«Chaque euro versé à l’UNRWA est un euro contre la paix»

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Israël a interdit à l’UNRWA d’exercer ses activités sur son territoire. L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, notoirement corrompue par le Hamas, œuvre depuis sa création à délégitimer l’État hébreu, quand elle n’aide pas à le combattre. Le directeur d’UN Watch témoigne.


Basée à Genève, UN Watch est une ONG d’un genre particulier. Fondée en 1993 par un ancien président de l’American Jewish Committee (l’avocat Morris Abram), elle surveille en permanence l’action de l’ONU et apprécie la façon dont elle respecte sa propre Charte. Autant dire que le travail ne manque pas ! Les experts d’UN Watch épinglent régulièrement l’une des principales branches de l’ONU, le Conseil des droits de l’homme, par exemple quand il déroge à ses propres critères d’admission en acceptant des pays comme la Chine, Cuba ou le Venezuela, qui sont évidemment loin de respecter les principes fondateurs de « contribution à la promotion et à la protection des droits de l’homme ». Également dans le collimateur de l’ONG : le traitement pour le moins inéquitable d’Israël. Nous avons interrogé le directeur d’UN Watch, l’avocat canadien Hillel Neuer.


Causeur. Dans les publications d’UN Watch, l’ONU est présentée comme une organisation subissant de plein fouet l’emprise toxique de ses États membres les plus despotiques. N’exagérez-vous pas un peu ?

Hillel Neuer. DR.

Hillel Neuer. 60 % des États membres du Conseil des droits de l’homme sont des régimes autoritaires. Cette position de force leur assure un large pouvoir de nomination dans les instances onusiennes, où l’on retrouve des cadres et des experts qui, quoique souvent occidentaux, partagent leur aversion pour la démocratie et les valeurs libérales. Un cas typique est celui de Jean Ziegler, ce sociologue suisse, altermondialiste et anticapitaliste, qui est depuis 2009 vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme, notamment grâce au parrainage de Cuba. Les institutions de l’ONU ont fini par tomber sous la coupe d’une alliance funeste entre dictateurs et militants ayant en partage la haine de l’Occident.

Pourquoi cette alliance s’acharne-t-elle contre Israël en particulier ?

Parmi les 193 États membres de l’ONU, 56 sont des régimes islamiques et n’ont de cesse de porter devant l’Assemblée générale des résolutions qui condamnent Israël.

Mais ils ne représentent qu’un quart des votes. Ce n’est pas assez pour obtenir la majorité en Assemblée générale…

Le problème, c’est qu’il règne, à l’ONU, la culture du « vote trading » [« commerce du vote », NDLR]. Voici schématiquement comment cela se passe : si vous êtes un État membre et que vous voulez obtenir l’appui des 56 pays islamiques lors d’une délibération qui vous tient à cœur, il vous suffit, en échange, de les soutenir dans l’une des causes qui leur tiennent le plus à cœur, la lutte contre l’ennemi sioniste. À quoi s’ajoutent les moyens de pression économiques dont dispose le monde arabe. De nombreux pays savent qu’ils se procureront plus facilement du gaz et du pétrole auprès des monarchies du Golfe s’ils prennent position contre Israël. Ou qu’ils bénéficieront davantage de la manne d’un fonds souverain comme celui du Qatar. Autre source de motivation : la peur des attentats islamistes. Cette attitude de soumission est très répandue dans les chancelleries, à quelques exceptions près comme celles de la République tchèque, d’Argentine ou des États-Unis. Enfin, certaines positions anti-israéliennes soutenues à l’ONU s’expliquent par une dimension proprement irrationnelle, je veux parler du vieux fonds d’antisémitisme occidental qui remonte bien souvent à la surface.

Parmi les experts occidentaux que vous évoquez, il y en a une particulièrement virulente à l’égard d’Israël. C’est la juriste italienne Francesca Albanese, qui a été nommée en 2022 « Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 ». Quelle est sa motivation ?

La motivation de tous ces rapporteurs spéciaux est surtout idéologique, car les postes qu’ils occupent ne sont pas rémunérés par l’ONU. Albanese partage sa haine d’Israël avec son époux, l’économiste Massimiliano Calì, ex-conseiller au ministère de l’Économie nationale de l’Autorité palestinienne. Tous les deux adhèrent à l’idéologie anti-occidentale, anti-américaine et anti-israélienne, et manient tous les tropes antisémites classiques, qui consistent à comparer les Israéliens aux nazis et à décrire les juifs comme responsables de leurs propres malheurs – ce qu’on appelle l’« Holocaust inversion ». Dans ses publications sur les réseaux sociaux, Albanese affirme que les États-Unis ou la BBC sont les jouets du « lobby juif ». Elle est également intervenue dans un colloque organisé par le Hamas en novembre 2022. Elle y a déclaré : « Vous avez le droit de résister. » Pire encore, en février dernier, quand Emmanuel Macron a qualifié le 7-Octobre de « plus grand massacre antisémite de notre siècle », elle a objecté sur X (ex-Twitter) : « Les victimes du 7/10 n’ont pas été tuées à cause de leur judaïsme, mais en réaction à l’oppression d’Israël. » D’ailleurs, elle est le seul rapporteur de l’ONU à avoir été condamnée par des Etats-membres – une fois par l’Allemagne et deux fois par la France.

En tout cas, alors qu’il y a plus de 70 experts inconnus nommés par l’ONU, Albanese jouit d’une grande notoriété…

Une chose est sûre : cette notoriété n’est pas le fruit de la compétence. Albanese n’est pas une interlocutrice fiable. Elle ne respecte pas l’obligation, induite par sa fonction, de vérifier les informations qu’elle relaie. Prenez le bombardement de l’hôpital Al-Ahli Arabi à Gaza, le 17 octobre 2023 : elle n’a pas hésité à affirmer que l’auteur était l’armée israélienne alors qu’il s’agissait en réalité du Jihad islamique palestinien. Si Albanese est célèbre, c’est grâce aux tribunes que lui offrent les médias et les campus occidentaux. Elle est régulièrement publiée dans The Guardian et interrogée par France 24. Fin octobre, elle a commencé une tournée aux États-Unis. Au programme : discours au siège de l’ONU devant le Comité des droits de l’homme, puis interventions dans de prestigieuses universités du pays comme Georgetown ou Princeton. UN Watch appelle Washington à l’interdire de séjour sur le sol américain. Le 23 octobre, nous lui avons consacré un rapport de 60 pages, au titre éloquent : « A wolf in sheep’s clothing » [« Un loup déguisé en agneau », NDLR].

Pourquoi UN Watch critique-t-il l’UNRWA, l’agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens ? N’accomplit-elle pas une mission essentielle et salutaire ?

L’UNRWA a été créée en 1949 pour aider les Palestiniens déplacés par la guerre de 1948 à se réinstaller dans de nouveaux lieux d’existence où ils pourraient jouir de tous leurs droits. Mais très vite, elle s’est mise au service d’une version pathologique de leur cause. Aujourd’hui encore, des vidéos montrent des écoliers gazaouis, inscrits dans les établissements gérés par l’UNRWA, qui affirment que leur vraie maison n’est pas à Gaza, mais à Haïfa ou à Tel-Aviv. Il faut dire que l’UNRWA conforte leurs parents dans cette idée et que depuis soixante-quinze ans, elle piétine sa mission d’aide à la réinstallation, contrairement au HCR, l’agence des Nations unies qui s’occupe de toutes les autres personnes déplacées dans le monde, et qui réinstalle avec succès les réfugiés syriens, soudanais ou ukrainiens au Canada, en France ou ailleurs, où ils deviennent des citoyens à part entière. L’UNWRA est donc l’ennemie de la solution à deux États, l’ennemie de la paix. Sa collusion avec le Hamas est évidente. Par exemple, il y a peu, encore, le chef du Hamas au Liban, Fathi al-Sharif, n’était autre que le président du syndicat local des professeurs d’école de l’UNRWA. Quand il est mort, tué par une frappe aérienne israélienne le 29 septembre, le Hamas l’a reconnu. De la même façon, l’UNRWA nie avoir été au courant de l’existence d’un tunnel creusé par le Hamas sous son propre siège à Gaza, alors que le parking s’enfonçait notoirement dans le sol…

Comment les dirigeants de l’UNRWA ont-ils pu ignorer ou cacher ces faits ?

Par une forme de complicité dont ils bénéficient en haut lieu. L’UNRWA a invité cette année l’ancienne ministre des Affaires étrangères française, Catherine Colonna, à faire un audit de sa neutralité. Or cette évaluation supposément indépendante a été conduite par des membres de trois instituts scandinaves (l’Institut Raoul Wallenberg en Suède, l’Institut Chr. Michelsen en Norvège et l’Institut danois des droits humains) dont le personnel a pris par le passé des positions anti-Israël et pro-UNRWA connues de tous. De notre côté, nous avons bien essayé d’éclairer Mme Colonna en lui envoyant un document de 25 pages, mais il est resté lettre morte. Son rapport final a été remis à l’ONU le 22 avril et, en dépit de certaines critiques, sa tonalité générale est de déclarer l’UNRWA « irremplaçable et indispensable ». L’objectif de cet audit est de faire changer d’avis les pays occidentaux qui ont suspendu depuis quelques années leur financement de l’UNWRA. Nous alertons régulièrement les ministères des Affaires étrangères de pays comme la France ou le Royaume-Uni quant aux véritables activités de l’UNRWA, mais ils nous ignorent, ce qui pour moi est très significatif.

L’ONU est présente au Liban à travers les troupes de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL). Cette dernière remplit-elle convenablement sa mission ?

De même que le Hamas a corrompu l’UNRWA, le Hezbollah a au moins partiellement corrompu la FINUL. En vertu de la résolution 1701 de l’ONU de 2006, la FINUL devait assurer le désarmement du Hezbollah. Or, non seulement celui-ci n’a pas été désarmé, mais au début du conflit actuel, il disposait de plus d’armes – de missiles notamment – que jamais. Nous avons recueilli le témoignage d’un militaire danois qui affirme que tous les déplacements de la FINUL sont contrôlés et encadrés par le Hezbollah, et que toute plainte à propos des armes du Hezbollah est ignorée par la FINUL.

Quelles sont les solutions selon vous ?

Il faut des changements radicaux. Premièrement, Francesca Albanese devrait être démise de son statut à l’ONU et poursuivie en justice pour antisémitisme et incitation à la haine raciale. Deuxièmement, l’UNRWA, dont le véritable but est de démanteler l’État d’Israël, devrait être dissoute. Chaque euro qui lui est versé est un euro contre la paix. Les activités humanitaires en faveur des Palestiniens peuvent tout à fait être gérées par d’autres agences de l’ONU. Les Gazaouis ne doivent plus être traités comme des réfugiés, mais comme les citoyens des pays où ils vivent. Enfin, troisièmement, il est difficile de voir comment on pourrait sauver la mission de la FINUL. Cette dernière n’inspire plus aucune confiance aux autorités de l’État hébreu, qui ne peuvent pas autoriser les 80 000 réfugiés israéliens du nord du pays à retourner vivre chez eux tant qu’ils seront menacés par le Hezbollah.

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