Les versions écrites et orales font foi. L’orateur se réserve le droit de s’écarter librement du manuscrit.
Monsieur le Président de commune,
Monsieur le Président du comité d’organisation,
Chères habitantes et habitants de Saas-Almagell,
Chères Valaisannes, chers Valaisans,
Chers concitoyens de l’étrangers,
Chers et fidèles compatriotes,
Mesdames, Messieurs,
Salutations
C’est avec plaisir que j’ai répondu à l’invitation de votre estimé hôtelier, Fabian Zurbriggen, qui est également l’organisateur de cette fête nationale 2024, à venir vous dire quelques mots aujourd’hui. Mais pourquoi ai-je choisi votre région cette année ?
Les médias nous ont informés que, de Saas-Grund à Saas-Balen, l’eau, la boue et les gravats avaient dévasté certaines maisons et une grande partie du village. Des habitants ont perdu leur maison et leurs moyens d’existence. Les fameuses « mesures de renaturation » prises ces dernières années ont tout simplement été balayées par les intempéries.
Mais, au bon milieu des mesures de sauvetage, je ne serais pas venu aujourd’hui à Saas-Almagell. Par mon expérience politique et militaire, je sais que les politiciens qui arrivent avec un cortège de médias pour se faire photographier sur un lieu de sinistre et qui font semblant de pouvoir aider sont surtout des obstacles. Les secours doivent alors se préoccuper de ces politiciens et des photos plutôt que de débarrasser les décombres.
733e anniversaire de la Suisse
Aujourd’hui, nous fêtons l’anniversaire de notre pays : la Suisse. Même si ni mon canton de Zurich ni le Valais n’ont fait partie de la Suisse dès 1291, année de sa fondation. Mais tout comme les cantons fondateurs d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald, les Valaisans, les communes valaisannes et les différents dizains de vos communeautés de vallées ont insisté sur leur indépendance et leur liberté.
(Dans la campagne zurichoise, on raconte qu’autrefois, dans le Haut-Valais, chaque commune avait son propre gibet. On prétend qu’à Saas-Almagell, un Zurichois de passage a été condamné à la pendaison. Les habitants se seraient interposés en criant : « Cette potence est destinée à nous et à nos descendants, et non pas à des vauriens étrangers qui se sont égarés ici ! »).
Spécificités de la fête nationale suisse
Fort heureusement, ce n’est pas une pendaison que nous fêtons aujourd’hui, mais le 733e anniversaire de notre pays, la Suisse. Nous, les Suisses, célébrons notre fête nationale le 1er août de chaque année parce que dans le Pacte fédéral des premiers Confédérés de 1291, il est écrit : « Fait au début du mois d’août 1291 ».
Nous célébrons cette journée de manière typiquement suisse : il n’y a pas de célébration centrale et pompeuse dans la capitale fédérale ou sur le Grütli. Aucun défilé militaire, aucun dépôt de gerbes ou de grands actes d’État. Non, nous, en Suisse, nous fêtons en petit comité, dans les familles, dans les quartiers, dans les villages.
Partout où les gens se rassemblent aujourd’hui, c’est le 1er août. Il n’y a pas de banquets de fête avec sept plats, mais une modeste saucisse à griller ou une raclette avec une pomme de terre, pas de feu d’artifice grandiose et démesuré, mais de simples et modestes feux de joie accompagnés de lampions.
La Suisse s’est constituée par le bas
C’est ainsi, car la Confédération suisse s’est constituée par le bas et n’a pas été commandée, ordonnée, organisée et financée « d’en haut ». Non, vous, dans le village de Saas-Almagell, vous vous êtes réunis volontairement pour cette fête. Je tiens donc à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont aidé à la préparation et à la réalisation de cette fête du 1er août. Votre engagement en pleine période de vacances est tout sauf évident.
Le Valais comme « pays allié de la Confédération »
Vous le savez : l’alliance des Confédérés de 1291 a été jurée par les gens des vallées d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald. Les Valaisans, y compris ceux de Saas, n’étaient pas plus présents à l’époque que mes ancêtres du Säuliamt zurichois ou de l’Oberland bernois. Mais les Valaisans se sont eux aussi engagés très tôt dans la lutte pour la liberté, l’autonomie et l’indépendance. La preuve en est que le canton du Valais a déclaré dès 1403 qu’il était un « pays allié de la Confédération ».
Parallélisme entre les cantons primitifs et le Valais
Tout comme les cantons primitifs d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald qui se sont débarrassés de la domination étrangère des Habsbourg, les Haut-Valaisans voulaient s‘affranchir autant que possible de la domination du prince-évêque de Sion.
Et tout comme la liaison nord-sud du Gothard a été fondamentale pour la création de la Confédération, les cols du Simplon et du Grand-Saint-Bernard étaient vitaux pour les Valaisans.
L’affiliation institutionnelle n’est donc pas au premier plan de la destinée de notre pays, c’est l’esprit de liberté, l’esprit d’indépendance et de responsabilité individuelle qui compte. Dans l’ancienne Confédération tout comme dans le Haut-Valais.
C’est pourquoi le Valais et la Confédération ont été des amis et des compagnons mutuels jusqu’à ce que le Valais rejoigne la Confédération en 1815, même si c’était plus par nécessité que par enthousiasme.
Mathieu Schiner
Les Valaisans de renom n’ont pas manqué longtemps. Je pense ici à votre compatriote, le cardinal Mathieu Schiner – le garçon de ferme d’Ernen – qui a failli être élu pape en 1522.
Mais Schiner était avant tout un grand diplomate. Après que les Confédérés eurent perdu la bataille de Marignan en 1515, la paix fut signée. Et vous savez ce qui s’est passé ? Les négociateurs sous la direction de Mathieu Schiner ont assuré à la Suisse – malgré la défaite à Marignan – le Tessin, la Valteline et, par-dessus le marché, Bormio et Chiavenna.
Nous devrions envoyer à Bruxelles, auprès de l’UE, des négociateurs comme le cardinal valaisan Mathieu Schiner ! Ne pourriez-vous pas, vous les Haut-Valaisans, mettre à nouveau à disposition de la Suisse quelqu’un comme le cardinal Schiner ? Avec lui, notre pays ne renoncerait probablement pas à son indépendance.
Regard sur un monde perturbé
Mesdames et Messieurs, lorsque nous regardons le monde aujourd’hui, nous pouvoir parfois être désespérés : à peine la pandémie de Covid était-elle terminée que la guerre est revenue. À quelques heures de vol de chez nous. Les puissances nucléaires se menacent mutuellement.
En Allemagne, nous avons l’impression que le gouvernement veut en finir avec son propre pays, en France, c’est la zizanie, en Amérique, on secoue la tête devant le spectacle affligeant des élections américaines.
En un mot, le monde est fou !
Ici, dans la petite Suisse, je traverse la campagne, les villages et les champs. Les citoyens maintiennent l’ordre, veulent la liberté et la paix. Réjouissons-nous de voir que nous nous portons mieux – grâce à des citoyens responsables. C’est pourquoi la Suisse se porte bien.
Mais dans la Berne fédérale, on cherche à se précipiter dans l’OTAN et dans des guerres étrangères. On ouvre les portes à l’étranger pour que tous ceux qui veulent entrer puissent le faire. Et on négocie à Bruxelles puis accepte qu’une puissance étrangère – l’UE – fasse la loi en Suisse et que des juges étrangers – la Cour de justice de l’UE, un tribunal de la partie adverse – soient nos juges. Finalement, il semble bien que le peuple doive être mis hors-jeu.
Que faut-il faire ? Préserver sa liberté et son indépendance
Lorsque le monde devient fou, nous devrions revenir à ce qui a fait ses preuves, à ce qui a été éprouvé par la vie. Par exemple, au Pacte fédéral de 1291, où il est dit de se serrer les coudes contre « la malice des temps » et de prendre soi-même les choses en main ! Ou comme vous, les Valaisans, à votre appartenance depuis 400 ans à la Confédération, d’abord comme pays allié puis, à partir de 1815, comme canton souverain. En tant que pays libre, véritablement démocratique et durablement neutre, l’on ne doit pas se laisser entraîner dans des conflits étrangers.
Pourquoi la Suisse va-t-elle comparativement mieux ?
Pourquoi la Suisse est-elle aujourd’hui en bien meilleure posture – ou du moins en moins mauvaise posture – que presque tous les pays du monde ? Le facteur déterminant est l’attachement à la liberté des citoyens et à l’indépendance du pays. L’attachement à la neutralité permanente, armée et globale. Notre pays n’est pas né de la volonté d’un souverain ni d’une déclaration constitutionnelle rédigée par des professeurs de droit public et des juristes fédéraux. Sinon, le Pacte fédéral de 1291 ne compterait pas 17 lignes, mais remplirait 273 classeurs fédéraux !
Pourtant, les premiers Confédérés étaient de simples paysans et bergers qui ne savaient même pas lire et écrire – c’est un moine qui a mis par écrit le Pacte fédéral pour eux. Mais ces fondateurs de la Confédération avaient les pieds sur terre, ils connaissaient la réalité de la vie et avaient du bon sens.
Qui établit le droit dans notre État ?
Le Pacte fédéral de 1291 répondait à la question la plus importante de notre vie en société : qui fixe le droit dans notre communauté ? Pour nous, Suisses, la réponse à cette question est en fait donnée depuis 1291 : c’est le peuple qui est souverain, c’est vous, Mesdames et Messieurs ! C’est inscrit dans la Constitution fédérale de 1848, 1874 et 1999 : c’est vous – et personne d’autre – qui êtes le chef suprême de notre pays !
Que veulent les politiciens et l’administration ?
La classe politique et l’administration ne veulent pas d’une Suisse indépendante et surtout pas d’une Suisse dotée de la démocratie directe, ni d’une Suisse neutre. Non, car la pression constante des référendums et des initiatives sur leurs épaules est pour eux pénible et agaçante. Ils craignent toujours la décision du peuple !
C’est pourquoi ils veulent pouvoir entrer dans l’UE, dans l’OTAN, dans des organisations internationales où ce sont d’autres autorités que le peuple suisse qui donnent les ordres.
Accord-cadre 2.0
Actuellement, nos représentants suisses à Bruxelles négocient un nouvel accord-cadre 2.0, jour et nuit dit-on. (Je pense toutefois qu’ils ne travaillent que le jour, car ils s’en tiennent aux heures de bureau). Mais ils ont déjà abandonné le plus important depuis longtemps : la législation autonome de la Suisse. Nos propres représentants acceptent l’UE comme législateur de la Suisse et la Cour de Justice européenne. Non, Mesdames et Messieurs, le peuple suisse, qui est responsable de ses actes, ne doit pas se laisser faire.
Fondement de la prospérité
Grâce au principe de la souveraineté populaire, la Suisse est passée du statut de parent pauvre de l’Europe à celui de pays parmi les plus prospères du monde.
Neutralité
De même, la neutralité perpétuelle, armée et globale nous a épargné les guerres pendant plus de 200 ans, et plus particulièrement les deux terribles guerres mondiales du XXe siècle. En ces temps où la guerre est de retour en Europe, nous devrions à plus forte raison nous accrocher à la neutralité plutôt que de devenir un belligérant.
Tout comme les droits populaires, la neutralité n’a pas été créée pour le Conseil fédéral, ni pour les politiciens, ni pour les généraux. Mais pour protéger la population suisse, pour que la Suisse ne soit pas entraînée dans des conflits et des guerres par les politiciens.
La neutralité nous impose une retenue en matière de politique étrangère et nous tient à l’écart des jeux de la politique de puissance – c’est le meilleur moyen de promouvoir la paix ! Et la neutralité empêche la Suisse de faire la guerre à l’étranger. Nous avons une armée de milice, afin qu’elle n’envahisse personne, mais serve uniquement à la défense nationale.
Retour à plus de modestie
Mesdames et Messieurs, la Suisse, et le Valais en particulier, sont depuis des siècles particulièrement ouverts sur le monde. Notre pays a toujours entretenu de bonnes relations avec tous les pays du monde, notamment grâce à la neutralité. Si tous les pays étaient neutres, il n’y aurait plus de guerres du tout !
En tant qu’entrepreneur, j’ai moi-même exporté 96% de mes produits à l’étranger. Mais il ne me serait jamais venu à l’idée de mettre en péril le modèle de réussite suisse et de retirer le droit de vote aux citoyens à cause de la suppression de quelques obstacles bureaucratiques dans l’espace européen ou de certifications facilitées.
Non, les Suisses ont toujours dit : malgré toute l’ouverture nécessaire au monde, malgré toutes les bonnes relations que nous entretenons autour du globe, nous voulons nous gouverner nous-mêmes et ne pas laisser les autres décider de notre avenir. « Nous voulons être libres, comme l’étaient nos pères » !
Mesdames et Messieurs, nous ne voulons ni plus ni moins que ce petit État : une maison solide avec de larges fenêtres sur le monde, mais aussi des portes que nous pouvons ouvrir et fermer de manière autonome.
- Es lebe die Schweiz !
- Vive la Suisse !
- Viva la Svizzera !
- Viva la Svizra !
- Vive le Valais et sa belle commune de Saas-Almagell !
Extrait de: Source et auteur
Admirable discours.
Tout politicien en poste ferait bien de s’en inspirer.