Contrairement à son ex-meilleur ami Elon Musk, Donald Trump n’a jamais fait de la lutte contre l’idéologie woke une affaire personnelle. Pendant que Barron Trump, le plus jeune fils du président, garantit à ses parents d’entrer dans l’âge d’homme en assumant pleinement sa masculinité, Xavier Musk, devenu subitement Vivian, n’en finit plus de renier son père, Elon. Tout au plus la transition de genre la plus médiatique des États-Unis a-t-elle consolidé les certitudes viriles du colosse de la Maison-Blanche pendant qu’elle plongeait le milliardaire technophile dans une profonde et sincère dépression.
Pour Donald Trump, la binarité n’est pas qu’une loi de la nature, elle est d’abord le meilleur moyen de gagner une élection et l’adhésion pérenne du plus grand nombre. Pour le 47e président des États-Unis, la lutte contre le “wokisme”, c’est donc d’abord de la politique – et même l’une des priorités de son programme.
Un « activisme idéologique financé par le contribuable »
Dès le 20 janvier 2025, jour de son retour dans le bureau Ovale, le président signait une série spectaculaire de décrets visant à recentrer l’action fédérale sur le “mérite”, la “tradition” et l’“efficacité”. Dès l’investiture, la “diversité”, l’“équité” et l’“inclusion” (le triptyque honni DEI) devenaient les trois principes à abattre, et ce, dans tous les domaines de la société, à commencer par les administrations. L’executive order 14151 donnait immédiatement le ton : « Mettre fin à l’activisme idéologique financé par le contribuable. »
Dans la foulée, un second décret a fait voler en éclats les contraintes imposées par la précédente administration aux entreprises en matière de “recrutement inclusif”. Le message est clair, « l’Amérique s’est construite par le mérite et les Américains entendent bien que cela demeure ». Il ne sera dès lors plus question de tenir compte de la couleur de peau, de l’identité sexuelle ou du genre d’un candidat pour le sélectionner.
Des fonctionnaires mutés par centaines
Pour les hommes de main du président, et notamment pour l’équipe d’Elon Musk, les premières signatures de décrets antiwokes ont l’effet d’un coup de sifflet. La traque aux « préférences raciales ou genrées » peut commencer et les hommes vont s’en donner à cœur joie. « La sélection des agents publics ne devra plus reposer que sur leurs compétences », martèle alors Donald Trump devant le Congrès.
Les uns après les autres, les services en charge du DEI sont tous démantelés. Du département d’État à la Nasa, en passant par le département de la Défense et jusqu’aux agences de protection de l’environnement, les hauts fonctionnaires employés à ces tâches qui n’ont plus cours sont mutés par dizaines, puis par centaines.
Une contrainte inutile
Au Pentagone, le décret 14183 interdit toute reconnaissance du genre “transgenre” et impose de ne plus distinguer que les hommes et les femmes, en « conformité avec les lois naturelles ». Quiconque manifeste des symptômes de dysphorie de genre est prié de rendre son uniforme. Toutes les chirurgies de transformation ou les hormonothérapies sont désormais considérées par l’administration comme des infractions au règlement de discipline générale des forces armées des États-Unis. Malgré la tentative de la juge fédérale de Washington Ana Reyes de suspendre les décrets antitrans, la Cour suprême autorisait, le 6 mai dernier, leur mise en œuvre provisoire. À ce jour, 1 000 militaires transgenres sur les 4 240 recensés ont déjà quitté l’institution.
Même des groupes privés réputés “neutres” ou “progressistes”, comme McDonald’s, Disney ou Meta, ont brutalement changé leur politique par crainte de représailles fédérales.
De leur côté, les entreprises, qui pour beaucoup subissaient la politique du DEI comme une contrainte inutile, ont emboîté le pas de l’administration. Même des groupes privés réputés “neutres” ou “progressistes”, comme McDonald’s, Disney ou Meta, ont brutalement changé leur politique par crainte de représailles fédérales. Mais c’est dans le décret du 29 janvier, intitulé “Lutte contre l’endoctrinement radical” que les mesures les plus radicales ont été prises. Les écoles publiques du primaire et du secondaire sont interdites d’enseigner les programmes considérés comme progressistes, comme la “théorie critique de la race”.
Une « épidémie irrationnelle »
Le concept, initié dans les années 1970 par des chercheurs afro-américains, vise à institutionnaliser l’idée selon laquelle le racisme aux États-Unis serait systémique. Sur cette base, les juristes Derrick Bell, Kimberlé Crenshaw ou encore Richard Delgado étaient parvenus à imposer un enseignement excessivement culpabilisant de l’histoire américaine, jusqu’à normaliser ce qui ne tarderait plus à constituer l’un des piliers doctrinaux du wokisme. À la fin des années 1980, la théorie avait même engendré le principe de l’“identité de genre fluide”.
Pour Donald Trump, ces mesures ne sont qu’une réponse évidente aux inquiétudes profondes et légitimes des parents d’élèves. Durant toute la campagne et partout à travers le pays, explique Stephen Miller, directeur adjoint du cabinet du président et considéré comme penseur en chef de cette révision sociétale, « nous avons écouté les enseignants, les policiers et les militaires, les employés qui ne se retrouvaient plus dans les consignes absurdes et les formations obligatoires imposées ces dernières années ». L’ « épidémie irrationnelle » de questionnement des jeunes Américains sur leur identité de genre apparaît, il est vrai, aujourd’hui, comme l’un des principaux leviers de la victoire de Donald Trump en 2024.
Les minorités applaudissent la lutte antiwoke
Plus spectaculaire encore que le soutien de l’électorat traditionnel “Maga” (Make America Great Again) dans cette croisade, c’est l’adhésion des minorités à la lutte antiwoke qui annule les tentatives de résistance de l’opposition démocrate. Pour Daniel McPherson, analyste au prestigieux Hudson Institute, les communautés hispanique et afro-américaine ont massivement tourné le dos à l’actuelle opposition, préférant la voie du « réarmement moral ».
La prestigieuse université Harvard, dans le Massachusetts, peut compter sur le soutien zélé de quelques juges fédéraux passés par ses bancs.
Dans un pays où 62 % des citoyens se déclarent chrétiens, une école publique qui normalise le changement de sexe chez les mineurs devient de facto le meilleur carburant de la renaissance d’un conservatisme de combat. Une réalité qui, malgré tout, ne dissuade pas quelques bastions démocrates et progressistes de résister. C’est notamment le cas de la prestigieuse université Harvard, dans le Massachusetts, qui peut compter sur le soutien zélé de quelques juges fédéraux passés par ses bancs. « Aucune administration […] ne devrait dicter ce que les universités privées peuvent enseigner, ou bien qui elles peuvent admettre ou embaucher », affirme Alan Garber, président de l’institution depuis décembre 2024.
Alors que de nombreux établissements à travers le pays, y compris parmi les plus prestigieux, se sont pliés aux exigences de Washington pour préserver leurs subventions fédérales, Harvard a choisi d’incarner la résistance progressiste. Et son bras de fer avec l’exécutif est relayé désormais presque quotidiennement dans la presse américaine. Il se traduit notamment par le maintien coûte que coûte de son forum annuel EDIB (Equity, Diversity, Inclusion, Belonging : équité, diversité, inclusion, appartenance). Pour Alan Garber, la diversité représente même le « principal levier de l’excellence académique ».
Suspension des visas étudiants
En réponse, la Maison-Blanche a supprimé une subvention fédérale de 2,5 milliards de dollars à l’établissement et menace d’annuler son exonération fiscale. Dans un même effort, et en conformité avec la politique migratoire de l’administration, Washington a suspendu les visas des étudiants étrangers qui constituent un apport important de frais de scolarité pour Harvard, avant que la décision soit invalidée par un juge fédéral. Jusqu’à présent, les juristes invoquent le premier amendement, qui garantit la liberté d’expression aux États-Unis, pour empêcher l’administration de s’immiscer dans les programmes et dans la sélection des professeurs.
À la tourmente politique dans laquelle est prise l’université s’ajoute le souvenir encore très frais du scandale qui avait touché la précédente présidence. Le 5 décembre 2023, Claudine Gay comparaissait devant une commission parlementaire pour répondre des accusations d’antisémitisme qui visaient son université. À la question : « Le fait d’appeler au génocide des juifs viole-t-il le règlement concernant le harcèlement à Harvard ? », la présidente avait répondu : « Cela peut, en fonction du contexte. » Elle avait dû démissionner un mois plus tard, le 2 janvier 2024, mais elle a conservé son poste de chercheuse à Harvard.
Un monument devenu incohérent
L’épisode s’inscrivait dans le cadre des plaintes pour harcèlement formulées par quelques étudiants de confession juive, au moment où l’université était agitée par des mouvements de soutien à la cause palestinienne. Dans ce contexte post-7 Octobre, la convergence de la lutte propalestinienne, et parfois pro-Hamas, et de quelques mouvements identitaires afro-américains radicaux ou encore LGBT a finalement conduit à fragiliser un monument de l’élitisme américain devenu aussi hétérogène qu’incohérent.
C’est à cet attelage bancal que s’attaque l’administration Trump. Avec l’assurance, bien entendu, de disposer du soutien de l’écrasante majorité de l’électorat républicain Maga, mais également de l’appui plus discret de millions de parents démocrates inquiets des dérives idéologiques permises par les précédentes administrations.
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