Selon les chiffres de l’Insee publiés jeudi 14 novembre 2024, 33,6% des naissances en France en 2023 étaient issues d’au moins un parent étranger (30,28% hors UE). Promue par l’UE, la relance de la fécondité par l’immigration n’enrayera pas le déclin démographique, analyse la démographe. Entretien avec Michèle Tribalat est démographe. Dernier livre paru : Immigration, idéologie et souci de la vérité (L’Artilleur, 2021).
LE FIGARO. — La semaine dernière, l’Insee a publié les chiffres définitifs sur la natalité en France en 2023 : sur la France entière, 33,6% des naissances étaient issues d’au moins un parent né à l’étranger. Ce chiffre est-il surprenant ?
Michèle TRIBALAT. — Non, car le nombre de naissances décline globalement depuis 2010 (-20%), mais plus vite lorsque les deux parents sont nés en France (-27%). Quant aux naissances d’au moins un parent né à l’étranger, elles n’ont que peu baissé sur la période (-3%). Ce sont les chiffres en France métropolitaine, pour éviter la petite discontinuité d’enregistrement avec l’apparition de Mayotte dans les données France entière en 2014. Donc la proportion de naissances d’au moins un parent né à l’étranger a gagné près de six points depuis 2010 (33,1 % en 2023 en France métropolitaine). Ce déclin global de la natalité est lié principalement au recul de la fécondité. Le nombre moyen d’enfants par femme a d’abord fléchi lentement, puis plus vite avec une baisse particulièrement abrupte en 2023, qui touche tous les âges mais surtout les femmes âgées de 25-34 ans. En France métropolitaine, en 2023, les femmes ont eu 1,64 enfant par femme contre 2,02 en 2010. [Au Québec 1,38 en 2023 contre 1,7 en 2010.]
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A-t-on des informations détaillées sur le pays de naissance des parents ?
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Cette année, l’Insee a publié un nouveau tableau donnant, pour les pères (y compris les 0,2% de deuxièmes mères) et les mères le détail des pays de naissances par état matrimonial à la naissance de l’enfant en 2023. Pour la France métropolitaine, dans 18% des naissances le père est né en Afrique (dont la moitié au Maghreb). C’est 16% lorsque c’est la mère. Viennent ensuite les naissances dont le parent est né en Europe (un peu plus de 4% dans les deux cas). [En 2100, plus de la moitié des naissances dans le monde pourraient avoir lieu en Afrique.]
Si, dans l’ensemble, 57% des naissances se sont produites hors du mariage, c’est beaucoup plus lorsque le parent est né en France, qu’il s’agisse du père ou de la mère (64%). En effet si les naissances hors mariage sont devenues la norme dominante lorsque le père est né en France (ou la mère), tel n’est pas le cas pour tous les parents nés à l’étranger. Ainsi, les naissances hors mariage sont rarissimes lorsque la mère est née au Maghreb (par exemple, à peine 5% pour les mères nées en Tunisie) et peu fréquentes lorsque c’est le père (15,6% pour ceux nés en Tunisie). Si bien que la part des naissances de père né au Maghreb dans un mariage grimpe à 25%. Les naissances hors mariage sont aussi très rares lorsqu’un parent est né en Turquie.
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Parmi ces 33,6%, la part de naissances issues d’un seul parent né hors de l’UE (15,1%) est moins élevée que celle des naissances issues de deux parents nés hors de l’UE (18,5%). Comment l’expliquer ?
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Il est plus sage d’examiner l’évolution de la part des naissances d’au moins un parent né à l’étranger car l’Insee a «changé de pied» en 2011 dans sa manière de traiter les pays de naissance du père inconnus, sans être très bavard sur ce qu’il a fait. Jusqu’en 2010, les deux groupes évoluaient de concert. Après, le nombre des naissances d’un seul parent né à l’étranger a décliné quand celui des naissances de deux parents nés à l’étranger augmentait. Il est plus prudent de ne pas trop épiloguer sur ces variations.
Par contre, ceux qui ont compulsé les données mises en ligne récemment sur la natalité par pays de naissance des parents ont pu constater l’innovation (woke ?) de l’Insee. Jusqu’aux données publiées l’an dernier, les enfants qui naissaient avaient un père et une mère. Celles mises en ligne récemment sur les naissances ont bien encore une mère mais plus de père. Suivant les nouvelles consignes de l’état civil, l’Insee parle alors de second parent qui, dans 0,2% des cas peut être une femme. Cela s’appelle avoir le sens des proportions ! On aimerait donc que l’Insee cesse d’annuler la paternité afin de ne pas déplaire aux âmes sensibles et qu’il distingue les deux catégories de second parent : le père et la deuxième mère dans le cas des unions lesbiennes.
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Les naissances issues de deux parents français sont passées de 72% en 2000 à 66,4% en 2023 en France, et celles de parents issus de deux pays hors de l’UE ont augmenté de 73%. Quelles prévisions est-il possible de faire pour la démographie française ?
Il va falloir surveiller l’évolution de la fécondité des femmes âgées de 25-29 qui baisse et celle de la fécondité des femmes âgées de 30-34 ans qui a elle aussi commencé à baisser. Si la fécondité à 25-29 ans s’effondre comme on l’a vu par exemple en Espagne, sans que celle des 30-34 ans ne remonte suffisamment ou continue de baisser, la France pourrait rejoindre l’Espagne où le nombre moyen d’enfants par femme est descendu à 1,16 en 2022. Le report des naissances à des âges toujours plus élevés a ses limites liées à la fertilité déclinante.
La Commission européenne, qui plaide pour que l’immigration étrangère vienne compenser le déclin démographique et amener les travailleurs qui vont manquer à l’UE, a tendance à enjoliver les choses. Dans sa communication [qui verse dans le lyrisme outrancier pour ce carnet] du 27 avril 2022, elle énonçait les bienfaits que l’immigration qu’elle appelle de ses vœux ne manquerait pas d’apporter : « la migration légale peut constituer en soi une forme d’investissement dans l’économie et la société dans son ensemble qui favorise les transitions écologique et numérique de l’Union tout en contribuant à rendre les sociétés européennes plus soudées et résilientes ». Cependant, ajouter des personnes venues de l’étranger sans pouvoir compter sur une fécondité suffisante pour alimenter le bas de la pyramide des âges des populations européennes, c’est se condamner à recommencer lorsqu’elles auront vieilli. [L'immigration de personnes principalement adultes ne rajeunit pas sensiblement la population...]
Source : Le Figaro
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