Bardella trop gentil, Attal de mauvaise foi : match nul

 

Débat Attal/Bardella, toutes les chaînes en rêvaient. Non pas que nos duellistes soient des monstres sacrés de la politique, ils sont trop jeunes pour cela et n’ont encore que peu d’expérience, quels que soient leurs défauts et qualités. Mais cette campagne électorale pour les européennes est tellement terne qu’une joute entre le Premier ministre et le président du RN vient mettre un peu de sel dans la compétition. 

Rappelons que 50 % des électeurs boudent en général une élection qui ne les passionne pas.

Pour le parti de la majorité, qui patine depuis deux mois avec Valérie Hayer, il y a plus à gagner qu’à perdre en affrontant un  RN à 33 %. Pour Bardella, c’est le contraire. Il est plus difficile de grimper à 35 % que de redescendre à 30 %. Nous verrons comment les sondages évaluent l’épreuve.

Le bilan Macron n’étant qu’un chapelet de désastres, Bardella aura beau jeu de remuer le couteau dans la plaie, face à un Premier ministre fraîchement sorti du nid. Pour le président du RN, l’enjeu n’est pas de grappiller quelques points mais d’affirmer l’aptitude du RN à gouverner, puisque le procès en incompétence fait à Marine a encore la vie dure. Dominer le débat serait donc très porteur pour l’avenir du RN. Mais n’anticipons pas…

Je vais déflorer le sujet en disant que si ce débat a été respectueux, j’ai trouvé Jordan Bardella modérément offensif face à un Gabriel Attal de mauvaise foi, coupant la parole constamment à son adversaire et l’attaquant sur certains revirements du RN, comme la sortie de l’UE et de l’euro, deux projets majeurs abandonnés par Marine. Les attaques constantes d’Attal sur le passé du RN sont assez mesquines, alors que ce parti n’a jamais gouverné et n’est pas responsable du chaos national actuel.

Il était pourtant facile pour Bardella de dire que le RN veut gouverner pour le peuple et par le peuple et que par conséquent, puisque les Français veulent rester dans l’Europe et garder l’euro, le RN n’a aucune raison d’aller contre l’avis du peuple. Mais Bardella a louvoyé sans répondre. 

Bardella ouvre les hostilités en opposant son projet face au bilan calamiteux de Macron (pouvoir d’achat, immigration, insécurité). Il veut changer cette Europe qui nous ruine, saborde notre indépendance énergétique en tuant le nucléaire et nous impose une immigration de masse que les peuples ne veulent pas.

Attal : la France n’est rien sans l’UE et le programme RN c’est la fin de l’Europe. L’union fait la force pour relever les défis de la guerre, du climat et développer les grands projets comme l’IA.

Bardella : l’UE a désormais le PIB par habitant de l’État le plus pauvre des États-Unis, à savoir le Mississippi. Il faut en finir avec le libre échange débridé et la concurrence déloyale qui nous tuent. Il faut rétablir des droits de douane et la préférence européenne. Nous construisions trois millions de voitures par an, nous n’en construisons plus qu’un million.

Attlal : l’UE nous a permis de surmonter la crise du covid. Le plan de relance a sauvé des milliers d’entreprises qui dépendent de l’Europe. Nous avons réindustrialisé. Il faut préserver ce grand marché de 450 millions d’habitants.

Bardella : Vous vouliez fermer 14 réacteurs, vous avez fermé Fessenheim et liquidé le projet d’avant-garde Astrid. L’électricité augmente de 10 % et le bilan carbone est catastrophique.

Attal : Faux. Les émissions de CO2 ont baissé de 6 %, nous avons construit 4 usines de batteries et visons 2 millions de voitures électriques par an. Nous sommes à la pointe du combat pour obtenir une industrie décarbonée.

Bardella : Vous allez tuer l’automobile en interdisant les moteurs thermiques sur les véhicules neufs à partir de 2035. Les Français déjà appauvris ne pourront pas se payer des véhicules électriques.

Attal : Le pétrole va se raréfier et coûter cher. Il faut s’en passer le plus possible.

Bardella : Vous voulez supprimer le droit de veto qui permet à la France de s’opposer à des décisions de l’UE qui nous seraient défavorables. Il faut le conserver.

Attal : Vous n’aimez pas l’Europe et le droit de veto bloque toute avancée.

Bardella : Vous avez mis les agriculteurs dans la rue. Il faut les protéger, en finir avec les accords de libre échange (Canada et Amérique du Sud) qui profitent à la concurrence déloyale.

Attal : Faux. Suit un débat de chiffres sur les échanges commerciaux avec le Canada.

Bardella : Le pacte sur les migrations instaure une répartition obligatoire des migrants sans en diminuer les flux. 20 000 euros d’amende par migrant refusé, c’est scandaleux. Macron détient le record de l’immigration et n’expulse pas les OQTF.

Attal : Faux, nous expulsons davantage que l’Allemagne et d’autres pays. Nous renforçons Frontex et les demandes d’asile seront examinées aux frontières.

Bardella : Nous voulons refouler les bateaux qui accostent. Frontex ne doit pas être une agence de recueil des migrants. Les demandeurs d’asile devront faire leur demande dans nos consulats à l’étranger. Et la libre circulation ne doit concerner que les Européens.

Attal : L’Ukraine est seule face aux Russes. Nous sommes 27 à relever ce défi existentiel. Non, Emmanuel Macron ne veut pas partager notre dissuasion nucléaire. Sur le dossier ukrainien, vous êtes réservé car le RN a une dette morale envers Poutine qui vous a prêté de l’agent. 

Bardella : Vous rabaissez le débat, c’est assez petit de la part d’un Premier ministre. Nous, nous ne voulons pas de troupes au sol et nos partenaires européens non plus. Nous sommes contre les sanctions économiques qui se retournent contre nous. En fait, au cours de cette campagne électorale, vous avez instrumentalisé la guerre.

Bardella termine en invitant les jeunes à voter et à prendre leur destin en mains.

Attal leur adresse un message d’espoir sur l’emploi, l’écologie, l’IA, les libertés.

Conclusion : match nul

Un débat sans vainqueur, à mon avis. Bardella aurait pu être plus agressif sur le bilan Macron, notamment la dette colossale et l’insécurité galopante.

Attal connaît ses dossiers, c’est indéniable, mais il est de mauvaise foi et parle en même temps que son adversaire pour le rendre inaudible. Certains moments de cacophonie étaient fort pénibles.

Un débat très attendu donc, mais qui ne devrait pas changer le cours de la campagne et les sondages. Ce n’est que mon avis.

Jacques Guillemain




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