Pour appliquer la « préférence nationale », clé de voûte de son programme depuis plusieurs décennies, le parti d’extrême droite veut imposer l’insertion d’un critère de nationalité à l’ouverture de chaque emploi privé. Ce critère existe déjà pour une large part dans la fonction publique d’Etat .
«Le Français est chez lui, justifiait- Marine Le Pen en 2021. Il faut permettre aux employeurs de donner en priorité accès à l’emploi à un Français. »
Si le RN propose cette mesure de longue date, jamais la discrimination à l’embauche n’avait été aussi explicitée par ses promoteurs que lors de la rentrée 2024. Le fascicule programmatique du RN destiné aux entreprises, présenté le 14 septembre, ne se contente pas de rappeler un principe : « Appliquer la priorité nationale, à compétences égales, pour l’ensemble des postes à pourvoir en France. » Le document en précise les modalités d’application, à destination des employeurs : « Il sera nécessaire d’inscrire la nationalité parmi les critères de choix d’un candidat, sachant que la règle de nationalité s’applique déjà dans une large part de la fonction publique d’Etat. » Le RN précise dans sa brochure que l’embauche d’étrangers ne serait « naturellement » pas interdite s’agissant d’« étrangers présentant des compétences rares et nécessaires à la prospérité de l’économie française ».
Le parti d’extrême droite ne vise désormais plus la dissuasion, par l’augmentation du coût de travail d’un extracommunautaire, mais la contrainte, par l’insertion d’un critère de nationalité à l’ouverture de chaque emploi privé. « A compétences égales, l’employeur devra recruter le Français plutôt que l’étranger », résume Jean-Philippe Tanguy, auteur du programme économique. Le député de la Somme confirme le caractère obligatoire de la « priorité nationale ». Le Français s’estimant lésé lors du recrutement bénéficierait d’une forme de « droit opposable ». « L’administration ne fera pas d’enquête sur chaque embauche, précise le parlementaire. Mais une personne pourra saisir la justice pour discrimination si elle juge qu’un étranger a été injustement recruté à sa place. L’employeur devra prouver qu’aucun Français ne s’est proposé. » […]
Le RN, en cas d’accession au pouvoir, inverserait donc la logique sanctionnant les discriminations professionnelles, la nationalité comptant parmi les critères interdits. Selon Alexandre Fabre, professeur de droit à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et spécialiste des relations sociales, de nombreux textes et conventions empêchent aujourd’hui de pratiquer une telle discrimination : Constitution de 1958, traité sur le fonctionnement de l’UE, convention de l’Organisation internationale du travail… Autant d’obstacles que le RN veut balayer en excluant les ressortissants européens de cette discrimination, et en révisant la Constitution pour y insérer sa « priorité nationale » en matière d’emploi, de logement et de prestations sociales. Mais la liberté d’entreprendre et de choisir ses collaborateurs, elle aussi protégée par la Constitution, pourrait également se mettre en travers de son projet. […]
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