Bobigny : Dans les procès des petites mains de la drogue, « La main-d’œuvre (clandestine) est quasiment infinie » selon une policière

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« Le Monde » a suivi pendant plusieurs semaines les audiences de ce tribunal de Seine-Saint-Denis. Les affaires de stupéfiants s’enchaînent sans répit, illustrant la difficulté, pour la justice et la police, de lutter contre des organisations criminelles structurées sur le modèle de l’économie légale.

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Ce sont des sans-papiers qui n’ont rien, rien à perdre non plus, pas d’avocat, pas de soutiens, et que les dealeurs sacrifient sans scrupule pour leurs profits ou leur sécurité. Ce sont surtout tous ces jeunes hommes prêts à « taffer », « charbonner », « bicraver », avec la promesse de percevoir entre 50 et 150 euros par jour selon les postes, les sites, les âges. Eux visent au mieux les Nike Air, pas les Louboutin. Parfois aussi, plus prosaïquement, le garde-manger familial. « La main-d’œuvre est quasiment infinie », souligne Alice Dubernet, cheffe de la division criminalité organisée au parquet de Bobigny.

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Nous sommes dans la cité Charles-Schmidt, une place forte du cannabis et de la cocaïne à Saint- Ouen. Abdoulkarim D. est rechargeur. Horaires : « Midi-minuit. » Tarif: 700 euros par semaine. Son cousin, « Mamadou », lui a dégotté une place et approvisionne les vendeurs. « J’ai vendu avant, quand j’étais à Reims [Marne], la paie n’avait rien à voir. » Dans ses messages vocaux, la veille de son interpellation, il disait sa satisfaction à des amis : « J’ai une petite mission là-bas, à Saint-Ouen. Je viens de charbonner, gros. Mon gars, je suis au top, tout se passe carré. » Raté : les forces de l’ordre le contrôlent le lendemain. Trente grammes de cannabis. Huit mois de prison avec sursis.

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La police et la justice n’ont pas retrouvé l’argent des bénéfices. Déjà investi au Maroc ou en Algérie ? Le chef du réseau, Samir A., a été arrêté le matin même du jugement à l’aéroport d’Orly, alors qu’il tentait de s’enfuir à l’étranger avec des faux papiers. Il a été condamné à neuf ans de prison et 600 000 euros d’amende. Quelques jours plus tôt, la présidente du tribunal avait interrogé un de ses lieutenants, Mohand B., gérant à 3 500 euros par mois d’une supérette G20 aux Francs-Moisins, père de trois enfants entre 6 et 10 ans, déjà condamné à dix reprises, notamment pour des faits de violence.

  • « – Vos enfants, qu’est-ce que vous leur avez dit pendant votre détention provisoire ?, avait demandé la présidente.
  • – Que j’étais parti au bled.
  • – Et pour cette semaine de procès ?
  • – Que j’avais beaucoup de travail. »

Vendredi 22 décembre 2023, un peu après 22 heures, dans le brouhaha d’une salle d’audience remplie de ses soutiens – tous des hommes, Mohand B. a été condamné à six années de prison. La loi du silence jusque dans les familles.

Le Monde

 

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