Après avoir doublé l’immigration permanente sous son mandat, Justin Trudeau fait [un peu] marche arrière, pressé par l’opinion.
Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, salue, le 3 juillet dernier, des personnes dans un parc de sa circonscription de Papineau, l’une des plus multiethniques du pays.
Trudeau (avec bandeau rouge à la tête) à Ottawa Au nord de Montréal, la circonscription de Justin Trudeau, Papineau, est l’une des plus multiethniques du pays. Africains, Haïtiens et Latino-américains s’y retrouvent sur la grande artère piétonne du quartier de Rosemont-la-petite-patrie, où l’on trouve des commerces vendant des spécialités de pays variés. Mais au niveau national, l’immigration est devenue le plus grand défi du gouvernement de Justin Trudeau depuis que ce dernier est arrivé au pouvoir en 2015. Le sujet est devenu obsessionnel dans l’opinion publique et les médias canadiens, alors qu’il ne l’avait jamais été ces dernières décennies, dans un pays traditionnellement accueillant envers les réfugiés.
«Le legs de Justin Trudeau sera d’avoir détruit le consensus canadien sur l’immigration », a titré récemment le quotidien de référence [centre gauche] The Globe and Mail. À moins d’un an de la fin de son mandat, pressé tant par une bonne partie de la population que par les partis d’opposition et, parfois, par son propre camp, le premier ministre consent donc à diminuer le nombre d’immigrés qu’accueillera le pays. Son ami d’adolescence, également ministre de l’immigration, Marc Miller, a reconnu en fin de semaine à Radio-canada : « Très franchement, on a pris un peu trop longtemps pour ralentir la machine. »
En dix ans, le nombre d’immigrés a doublé au Canada, passant de 259 000 en 2013 à 465 000 en 2023. Il faut y ajouter plus de 2,8 millions d’« immigrants temporaires ». C’est principalement le nombre de ces visas de travail temporaires et celui des étudiants étrangers qu’Ottawa souhaite réduire. Pendant des décennies, le pays avait soigneusement sélectionné son immigration en fonction de ses capacités d’intégration. Or, Justin Trudeau, influencé par un think-tank canadien anglophone, L’Initiative du siècle, a décuplé l’immigration pour créer de la croissance économique, sans calculer si le pays avait les moyens d’accueillir les nouveaux venus. Le think-tank estime que « la croissance de la population canadienne est essentielle à la prospérité économique et l’influence du pays sur la scène mondiale. L’objectif est de porter la population du Canada à 100 millions de personnes d’ici à 2100 (contre 40 millions actuellement). »
Au Québec, certains se sont emparés du sujet, dénonçant un projet purement politique qui viserait à diluer les Canadiens francophones dans une masse de ressortissants asiatiques et indiens, l’immigration privilégiée par Trudeau, opposé à l’indépendance du Québec… Quoi qu’il en soit, force est de constater que son gouvernement, en ouvrant les vannes de l’immigration, a gravement déséquilibré les infrastructures essentielles du Canada.
Ghettoïsation en hausse« C’est impossible d’inviter 1,2 million de nouvelles personnes au Canada chaque année lorsqu’on ne bâtit que 200 000 logements », s’est exclamé récemment le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, un populiste [dixit Le Figaro...] pressenti pour être le prochain premier ministre. Dépassés par la demande, les services publics sont sous pression. Les prix de l’immobilier et des loyers se sont envolés, suscitant une crise du logement et une augmentation du nombre de sans-abri… Une crise qui affecte tant les nouveaux arrivants que les Canadiens. Le Canada, longtemps abordable, est devenu une destination chère. Le chômage est aussi reparti à la hausse. Il atteint désormais 6,6 %.
Les Canadiens, majoritairement plutôt ouverts à l’immigration, n’en veulent pas aux demandeurs d’asile d’avoir choisi leur pays. Ils reprochent en revanche à leurs dirigeants de ne pas avoir mesuré les conséquences de leurs politiques, malgré les mises en garde d’experts. La plupart de ces derniers estiment qu’il faudrait près d’une décennie pour construire suffisamment de logements pour abriter la population actuelle.Autre problème : les conséquences sociétales et les revendications religieuses croissantes dans un pays où la ghettoïsation est en hausse. Selon l’institut national Statistique Canada, Toronto compte 55 % de « minorités visibles » et Vancouver, 54%. Il faut «accroître la représentation des professeurs musulmans (dans les universités) », a dit, il y a quelques jours, la représentante spéciale de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghawaby. La sortie de cette militante nommée par Justin Trudeau a soulevé un tollé au Québec, mais elle est symbolique de la politique du premier ministre. Si Ottawa a assuré qu’il diminuerait l’immigration, les Canadiens sont sceptiques, tant Justin Trudeau peine à reconnaître franchement son erreur. The Globe and Mail, journal anglophone modéré, a d’ailleurs titré : «Le gouvernement Trudeau règle le problème de l’immigration, aussi lentement qu’il le peut ».
Source : Le Figaro
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