La question est donc : peut-on dissimuler une personne innocente ? Est-ce le rôle d'un chef de la police de prendre des mesures contre un subordonné, d'autant plus que le parquet enquêtait déjà ? Est-il même autorisé à faire ça ? Et si oui : qu’est-ce que Sperisen aurait dû faire ou ne pas faire concrètement ?
Malheureusement, la Cour de Strasbourg n'a pas non plus répondu à ces questions. Mais il a déclaré partial le tribunal de Genève, qui avait prononcé le verdict de culpabilité kafkaïen et condamné Sperisen à quinze ans de prison. La Cour fédérale a donc ordonné un appel.
Mais la justice genevoise n'a pas jugé nécessaire de rouvrir ce dossier complexe et truffé d'incohérences. Sous la direction d'un nouveau président du tribunal, qui a autrefois défendu le procureur Yves Bertossa à titre privé en tant qu'avocat. Mais dans le petit monde genevois, ce n’est pas un motif de rébellion. Avec un désintérêt manifeste, le juge a laissé les parties s'affronter à nouveau et débiter leurs arguments bien connus. Comme d'habitude, toutes les demandes de témoins et de preuves de la défense ont été rejetées. Tout ce qui ne rentre pas dans le tableau est ignoré. Et copier/coller.
Le verdict rendu jeudi est aussi semblable à l’ancien qu’un œuf à l’autre. Avec quelques corrections de détails. Outre le commandant légalement acquitté, Sperisen aurait également dissimulé le chef de la prison légalement acquitté et le ministre de l'Intérieur légalement acquitté. Malheureusement, les questions soulevées au début attendent toujours une réponse.
Erwin Sperisen a purgé sa peine depuis longtemps. Il s’agit avant tout de réparation de l’injustice subie, d’honneur. Et pour sauver la face. Et ainsi de suite jusqu'à la Cour fédérale.
Il y a douze ans, la justice politique genevoise avait pour objectif de démontrer aux Guatémaltèques, en prenant l'exemple de Sperisen, comment fonctionne la justice. Quel que soit le verdict final, la seule chose que l'affaire Sperisen a révélé, ce sont les profondeurs de la justice suisse.
Et vous, qu'en pensez vous ?