaire et aussi mensonger avait été fait en 2022 par l’émission d’actualités la plus prestigieuse de la BBC, « Newsnight ». Ainsi, la direction travestit en bévues des choix résultant de ce qu’on peut appeler – en empruntant le jargon wokiste qu’affectionne la BBC – des « biais systémiques ».

Ce refus d’admettre que son personnel puisse être coupable de déformer l’information sous l’influence de ses préjugés politiques est le talon d’Achille de la BBC. Créée en 1922, elle a construit pendant des décennies une réputation d’impartialité relative et de fiabilité. Désormais, ce capital patiemment acquis a été presque entièrement gaspillé. Sa réaction à ce qu’on pourrait surnommer le « Trumpgate » révèle son talent pour le déni. Ses journalistes ont laissé entendre que l’esclandre autour du faux montage serait le résultat d’un complot ourdi par la droite. Une opération de subversion viserait à saper la légitimité d’une BBC vouée au combat contre ces fakes news par lesquelles les réactionnaires populistes manipulent les électeurs. Cette interprétation a été relayée par beaucoup de politiques de gauche, bien que le Premier ministre, sir Keir Starmer, ait préféré rappeler la BBC à l’ordre. Lui, qui s’est démené pour garder des relations cordiales avec Trump, est gêné par l’attaque mensongère d’un média de service public contre un allié surpuissant. Les tenants de la lecture complotiste font valoir que l’un des membres du conseil d’administration est sir Robbie Gibb, un proche du Parti conservateur. S’il a joué un rôle dans la révélation de l’affaire, c’est peut-être parce qu’il pense, non sans raison, que la BBC traverse une crise existentielle. Seulement, pour la BBC, le problème n’est pas sa partialité éditoriale, mais ceux qui osent en parler. Ça ne vous rappelle rien ?

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Cette tendance au déni fait partie intégrante de la culture de l’institution. Elle explique son incapacité à agir dans des affaires comme celle de Jimmy Savile, animateur célèbre qui a abusé d’un millier enfants au cours de sa carrière ; celle de Huw Edwards, présentateur-vedette impliqué dans un commerce de pédopornographie ; ou celle de Martin Bashir qui, en 1995, a manipulé une princesse Diana psychologiquement fragile pour qu’elle lui accorde une interview-choc. Si toutes ces défaillances passées concernaient l’arrière-boutique, celles d’aujourd’hui sont visibles dans le traitement de l’information. Le cas le plus extrême est celui de BBC Arabic qui, avec une audience de 40 millions, diffuse des actualités en arabe – et dans une version très différente de celle qui a cours dans les autres services. Après le 7-Octobre, BBC Arabic a été accusée de promouvoir une propagande pro-Hamas et de faire intervenir des journalistes comme Samer Elzaenen qui aurait déclaré que les juifs « doivent être mis à mort par balles et brûlés comme Hitler l’a fait ». La direction a fini par annoncer une réorganisation complète de ce service. En février cette année, nouveau scandale quand le public a appris que le narrateur d’un documentaire « Gaza : survivre dans une zone de guerre », un garçon de 13 ans qui se présentait comme un assistant médical improvisé, n’était autre que le fils du sous-ministre de l’Agriculture du Hamas. En juin, la retransmission en différé d’un concert au Festival de Glastonbury s’est transformée en un appel à la mort des soldats israéliens. La diffusion en flux n’a pas été interrompue. Pour compléter le tableau islamo-gauchiste, la BBC a été accusée de promouvoir l’idéologie transgenre dans ses émissions pour enfants et de ne pas parler d’actualités qui pourraient montrer les non-binaires sous une lumière défavorable. Ses émissions satiriques seraient très marquées à gauche, tandis que dans ses fictions les méchants et les gentils seraient faciles à distinguer, les premiers étant des Blancs et les autres des personnes de couleur.

Modèle économique et modèle de vertu

Tous ces éléments ont fini par exaspérer une grande partie du public. Selon un argument qui fait son chemin, les citoyens seraient privés de la possibilité de manifester leur désaccord par le fait que la BBC est financée par la redevance. Cette dernière coûte 200 euros, plus que l’abonnement à Netflix et à Disney +. C’est ainsi qu’est né le mouvement Defund BBC – arrêtez de payer ! Dans le passé, il était difficile d’échapper aux inspecteurs qui venaient frapper à la porte des particuliers n’ayant pas payé leur redevance. Aujourd’hui, le nombre de ceux qui refusent de leur ouvrir est si grand que les inspections ne peuvent pas y faire face. C’est ainsi qu’au cours des douze derniers mois, la BBC a perdu presque 1,2 milliard d’euros sous forme de redevances impayées. Son modèle économique est en crise et sa prétention à incarner la vertu est plus un obstacle qu’un atout.

Sous la pression du « Trumpgate », le directeur général et la directrice de l’information ont démissionné, mais cela ne sauvera pas l’institution. Cette dernière est un béhémoth où les dirigeants ont peu d’influence sur la culture qui domine dans ses innombrables services. L’employé typique de la BBC est un jeune bourgeois diplômé qui a gobé toute l’idéologie wokiste et se croit appelé à apporter la bonne nouvelle au reste de la société. Sauf qu’une grande partie de la société n’est pas disposée à l’écouter. Autrefois, le public se divisait politiquement entre la droite et la gauche. La BBC faisait de son mieux pour naviguer entre les deux. Aujourd’hui, le clivage est beaucoup plus générationnel et territorial – Londres contre les régions. Le personnel de la BBC n’est plus en phase avec un grand nombre de Britanniques. Des voix s’élèvent pour mettre fin à la redevance et livrer la BBC à la concurrence du marché libre, mais un dilemme se présente qui s’applique aux services publics dans la plupart des pays occidentaux : comment résister aux fake news qui circulent librement sur les réseaux sociaux, ainsi qu’à la vision du monde promue – souvent en anglais – par des médias d’État de régimes autoritaires comme la Chine ou la Russie ? La secrétaire à la Culture a déclaré à la Chambre des communes que « la BBC est une institution nationale qui nous appartient à nous tous ». À l’heure actuelle, on dirait plutôt qu’elle fait honte à la nation.

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