Cet été, Contrepoints vous propose une série d’entretiens sur le libéralisme avec plusieurs de nos auteurs et des invités spéciaux. Chantal Delsol est philosophe et écrivaine. Elle est membre de l’Académie des sciences morales et politiques.
Comment définissez-vous le libéralisme ?
C’est un terme polysémique, qui a tant trainé dans la poussière qu’il est devenu presque méconnaissable. Le désir de liberté peut s’appliquer dans tous les domaines de la vie – liberté économique, liberté de pensée, liberté morale etc. On peut considérer qu’une société est libérale quand elle laisse les individus décider de leurs choix économiques, éthiques, politiques. Le libéralisme est donc forcément lié, d’une façon ou d’une autre, à l’individualisme, et sa principale caractéristique est de récuser le holisme traditionnel dans toutes les cultures.
Vous considérez-vous libérale et pourquoi ?
Oui je me considère comme libérale, parce que je ne souhaite pas une société qui impose leurs choix de vie aux individus. Je suis par ailleurs conservatrice parce que je crois que la liberté ne peut pas être illimitée – il existe des limites, toujours à chercher et à discuter, liées aux responsabilités et à la condition humaine.
Quels sont vos auteurs libéraux de référence ?
Stuart Mill et Tocqueville.
Pourquoi le libéralisme est-il si mal compris en France ?
La France est un pays profondément socialiste, c’est-à-dire qu’elle préfère largement l’égalité à la liberté. Aussi, dès qu’on y vante une liberté, les Français voient aussitôt les inégalités que cela va engendrer. C’est pourquoi les pouvoirs locaux y sont si détestés, ainsi que la liberté économique.
Quels seraient les bienfaits de réformes libérales en France ?
La France n’a commencé à se libéraliser, ces dernières décennies, que grâce à l’Europe. Auparavant, c’était le pays du Plan et des prix imposés, c’est-à-dire un pays socialiste. Mais les libéralisations sont très mal vécues par une partie de la population, ce qui fait la fortune des Insoumis.
Deux réformes libérales prioritaires à mettre en place ?
Pour les libéraux français qui sont résiduels, la priorité serait d’abord de mettre leur doctrine au clair. Car le libéralisme a profondément changé en quelques décennies, c’est-à-dire depuis qu’il a été repris par les anciennes élites socialistes dépitées par la chute du Mur. Ces élites sont devenues libérales presque du jour au lendemain, un peu comme en Russie les agents des Soviets sont devenus des oligarques. Mais il s’agit à présent d’un libéralisme/libertarisme dogmatique, face auquel les libéraux classiques devraient se positionner. Tout se passe comme s’il était apparu un autre visage du libéralisme, qui brouille toutes les pistes et toutes les définitions.
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