Réseaux sociaux : l’omniprésence des influenceurs islamistes

post_thumb_default

 

« En quoi c’est étonnant qu’ils refusent d’appeler un acte terro un “acte terro” ? », s’interroge face caméra Ray (Raygdrr) en désignant les médias français. Nous sommes le 28 avril, trois jours après l’assassinat d’Aboubakar Cissé dans une mosquée de La Grand-Combe (Gard). Le parquet antiterroriste n’a pas été saisi de l’affaire. Bonnet sur la tête, AirPods aux oreilles, le jeune influenceur caresse sa longue barbe avec satisfaction avant de poursuivre : « Encore une fois, c’est toujours la faute des jui** ! C’est pas une vanne, c’est vraiment eux qui pour le coup tiennent les télévisions. » Et d’accuser ceux qu’il nomme à demi-mot de semer la division entre les dhimmi (nous !) et les musulmans en France. « Une seule solution, poursuit-il. Faire sa hijra [exode en terre d’islam] ».

​Ray n’est pas un obscur vidéaste suivi par une poignée de curieux ou d’extrémistes. C’est un influenceur Tik-Tok qui affiche 514 000 abonnés au compteur (en comparaison, le frère Paul-Adrien, prêtre et influenceur catholique, en compte 261 000). Un des premiers auxquels on a affaire lorsque l’on tape “influenceur musulman” sur la plate-forme de partage de vidéos. Sur les courts enregistrements qu’il publie quotidiennement, ce coach sportif expatrié en Malaisie fait une promotion décomplexée de l’intégrisme islamique. Aucune chance d’apercevoir le visage d’une femme dans l’un de ses montages : ces dernières sont systématiquement recouvertes par un cache opaque. Depuis Kuala Lumpur, Ray réprimande ses « frères » musulmans de France qui n’osent pas prier au travail par peur de froisser leur patron et les incite à toujours privilégier les lois « du seigneur des mondes ».

« C’est une guerre d’influence et il faut qu’on s’y mette, qu’on produise un contre-discours »

​Si tous les influenceurs islamiques qui investissent la Toile n’ont pas une approche aussi ouvertement intégriste que ce dernier, sur Internet, « les islamistes ont le monopole du discours sur toutes les questions relatives à la foi musulmane », pointe un rapport de l’Institut Montaigne paru en 2018. « Les comptes les plus connus, les pages Facebook les plus suivies, peuvent être reliés à des penseurs [des Frères musulmans] ou salafistes. »

​Une problématique que les pouvoirs publics peinent à saisir à bras-le-corps. « On est largués sur ce terrain-là, déplore la sénatrice Union centriste Nathalie Goulet. C’est une guerre d’influence et il faut qu’on s’y mette, qu’on produise un contre-discours. Mais je ne suis pas sûre qu’il faille passer exclusivement par des discours institutionnels pour que ça marche. »

​Sur TikTok, plate-forme sur laquelle les 4-18 ans passent en moyenne une heure quarante-sept par jour, il suffit de taper le mot-clé “ramadan” pour se voir proposer immédiatement la vidéo d’une influenceuse dont les traits du visage sont gommés par un filtre No Face. Une fonctionnalité louée par de nombreuses utilisatrices, car elle satisfait aux exigences de pudeur féminine portées par le rigorisme islamique. Puis des vidéos du même acabit défilent, poussées par l’algorithme.

À chacun son influenceur musulman

« Les fréristes et les islamistes ont envahi le champ des réseaux sociaux. Ces plates-formes leur sont utiles en ce qu’elles présentent une forte dimension identificatoire, analyse Anne-Sophie Nogaret, professeur de philosophie et essayiste qui enquête sur l’entrisme islamiste en France. L’objectif est de réislamiser la jeunesse arabo-musulmane et de séduire les jeunes athées. » La diversité des profils qui peuplent les plates-formes permet de sensibiliser toutes les franges de la population. « La stratégie des Frères, c’est d’identifier chaque cible à disposition et de créer le produit adapté. »

La stratégie des Frères, c’est d’identifier chaque cible à disposition et de créer le produit adapté.

​Léna Delporte, influenceuse française suivie par 795 000 personnes sur TikTok, en est un parfait exemple. Originaire de La Ciotat, la jeune femme à l’accent du Sud prononcé et à la bouche volumineusement refaite vante sa conversion à l’islam et au voile intégral tout en faisant de la publicité pour des marques de bijoux et de parfums intimes. La cible ? « Les jeunes femmes de banlieue qui rêvent de lancer leur marque cosmétique et qui sont attirées par Dubaï », poursuit l’essayiste.

​Certaines vidéos s’adressent directement aux mères de famille de culture musulmane. « Si tu as des enfants et que tu souhaites transmettre les valeurs islamiques à travers leurs jeux, alors cette vidéo est faite pour toi ! », interpelle ainsi une femme voilée au visage flouté pour faire la promotion de Tasn’im France, une marque de “jeux et jouets éducatifs pour enfants musulmans”. D’autres visent à séduire les jeunes femmes. « Vous voulez savoir comment convaincre vos parents de vous laisser porter le hidjab s’ils ne sont pas d’accord ? », demande l’influenceuse Ilmnour, portant le voile intégral, depuis son compte TikTok suivi par 212 000 personnes.

Différencier le licite et l’illicite

​Enfin, les jeunes étudiants pourront être séduits par d’autres vidéastes au ton plus docte, comme Sofiane Meziani. Ce dernier, qui fut professeur d’éthique musulmane au lycée Averroès dans les années 2010, publie ses cours sur sa chaîne YouTube L’Académie l’Olivier. Sous couvert de réflexion spirituelle et d’approche philosophique, les propos du professeur glissent rapidement vers une conception fondamentaliste de l’islam. Ainsi, comme il l’explique avec douceur, le port du voile islamique ne serait en aucun cas « une contrainte mais une obligation divine, ce qui est très différent et qui inclut une dimension de libre arbitre ».

« Moi, je suis ce qu’ils appellent de façon péjorative une “musulmane 2.0” : pas voilée et qui ne s’interdit pas l’alcool », admet Isma, étudiante parisienne d’origine tunisienne qui s’agace de cette emprise à laquelle il semble qu’on ne puisse pas résister sur les réseaux sociaux. « Tous les comptes sur lesquels je tombe rivalisent entre eux dans la prescription de règles contraignantes. L’idée qu’ils essayent d’imprimer est : si tu ne fais pas ce que je dis, tu es une mauvaise musulmane. »

Une surenchère du halal dans tous les aspects de la vie, [qui] incite les jeunes à devenir des sur-musulmans

​Derrière la diversité apparente des profils, la majorité des contenus relève de l’orthopraxie islamique. “Jouer au Monopoly”, “faire la bise à sa cousine”, ou “encore recevoir une prime de Noël” sont autant de pratiques débattues par les influenceurs afin de déterminer si elles sont halal (autorisées) ou haram (illicites). « Une surenchère du halal dans tous les aspects de la vie, [qui] incite les jeunes à devenir des sur-musulmans », commente Florence Bergeaud-Blackler, docteur en anthropologie au CNRS et auteur de le Frérisme et ses réseaux, l’enquête (Odile Jacob, 2023). Autant de manières de séparer les bons des mauvais musulmans, pour ne rien dire des mécréants.

@remede_du_coeur Le jugement des jeux de dés en Islam 🎲 #islam #halal #haram #jeux #societe #monopoly #dé #interdit #jugement ♬ son original – Djemaël Salhi

​Si certains influenceurs “musulmans” critiquent volontiers cette surenchère rigoriste, ils ne souscrivent pas moins à un ensemble de valeurs qui les éloignent des principes de la République. Ainsi de Ben le Patriote, pompier, tiktokeur, qui, bien que sévère avec les dérives islamistes et anti-France qu’il épingle sur les réseaux sociaux, n’a pour autant pas pu s’empêcher de critiquer la décision de Gabriel Attal d’interdire le port de l’abaya dans les écoles à la rentrée 2023. Anne-Sophie Nogaret ne s’y trompe pas : « Ben le Patriote est sûrement sincère dans sa démarche et il séduit les laïcards. Mais comme toute personne qui se présente d’emblée comme “musulmane”, il a un référentiel à part. Et lorsqu’il se dit patriote, il n’est pas sûr qu’il parle de la même France que nous. »

L’article Réseaux sociaux : l’omniprésence des influenceurs islamistes est apparu en premier sur Valeurs actuelles.

 

Extrait de: Source et auteur

Suisse shared items on The Old Reader (RSS)

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.