Accueil - Brèves - Nos lecteurs nous prient de publier : “Alice Weidel, la figure de l’extrême droite allemande qui vit une partie de l’année en Suisse”, Le Temps, 19.02 2024
Nos lecteurs nous prient de publier : “Alice Weidel, la figure de l’extrême droite allemande qui vit une partie de l’année en Suisse”, Le Temps, 19.02 2024
Alice Weidel, la figure de l’extrême droite allemande qui vit une partie de l’année en Suisse
Personnalité incontournable du paysage politique allemand, la coprésidente de l’Alternative für Deutschland (AfD) séjourne régulièrement à Einsiedeln, dans le canton de Schwytz. Portrait d’une femme énigmatique aux idées drastiques
Vous vivez en Suisse? «Non je vis en Allemagne mais j’ai une résidence secondaire en Suisse. Et si vous faites allusion au lieu où je paie mes impôts, je les paie en Allemagne.» Presque inconnue en terres helvètes, Alice Weidel compte parmi les visages les plus médiatisés – et les plus controversés – de l’AfD, parti de droite nationaliste en pleine ascension chez nos voisins nordiques. Au point, affirme-t-elle, de ne plus pouvoir sortir dans les rues berlinoises sans protection policière. Une «popularité» qui la rattrape désormais de ce côté-ci de la frontière.
En 2019, celle qui vivait encore à Bienne avec sa compagne, la réalisatrice suisse d’origine sri-lankaise Sarah Bossard et leurs deux enfants, quittait la ville après s’être fait traiter de «nazie» dans la rue. Pour s’installer à Einsiedeln, dans le canton de Schwytz, où la police cantonale a dû transférer la parlementaire et sa famille vers un «lieu sûr» en raison de «menaces d’attentat» en septembre dernier. Pas de quoi la détourner de son pays d’accueil pour autant, dont elle admire beaucoup la politique, tout particulièrement celle de l’UDC, dont l’AfD s’est largement inspirée ces dernières années – un programme «court, concis et compréhensible» disait Alice Weidel il y a quelques années. Jusqu’à dépasser la radicalité du maître.
«Des profs de gauche qui défendent la régulation du capitalisme»
Née en 1979 à Gütersloh, ville de 100 000 habitants de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Alice Weidel grandit entourée de deux frères et sœurs, dix ans plus âgés qu’elle, un père commercial dans l’immobilier de bureau et une mère femme au foyer. Elle tisse dès l’enfance un lien avec la Suisse, où elle passe régulièrement ses vacances et où vivent désormais ses deux aînés (dans la région de Zurich), qui y ont également étudié. Elle choisit de rester en Allemagne, où après un brillant parcours gymnasial dans un établissement «avec des professeurs de gauche qui essayaient de la convaincre que l’Etat devait réguler le capitalisme», dira-t-elle par la suite, elle étudie l’économie et la gestion d’entreprise à l’Université de Bayreuth, dont elle sort parmi les meilleurs de sa promotion.
L’Allemande travaille par la suite pour Credit Suisse et Goldman Sachs, avant de rédiger une thèse sur l’avenir du système de retraite chinois sous la direction de Peter Oberender, économiste particulièrement critique de l’abandon du deutsche mark – qu’Alice Weidel aimerait réintroduire en Allemagne – et l’un des premiers soutiens de l’AfD à sa création (2013). Ancienne membre du FDP, parti qu’elle décide de quitter lorsqu’il soutient la sauvegarde de l’euro lors de la crise de la dette grecque à la fin des années 2010, la politicienne intègre l'«Alternative» cette même année alors qu’elle travaille encore pour Allianz, géant germanique de l’assurance. Après l’échec d’une première candidature au parlement régional de Bade-Wurtemberg, son ascension sera météorique, au sein d’un parti qui lui ressemble de plus en plus.
Propulsée tête de liste aux élections fédérales de 2017, elle est élue au Bundestag aux côtés d’Alexander Gauland, l’un des fondateurs du parti. L’AfD signe cette année-là un succès historique, décrochant 12,6% des voix au scrutin législatif… mais il est divisé entre deux ailes: la «modérée», représentée par la coprésidente Frauke Petry, et une aile «dure», qu’incarne son colistier Alexander Gauland, septuagénaire empêtré dans un tollé à la suite de son hommage aux «performances des soldats allemands durant la Deuxième Guerre mondiale». A la croisée des chemins, le parti choisit la radicalité. Frauke Petry, qui qualifiait ces propos d'«horrifiants» quitte l’AfD. Alexander Gauland en prend la coprésidence et Alice Weidel rejoint son comité directeur.
«Voulez-vous vous laisser faire comme ça? Pas moi»
Personnalité ouvertement lesbienne dans un parti régulièrement dénoncé pour son homophobie, la politicienne n’intègre pas seulement l’AfD «dure», elle contribue à la modeler. Son ouvrage de «pensées personnelles», Widerworte: Gedanken über Deutschland («contredire: pensées sur l’Allemagne»), sorti en 2019, donne le ton. «Voulez-vous vous laisser faire comme ça? entame l’incipit. Pas moi.» Le pamphlet qui appelle à «monter aux barricades» estime que «l’AfD est vraisemblablement la dernière chance qu’il nous reste pour que l’Allemagne reste l’Allemagne». Alice Weidel y défend qu’après avoir «fui l’identité allemande» au sein d’une «super-identité européenne» après les crimes de la Seconde Guerre mondiale, il est temps pour son pays de retrouver sa fierté nationale.
Ses adversaires sont nombreux: la gauche qui, estime-t-elle, «promeut l’immigration car elle offre un substitut aux masses révolutionnaires ayant disparu des classes moyennes, pour conduire la révolution du prolétariat sur la société bourgeoise»; les musulmans, qu’elle accuse de faire monter l’insécurité et l’antisémitisme; les étrangers «oisifs» qui se royaument au social; l’écologisme «moralisateur» qui met en danger l’industrie allemande; le «cartel politico-médiatique», qui «étouffe les voix discordantes» et Angela Merkel, sa tête de Turc, qui a selon elle plongé le pays dans un «règne du non-droit» en ouvrant ses frontières aux Syriens en 2015.
L’Union européenne, «super-Etat» dirigé par des bureaucrates «dont le salaire est grandement payé par les contribuables allemands» en prend également pour son grade. Pour «rétablir l’ordre et la souveraineté nationale», elle réclame la fermeture des frontières, une réduction massive des impôts, des aides sociales et du nombre de bureaucrates, une libéralisation maximale du marché, une «réparation» du système scolaire «pour qu’il s’axe sur la performance et non les opinions», l’abandon des sanctions contre la Russie et, s’inspirant de la Suisse, la sortie de la zone euro («avec le retour du deutsche mark, l’Allemagne pourrait être une Suisse 2.0») et «davantage de démocratie directe».
L’AfD dans toutes les têtes
«La conception suisse de la démocratie est une source d’inspiration importante et influente, non seulement pour moi, mais aussi pour le programme de l’AfD, précise-t-elle au Temps. Cela concerne notamment la position forte du souverain, des électeurs, dans la participation démocratique, la législation et le contrôle de l’exécutif.» La politicienne loue également l’absence en Suisse d'«Office fédéral de la protection de la Constitution (OFPC)», «un service de renseignement intérieur subordonné à l’exécutif, instrumentalisé pour diffamer l’opposition, l’entraver dans la compétition démocratique et rendre ainsi plus difficile l’alternance démocratique au pouvoir».
Ennemi juré de l’AfD, l’OFPC a récemment catégorisé d'«extrême droite» plusieurs branches régionales de l’AfD – désormais sous surveillance, alors que se pose la question de leur interdiction: celles de Saxe-Anhalt, Saxe et Thuringe. Or, il ne s’agit pas de n’importe quels Länder, puisque outre les élections européennes prévues en juin, l’Allemagne retient son souffle concernant le résultat de deux scrutins organisés en septembre en Saxe et en Thuringe, où l’AfD pourrait signer une percée historique (30% d’intentions de vote en Saxe). A moins que le parti ne soit allé trop loin.
Début janvier, des cadres de l’AfD participaient en effet à une «rencontre» organisée à Potsdam lors de laquelle le «déplacement» en Afrique du Nord de jusqu’à 2 millions de «demandeurs d’asile, d’étrangers avec des titres de séjour et d’Allemands d’origine étrangère non assimilés» était évoqué. Un scandale majeur en Allemagne, qui a suscité de larges manifestations et poussé Alice Weidel, devenue coprésidente du parti en 2022, à se séparer de son conseiller personnel, Roland Hartwig, qui a participé au sommet.
Défendu par les mouvements identitaires – notamment Junge Tat en Suisse – le concept de «remigration» évoqué lors de cette réunion n’est pas pour autant devenu un gros mot pour Alice Weidel: «Ma position n’a pas changé, dit-elle au Temps. Il faut renvoyer dans leur pays d’origine les étrangers en situation irrégulière, les délinquants ou ceux qui n’ont plus besoin de protection. Cela ne signifie rien d’autre que l’application du droit. Si cet agenda est regroupé sous le mot «remigration», je n’ai aucun problème avec ce terme.» Et il semble que nombre d’Allemands non plus.
«L’AfD a franchi certaines limites»
Malgré l’outrage suscité par la «réunion de Potsdam», des élections complémentaires tenues le 12 février à Berlin indiquent en effet que l’AfD n’a rien perdu de son attrait, puisque le parti, même au sein de la capitale fortement marquée à gauche, vient d’enregistrer un bond de 5,6%. Jusqu’en juin (élections européennes), puis en septembre (élections régionales), il peut cependant se passer beaucoup de choses.
«L’AfD a une image beaucoup plus extrême en Allemagne, où elle ne profite pas des décennies d’expérience politique au plus haut niveau de l’UDC, commente Isabel Pfaff, correspondante en Suisse pour la Süddeutsche Zeitung. Contrairement à l’UDC, dont le discours devient pourtant aussi de plus en plus radical, l’AfD a franchi certaines limites que la droite nationaliste suisse continue de respecter. L’évocation du renvoi des titulaires d’un passeport national «non intégrés» par exemple.»
Imperméable aux polémiques, Alice Weidel et son parti poursuivent cependant leur ascension, et rien ne semble pouvoir les arrêter. Dans un entretien avec la Weltwoche en 2019, la Schwytzoise d’adoption estimait «réaliste» que le parti entre «un jour» à la Chancellerie. Sans écarter sa propre candidature.
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