On peut considérer l'histoire de l'Église à travers un système de valeurs, ce qui nous pousse à voir ce qu'elle a fait de mal, mais l'honnêteté intellectuelle doit aussi nous amener à considérer ce qu'elle a fait de bien dans le monde, la façon dont elle l'a simplement rendu meilleur.
Christophe Dickès, dans ce plaidoyer Pour l'Église, n'entend pas substituer une légende dorée à une légende noire. Il veut dans cet essai dire, en tant qu'historien, Ce que le monde lui doit. Pour ce faire, il aborde le sujet sous trois angles: la société, la politique et l'humanisme.
SOUS L'ANGLE DE LA SOCIÉTÉ
- Sous le pape Grégoire XIII, une commission a adopté le calendrier actuel pour répondre au décalage entre l'antique calendrier julien et les cycles solaire et lunaire, fixé l'équinoxe de printemps au 21 mars 1583 et créé les années bissextiles pour compenser l'année calendaire commune de 365 jours et l'année solaire.
- Depuis les origines, les grands hommes d'Église disposent d'une double culture grecque et latine, qui, avec d'autres connaissances, sera transmise à tous, via des écoles monastiques, puis presbytérales, enfin épiscopales, lesquelles seront à l'origine des universités au XIIIe siècle.
- À partir de l'époque médiévale, l'Église a apporté sa contribution à la science, parce que, pour elle, science et foi ne s'opposent pas mais se complètent: l'auteur cite beaucoup de personnages, religieux et laïcs, qui en attestent.
- L'hospitalité chrétienne, au contraire de l'hospitalité antique qui est réciproque, don/contre-don, est unilatérale et gratuite, c'est la charité chrétienne: les hôpitaux chrétiens se développent dès le IVe siècle, d'abord en Orient, puis en Occident.
SOUS L'ANGLE DE LA POLITIQUE
- Pendant des siècles l'Église est la seule institution pratiquant des élections libres et régulières: pour l'élection du pape, des évêques, des abbés et abbesses; sans parler des synodes et des conciles.
- Le droit canon médiéval a unifié les pratiques des droits barbares, du droit romain amputé et expurgé et de la morale chrétienne. Les juristes canonistes ont inventé la science du droit, telle que nous la pratiquons aujourd'hui à la fois dans nos tribunaux, nos universités et nos institutions politiques.
- La distinction du temporel et du spirituel constitue un des principes essentiels des sociétés chrétiennes à travers les siècles, la distinguant des structures politico-religieuses que sont l'arianisme, la charia dans l'islam ou encore les religions séculaires que sont les totalitarismes du XXe siècle.
- Dès l'origine l'Europe est intimement liée à un homme d'Église [Saint Martin] et à la vénération qui entoure sa personnalité sur un territoire bien défini. Cette Europe chrétienne sera niée par Bruxelles et Strasbourg après le Traité de Rome de 2004, imposé bien que rejeté par 55% des Français lors du référendum de 2005...
- L'éthique de la guerre a été le legs de la pensée chrétienne. Aujourd'hui l'Église a abandonné sa conception de la guerre juste et parle d'utilisation légitime de la force.
- À la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance, l'Église a renoué avec la tradition des Pères de l'Église en affirmant la dignité de l'homme créé à l'image de Dieu ainsi que l'unité du genre humain.
SOUS L'ANGLE DE L'HUMANISME
- Aussi bien dans l'évangile que dans les premiers temps du christianisme les femmes jouent un rôle dans la christianisation. Puis, au début du Moyen Âge, le statut de la femme change, sans atténuer la discrimination sexuelle propre à l'époque romaine: elle n'est plus fille, mère ou femme de quelqu'un. Le XIe siècle est un tournant: la dévotion se féminise et la sainteté féminine croît fortement pendant les XIIIe et XIVe siècles. Au XIIIe siècle, d'ailleurs, le mariage, pour être valide, requiert le consentement des deux personnes et il est public.
- La conscience individuelle et la responsabilité morale devant les hommes et la société trouvent leurs racines dans l'Église médiévale des XII et XIIIe siècles. L'homme de la fin du Moyen Âge s'éloigne progressivement des jugements catégoriques du bien et du mal: les intentions doivent être prises en compte pour évaluer ses actes.
DE L'IMPORTANCE DE L'HISTOIRE
- L'histoire nous donne les clefs de compréhension du temps présent.
- L'apport des hommes d'Église est [...] un capital ou un patrimoine qu'il s'agit de transmettre sans complexe ni arrogance, tout en l'alimentant et le faisant fructifier, pour les plus érudits, par l'étude.
- L'histoire dit ce que nous sommes et ce que nous ne sommes pas.
- L'histoire est là pour conjuguer les trois dimensions du passé, du présent et de l'avenir.[...]. L'histoire est là pour nous permettre de faire des choix. Elle nous rappelle ainsi notre liberté d'action à chaque génération.
Francis Richard
Pour l'Église - Ce que le monde lui doit, Christophe Dickès, 272 pages, Perrin
Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard.
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