Comment les narcotrafiquants utilisent des immigrés sud-américains et des labos clandestins en Europe pour récupérer la drogue camouflée dans des produits courants

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Histoire de limiter tout de même les pertes, les exportateurs font appel à la science pour faire voyager la drogue sous des formes indétectables, au moyen de prouesses chimiques qu’eux seuls maîtrisent. Ainsi, en dehors du sucre déjà évoqué, les enquêtes révèlent que la cocaïne extra pure peut être cachée « chimiquement » dans des matériaux comme le plastique, le charbon de bois ou du linge i imbibé. Elle risque d’autant moins d’être découverte que les experts des cartels ajoutent des « locks » (clés chimiques) dans le processus de dissimulation : si on ne connaît pas les substances à utiliser pour « récupérer » la drogue, celle-ci reste indétectable.

Pareilles manipulations obligent les chimistes à s’enfermer dans des laboratoires semblables à ceux retrouvés dans la jungle colombienne, par exemple le modelo tanque, utilisable le temps d’une « session » avant d’être démonté. « Dans les labos démantelés aux Pays-Bas, en Belgique et en Espagne, on a trouvé des citoyens de République dominicaine, du Honduras de Colombie, détaille Laurent Laniel, analyste à l’OEDT. Ils sont les garants, voire les otages, de ceux qui veulent
l’extraire, car ils sont les seuls à maîtriser le processus. » En 2021, 34 de ces labos ont été démantelés par les polices européennes, contre 23 l’année précédente. Le 27 janvier, c’est dans un village de l’Aisne, Bohain-en-Vermandois, que les policiers français ont eu la surprise de découvrir un tel laboratoire. A l’intérieur, deux Colombiens venus d’Espagne pour élaborer des produits de coupe et conditionner près de 100 kilos de pains de cocaïne.

Le 13 avril, dans la campagne galicienne, dans le nord-ouest de l’Espagne, la police espagnole est tombée, pour sa part, sur un hangar où plusieurs équipes de « cuisiniers » se relayaient « H 24 ». Bilan de la saisie : 151 kilos de poudre, mais aussi 1,3 tonne de cocaïne base, et plus de 23 000 litres de précurseurs divers, permettant la production de 200 kilos de drogue par jour. D’après les premiers éléments de l’enquête, cette structure serait le fruit d’un projet collaboratif entre une organisation mexicaine – responsable de l’extraction, du transport et de l’expertise technique – et une colombienne chargée de fournir les chimistes. A ce jour, il s’agit du plus important laboratoire découvert en Europe. Ces « expats » sud-américains sont, avant tout, des ouvriers… « Ils ont un haut niveau dans leur spécialité, mais un bas niveau dans la hiérarchie du groupe, dit un membre d’Europol. Ils sont envoyés en échange d’argent, mais peut-être également sous la menace. Et les groupes européens peuvent aussi vouloir les recruter à leur tour. » La présence de ces émissaires ne se limite donc pas aux zones portuaires et aux fermes isolées. « En 2022, on les a retrouvés jusqu’à Bruxelles », confie Eric Snoeck, directeur général de la police fédérale belge.

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Le Monde

 

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