Il n’y a jamais eu de gouvernement plus parisien que celui choisi par Emmanuel Macron [sur proposition de Gabriel Attal]. Dix de ses 15 ministres vivent dans la capitale, alors même que Paris et son agglomération ne représentent que 18 % de la population. Le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, député [de la 10e circonscription des Hauts-de-Seine], est parisien. J’ai habité dans sa circonscription pendant un certain nombre d’années. Il faisait un travail correct, et lorsqu’il était en campagne je prenais parfois un prospectus de l’un de ses sous-fifres. Ces derniers ressemblaient beaucoup à Attal : même âge, même éducation, même confiance en soi.
Fossé avec la France périphérique
Je ne suis plus parisien. L’année dernière, j’ai déménagé en province, dans un coin tranquille de Bourgogne. Je suis seulement à une heure de train de Paris, donc ce n’est pas la France profonde* ; c’est plutôt la France périphérique*, une expression forgée par [le géographe] Christophe Guilluy dans son livre de 2014. Il décrit cette France comme celle de la classe ouvrière blanche, qui a souvent déménagé des villes vers la campagne proche. Une minorité l’a fait de son plein gré, mais beaucoup y ont été obligés parce qu’ils n’avaient plus les moyens de vivre dans la ville “mondialisée et boboïsée”. Ce qui nourrit un ressentiment vis-à-vis des “classes dirigeantes”, qui au dire de Guilluy “n’ont toujours pas pris la mesure du gouffre idéologique et culturel qui les sépare désormais des classes les plus modestes”.
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Certains commentateurs de gauche ont attribué les émeutes de l’été dernier à l’abandon des banlieues par l’État. L’argument était fallacieux. Par comparaison avec la France périphérique*, les banlieues de la République fourmillent de bus, de médecins, de dentistes, d’équipements sportifs pour les jeunes qui s’ennuient. Elles comptent aussi beaucoup de policiers, ce qui n’est pas le cas dans les campagnes depuis que les Républicains de Nicolas Sarkozy – qui se targuaient d’être le parti de l’ordre et de la sécurité – ont dégraissé dans les effectifs de la gendarmerie il y a quinze ans. L’agriculteur et sa femme sont des gens admirables, ils sont le sel de la terre, au même titre que l’entrepreneur. L’homme fait des travaux chez moi, si bien que nous bavardons de temps en temps autour d’un café. Il a mon âge et il m’explique à quel point la ville proche a changé depuis son enfance. Il n’y a plus de respect de l’autorité: voyous et trafiquants de drogue ont le sentiment, assez à juste titre, que la justice est plus de leur côté que de celui de la police.
Dans les médias anglo-saxons, les partisans de Le Pen sont caricaturés de manière un peu facile comme des fous furieux, obsédés par l’immigration et l’islam. Ces questions les préoccupent, effectivement, mais ce qui les inquiète le plus, c’est la baisse de leur niveau de vie, le délitement du système de santé et le laxisme des autorités vis-à-vis de la délinquance.
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