Sous la pression des partis anti-immigration, les Européens restreignent le regroupement familial malgré le droit de l’UE ou les traités internationaux. En France, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel s’y opposeraient

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À mesure que les  partis anti-immigration progressent dans les urnes, leurs mots – «capacité d’accueil», «menace», «submersion» – sont repris par un nombre grandissant de dirigeants européens. Des mots qui, parfois, deviennent des actes. Ainsi plusieurs nations du Vieux continent, indifféremment dirigées par la droite, la gauche ou le centre, se sont récemment attaquées au  regroupement familial . Quitte à se mettre en porte-à-faux avec le  droit de l’Union européenne ou les traités internationaux. L’Autriche a ainsi suspendu le dispositif au printemps, entraînant dans son sillage la Belgique, le Portugal, l’Allemagne. Hors de l’UE, c’est aussi le cas du Royaume-Uni.

[…] Sous l’impulsion de la ministre de l’asile et de la migration Anneleen Van Bossuyt, le gouvernement belge a mis en œuvre une stratégie différente. Au lieu de suspendre le regroupement familial, l’exécutif a fait voter en juillet une loi qui relève les conditions de ressources nécessaires pour en bénéficier. Pour être éligible à ce dispositif en Belgique, un immigré originaire d’un pays hors Union européenne doit désormais gagner au minimum 2300 euros nets par mois – contre 2100 euros précédemment – plus 10% pour chaque personne de sa famille qu’il souhaite faire venir.

Autrement dit, il faut gagner environ 2500 euros pour faire venir une personne, environ 2700 euros pour deux personnes, etc. 2500 euros par mois, c’est peu ou prou le salaire moyen net belge si l’on se fonde sur le niveau du brut disponible sur Statbel. Un seuil hors de portée pour une majorité de travailleurs belges, dénoncent les ONG. Cette fermeture à bas bruit, Anneleen Van Bossuyt la justifie par «l’incapacité de la société à porter ce fardeau» de l’immigration. Selon les chiffres de l’Office des étrangers, 20.724 étrangers originaires de pays hors de l’Union européenne ont bénéficié du regroupement familial l’année dernière. […]

Dans plusieurs pays, la Constitution empêche de s’attaquer trop durement au regroupement familial. Ainsi la réforme portugaise est-elle une version amendée d’un texte plus radical voté en juillet dernier, qui s’était heurté à un véto présidentiel en raison des objections soulevées par la Cour constitutionnelle. En France, aucune réforme n’est en cours. Mais toute restriction majeure qui serait tentée à l’avenir se heurterait également à la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. […]

Qui dit Europe dit surtout droit européen. Celui-ci est sans doute l’obstacle le plus sérieux sur la route de Vienne, Berlin, Bruxelles, Porto ou Londres. Le droit de l’Union européenne d’abord, protège le regroupement familial depuis une directive de 2003. Celle-ci ne concerne que les réfugiés, pas les personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire. Raison pour laquelle ce sont ces derniers seulement qui sont visés par l’Allemagne. L’Autriche, en revanche, viole clairement ces dispositions. L’indocile Christian Stocker a donc invoqué la «clause d’urgence» prévue dans les traités européens, qui permet à un État membre de faire primer temporairement le droit national en cas de menace grave pour la sécurité intérieure. […]

Lorsque ces réformes du regroupement familial devront passer sous les fourches caudines de juridictions comme la Convention internationale des droits de l’enfant, la CEDH ou la CJUE, il faut s’attendre à ce que celles-ci tranchent en faveur des obligations communautaires ou internationales. Mais dans le même temps, aucune convention, directive ou jurisprudence n’est en mesure d’endiguer la vague anti-immigration qui s’élève à chaque élection en Europe.

Le Figaro

 

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