Un système d’immigration qui appauvrit le pays ? Oui, les libéraux l’ont fait.

 

Un texte d’opinion de Tony Keller (ci-contre) publié hier dans le Globe and Mail.

Ce ne sont que des mathématiques. Et le résultat de l’équation est un nombre négatif.

Grâce à la politique du gouvernement Trudeau consistant à offrir un nombre virtuellement illimité de visas d’étudiant et de permis de travail temporaire à des étrangers, la population du Canada a augmenté à un rythme record l’année dernière — cinq fois et demie plus vite que la moyenne des pays développés. Une conséquence bien connue a été la pression à la hausse sur les coûts du logement, en particulier au bas de l’échelle, dans les logements locatifs. Une conséquence moins remarquée a été la baisse du produit intérieur brut par habitant.

Il a chuté pendant cinq trimestres consécutifs. Lorsque les chiffres du quatrième trimestre 2023 seront publiés, il est presque certain qu’il s’agira de six trimestres négatifs.

Ottawa a précipité le pays dans un piège appelé « piège démographique ». C’est la conclusion de l’économiste en chef de la Banque Nationale du Canada, Stéfane Marion. Le piège démographique est une situation malheureuse que connaissent les pays pauvres ayant un taux de natalité très élevé. Ce phénomène était inconnu dans les pays développés. C’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui au Canada.

La croissance démographique du Canada par le biais de l’immigration a été si forte qu’elle a dépassé l’épargne du pays et sa capacité à investir dans de nouveaux biens d’équipement. En clair, le nombre de convives invités à dîner augmente plus vite que notre capacité à acheter les ingrédients et à les préparer. Il en résulte une diminution de la part du dîner distribué à Canadien, une baisse du PIB par habitant et une baisse du niveau de vie.

Ce n’est pas parce que l’immigration est, par nature, une mauvaise chose. Si elle est bien gérée, c’est une bonne chose. Et le Canada avait l’habitude de bien gérer l’immigration. Mais le gouvernement Trudeau s’est obstiné à gérer l’immigration de façon très, très mauvaise. Il élabore une politique pour un monde imaginaire où les communiqués de presse pieux priment, mais pas les performances économiques. Admirez les résultats.

Il est concevable de concevoir un modèle d’immigration dont le bilan serait largement positif. Mais ce n’est pas le cas du Canada aujourd’hui.

Au cours des quatre trimestres précédant l’automne 2023, le Canada a ajouté plus de 1,2 million de personnes. Au cours du dernier de ces trimestres, le pays a ajouté 430 000 personnes. Le boom démographique s’accélère, il ne ralentit pas. La plupart des nouveaux arrivants sont des travailleurs temporaires. Certains ont été recrutés à l’étranger, principalement pour des emplois mal rémunérés. D’autres arrivent dans le cadre de l’explosion du programme de visas pour étudiants, qui est devenu une voie vers la citoyenneté pour le prix d’une année ou deux de frais de scolarité, souvent dans des pseudo-écoles que même le ministre fédéral de l’immigration, Marc Miller, qualifie d’« usines à chiots ».

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Trudeau a presque doublé le nombre de résidents permanents accueillis par le Canada, qui était d’environ un quart de million de personnes par an à la fin du gouvernement Harper. Mais ce n’est pas le chiffre le plus important. Il existe une filière d’immigration parallèle qui a pris beaucoup plus d’ampleur que le système traditionnel. À l’automne dernier, le Canada comptait plus de 2,5 millions de résidents temporaires, soit une augmentation de plus de 1 000 % depuis le début du siècle.

L’immigration canadienne a longtemps été un modèle pour le monde entier. Elle reposait sur la sélectivité du système de points. La plupart des immigrants étaient sélectionnés pour leur niveau d’éducation et de compétences supérieur à la moyenne ; l’objectif était d’accueillir des immigrants plus éduqués, qui gagneraient des salaires plus élevés que le Canadien moyen. Cela tendrait à augmenter le PIB par habitant. Tout le monde y gagnait.

À la place, on a mis en place un système destiné à faciliter l’arrivée, par le biais de visas temporaires, d’un nombre pratiquement illimité de travailleurs peu qualifiés, pour occuper des emplois mal rémunérés. Même aujourd’hui, alors que le chômage est en hausse.

Si c’est ce que veulent vraiment les libéraux, qu’ils le fassent. Mais les choix ont des conséquences. Un système d’immigration visant à attirer un grand nombre de travailleurs peu qualifiés, plutôt qu’un petit nombre d’immigrants très qualifiés, peut permettre d’obtenir facilement un repas Uber Eats à n’importe quelle heure de la journée. Mais il ne favorise pas une économie à forte productivité, à salaires élevés et à faibles inégalités. C’est tout le contraire qui se produit.

 Demander aux universités et aux établissements d’enseignement supérieur du Canada (en particulier ceux de l’Ontario, où, entre 2000 et 2022, le nombre d’étudiants étrangers a presque décuplé pour atteindre 412 000) d’augmenter leurs revenus en vendant des permis de travail et une chance d’obtenir la citoyenneté n’est pas non plus sans conséquences.

Elle a permis à des provinces comme l’Ontario de réduire le soutien des contribuables à l’enseignement supérieur. Mais elle a conduit à un boom démographique sans précédent, composé de personnes qui, dans de nombreux cas, ne reçoivent pas beaucoup d’éducation et dont l’inscription n’est en tout état de cause qu’un moyen d’obtenir un permis de travail et l’espoir d’obtenir la citoyenneté. Ce phénomène pervertit une partie du système éducatif, tout en réduisant la richesse nationale.

Un autre résultat probable de la politique actuelle ? Un phénomène qui agite depuis longtemps les politiques des États-Unis et de l’Europe, mais auquel le Canada n’a jamais eu à faire face : une importante population de non-citoyens qui n’ont pas l’intention de partir, quel que soit leur statut juridique.

Le gouvernement Trudeau est en mesure de régler tout cela, mais alors que les problèmes se sont multipliés, il a choisi sa voie habituelle : l’inaction. Il s’est contenté de brasser de l’air et d’utiliser Twitter, sans rien faire. Le week-end dernier, M. Miller a donné une série d’interviews télévisées, menaçant de faire quelque chose d’indéfini « au cours du premier trimestre ou du premier semestre » de cette année. Peut-être.

                 Source : Globe and Mail

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