Ce roman est le premier que Jean Raspail ait écrit. Paru en 1958 sous le titre Le vent des pins, chez Julliard, avec pour sous-titre Matsukase, il avait été réédité en 1970 sous le titre de Bienvenue aux honorables visiteurs.
Dans sa préface à la présente réédition de fin 2024, Alain Lanavère écrit:
Jean Raspail a habillé de romanesque une fable un peu triste, sur l'impossible communication, même dans l'amitié et dans l'amour, entre hommes de cultures différentes; si son livre met autant l'accent sur l'étrangeté des coutumes japonaises d'hier, c'est pour laisser penser que le Japon d'aujourd'hui, en apparence - et en bonne partie sous la contrainte - occidentalisé, reste tout autant fermé à la curiosité, ou à l'indiscrétion, des Occidentaux.
Dans cette fable, Jean Raspail met en scène... des Japonais et des Occidentaux.
Les Occidentaux sont Gilles Germain, directeur de l'agence française Pays inconnus et six voyageurs, par ordre d'apparition dans le texte:
- Le Général de Lure, militaire et noble français,
- L'Américaine Angelica Burke-Simpson, pilier du temple nouveau-baptiste de Burke-City, South Dakota,
- Douglas Rockmiller Jr., Président des Fils de la révolution américaine,
- La Française Liliane Laage,
- La Française Nicole Marchand,
- L'Anglais Cecil Brownley.
La suite montrera que les trois premiers seront traités avec une merveilleuse férocité par l'auteur, selon l'expression du préfacier.
Les Japonais sont, principalement, toujours par ordre d'apparition:
- Miyamoto San, engagé par Gilles Germain pour accompagner les voyageurs et leur servir d'interprète,
- Hakayama San, ex-lieutenant de l'Armée impériale, gravement mutilé, devenu mendiant,
- Mademoiselle Petite-Sérénité, geisha de première classe,
- Sato San, haut fonctionnaire de la police,
- Keiko San, la jeune soeur de Miyamoto San.
- Asaki Senseï, maître en karaté.
Au fil du récit l'auteur égrène quelques règles de savoir-vivre nippones, qui ne laisseront pas de surprendre les honorables visiteurs occidentaux ou heurteront leurs hôtes nippons quand elles ne seront pas respectées:
- Ne jamais aborder l'objet de la conversation sans l'avoir fait précéder d'une longue et soigneuse préparation.
- S'arranger pour toujours se présenter de la part de quelqu'un.
- Pour dire la même chose, il faut quatre fois plus de temps en japonais qu'en français.
- Les règles protocolaires réservées aux femmes en Occident le sont aux hommes au Japon.
- Un Japonais bien élevé se doit de rire de tout ce qui prête à pleurs ou émotion1.
- Le rôle des servantes, dans toute auberge2 de luxe, consiste à vous dévêtir, à vous habiller d'un kimono aux couleurs de l'hôtel, à vous frotter dans le bain, à s'agenouiller près de vous pendant tout le repas, à vous border dans les futon et à attendre que vous soyez endormi pour vous souhaiter bonne nuit et éteindre la lumière.
- Ne pas perdre la face: Le souci des formes prime la véracité des faits.
Comme dit plus haut, les trois premiers occidentaux, qui n'ont rien compris au Japon, voudront, pendant leur séjour, occidentaliser les Japonais:
- Douglas Rockmiller, en libérant les geishas de leur esclavage...
- Angelica Burke-Simon, en convertissant les bouddhistes à la vraie foi...
- Le général de Lure, en sortant l'ex-lieutenant Hakayama San de sa misère...
Ces trois étrangers se mêleront de ce qui ne les regarde pas et menaceront l'isolement cher au Japonais:
Mais vis-à-vis de l'étranger, le Japonais ne sait pas, n'aime pas se décrire ou expliquer son pays. Il ne lui reste plus qu'à se fermer comme une huître ou se défendre comme un hérisson.
Le lecteur découvrira comment le Japonais réagira vis-à-vis de ces honorables visiteurs et combien Jean Raspail ironise quand il fait dire à leur guide, devenu journaliste, qu'il peut témoigner de l'immense sympathie qu'ils ont su provoquer dans leur entourage par leur tact, leur respect de nos coutumes, leur extrême politesse.
Francis Richard
PS
Pour ma part j'ai beaucoup appris sur le Japon en pratiquant le karate do shotokan pendant quinze ans avec des Japonais, en lisant Yukio Mishima3, le Hagakuré de Jocho Yamamoto, Mishima ou la vision du vide de Marguerite Yourcenar et Mort et vie de Henry Scott-Stokes, et bien d'autres livres.
1 - Malicieusement l'auteur se demande si ce n'est pas ce qu'on appelle le rire jaune...
2 - Les voyageurs sont installés par l'agence à L'Auberge du Vent des Pins.
3 - Voir ma chronique sur Vie à vendre (2020).
Bienvenue Honorables Visiteurs, Jean Raspail, 288 pages, 7 cavaliers (Dessins d'Emma La Maôve)
Livres de Jean Raspail chroniqués sur ce blog (créé le 24 mai 2008):
Le Camp des Saints, Robert Laffont (2011)
Les veuves de Santiago, Via Romana (2011)
La miséricorde, Robert Laffont - Bouquins (2015), Équateurs (2019)
Terres saintes et profanes, Via Romana (2017)
Livre sur Jean Raspail:
Jean Raspail, Aventurier de l'ailleurs, Philippe Hemsen, 400 pages, Albin Michel
Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard

Le Japon est un mystère !
On aime ou on n’aime pas .. c’est selon.
Il y a des paysages magnifiques et l’accueil est chaleureux (expérience personnelle env,.1980).
Bien comprendre les Japonais nécessite un effort, il faudrait apprendre d’abord la langue et surtout l’écriture, puis l’Histoire !
Cela nécessite du temps que le touriste lambda n’a pas !