Greenpeace : l’UE recule enfin sur ses politiques écologistes

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À l’approche des élections européennes, Greenpeace s’inquiète de l’abandon progressif des mesures vertes par l’UE dans une lettre ouverte signée par 146 associations écologistes.

L’ONG relève, entre autres, que la loi-cadre sur les systèmes alimentaires durables ne fait plus partie de l’agenda de la Commission, que les fermes industrielles sont exemptées de la directive européenne sur les émissions industrielles, que le règlement REACH sur les produits chimiques a été révisé, mais aussi que l’initiative sur la résilience dans le domaine de l’eau a été reportée.

Alors que les fermiers se plaignent des « pratiques abusives dans les chaînes d’approvisionnement ou de la concurrence déloyale, ainsi que des importations à bas prix dans le cadre d’accords commerciaux », les lobbies industriels et les ministères de l’Agriculture menacent la protection de l’environnement, les droits humains et accélèrent la crise climatique.

La narrative est séduisante : les organisations environnementales soucieuses de la nature et représentatives de la société civile s’opposent aux lobbies industriels obsédés par l’accumulation de capital.

Mais de quelles mesures vertes parle-t-on exactement ?

Il faut remonter à la loi européenne sur le climat, et en particulier la stratégie Farm to Fork qui vise à transformer le système alimentaire de l’UE de manière dirigiste et centralisée. Le centre de recherche JRC, qui dépend de la Commission, s’est justement intéressé à l’impact d’une politique qui prévoit -50 % de pesticides, -20 % d’épandages d’engrais, ou encore 25 % des terres consacrées à l’agriculture biologique.

L’étude n’a été rendue publique qu’en juillet 2021, soit bien après la rédaction de milliers d’amendements par les députés européens, qui n’ont pas eu la moindre boussole pour adapter leurs politiques à la réalité du terrain.

On peut comprendre pourquoi l’affaire a été si peu médiatisée. Le constat est sans appel : s’ils sont appliqués, les objectifs démesurés de l’UE vont engendrer des baisses drastiques de la production, une plus grande dépendance aux importations, une hausse des prix alimentaires, et une exportation des émissions de gaz à effet de serre agricoles. Les conclusions ne font certes pas plaisir aux associations proches de l’industrie biologique, qui fantasment sur une transformation de nos systèmes alimentaires – sans expliquer réellement pourquoi cela serait souhaitable, réalisable ou même réaliste – et affichent un mépris affiché pour les pays qui dépendent des exportations européennes.

Pour autant, l’étude du JRC corrobore d’autres études aux conclusions alarmantes, menées notamment par le département américain de l’Agriculture (USDA) et l’université de Kiel en Allemagne. Elles aussi ont été ignorées, tout comme les alertes de responsables politiques et de spécialistes des questions agricoles[1].

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Les effets des politiques écologistes se sont déjà fait sentir aux Pays-Bas en 2022, théâtre de blocages et de manifestations par les agriculteurs et les éleveurs. C’est dans le cadre de la politique climatique de l’UE que le gouvernement néerlandais a adopté un plan de réduction de 70 % des rejets d’azote d’ici 2030. Il impliquait, ni plus ni moins, une destruction de certaines zones agricoles avec des expropriations à la clé, alors même qu’aucun autre secteur n’a fait autant d’effort pour réduire l’azote. L’ampleur des manifestations était telle que le gouvernement a finalement renoncé.

La colère des agriculteurs ne se limite pas aux Pays-Bas : en France, en Roumanie ou en Allemagne, les politiques dictées par Bruxelles rappellent le conflit irrémédiable entre l’écologisme et la préservation de l’environnement, mais aussi le non-sens complet d’opposer l’économie à la nature. C’est la raison pour laquelle la Commission a été contrainte de mettre de l’eau dans son vin, par exemple en prolongeant la dérogation de maintenir des jachères sur les terres arables en 2024, à la demande de plusieurs pays membres. Voire de réviser complètement la politique agricole commune (PAC). Fin avril, le Parlement européen a ainsi voté, en procédure d’urgence, la suppression de l’obligation de mise en jachère d’au moins 4 % des terres arables, l’assouplissement de l’obligation de rotation des cultures, l’assouplissement de l’interdiction des sols nus pendant les périodes jugées sensibles, et l’assouplissement des pénalités pour les exploitations de moins de dix hectares.

Si les bureaucrates européens abandonnent progressivement leurs projets de réforme, c’est peut-être qu’ils ont fini par comprendre, à quelques semaines des élections, que leurs positions au sein du Parlement risquent d’être sérieusement compromises dans l’hypothèse – très probable – où les partis nationalistes et eurosceptiques gagnent des sièges supplémentaires. Pour la première fois, ils devraient représenter plus d’un cinquième des élus selon une dernière étude Ipsos : le Rassemblement national en France, l’AfD en Allemagne, le PVV aux Pays-Bas, l’AUR en Roumanie… C’est une grosse épine dans le pied pour des organisations comme Greenpeace qui perdent nécessairement en pouvoir d’influence au sein des institutions européennes. Il ne s’agit pas uniquement de la colère des agriculteurs, mais d’une part de plus en plus importante de citoyens européens qui ont fini par comprendre que les politiques de l’UE allaient créer un monde où les denrées alimentaires seront plus onéreuses et en moins grande quantité. Les citoyens européens n’exigent pas une transformation de nos systèmes alimentaires en profondeur. Seuls les lobbies écologistes le font. Et ils ne représentent personne.

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[1] Yves Madre, Paolo de Castro, Thierry Blandinières

 

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