Si le principe de la neutralité carbone en 2050 est désormais ancré dans la loi, la presse helvétique s’interroge sur les moyens d’y parvenir, qui ne sont pas définis dans la loi approuvée ce dimanche

La loi est approuvée, mais pas d’euphorie. La presse suisse, à l’image du Blick, salue avec circonspection, le «oui bon marché» à la loi sur le climat, approuvée par plus de 59% des votantes et votant ce dimanche. Car le texte, qui cimente l’objectif d’une neutralité carbone en 2050, «approuvé hier par le peuple suisse n’a vraiment rien d’ébouriffant. Mais c’est un premier pas», analyse la Tribune de Genève. «Un petit pas dans la bonne direction», complète Le Quotidien Jurassien.

Pourtant, tous journaux s’accordent pour dire que ce ne sera pas suffisant. Jugeant la loi «timide», l’Aargauer Zeitung note que «de nombreux cantons connaissent des mesures plus efficaces qu’un programme de subventions publiques pour les propriétaires».

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S’il a su «convaincre le peuple helvétique par son pragmatisme», ce «contre-projet indirect à l’initiative pour les glaciers, n’empêchera pas ces derniers de continuer à fondre», [constate _La Liberté_](https://www.laliberte.ch/news/suisse/editorial-pour-le-climat-il-faudra-surmonter-nos-contradictions-692738)_. «_Car si ses intentions sont nobles, elles ne sauraient suffire à contrecarrer le réchauffement climatique.» Même ton dans [la _Südostschweiz_](https://www.suedostschweiz.ch/politik/zum-klimaschutzgesetz-graubuenden-blickt-ueber-den-tellerrand-hinaus): «des hivers chauds, peu de neige, des étés chauds, des intempéries plus violentes, […] nous assistons tous à cette évolution depuis bien trop longtemps sans réagir». Le journal grison ajoute que, «dans le meilleur des cas, il est encore possible d’en atténuer les conséquences».

En outre, le score du oui n'est pas si marqué, [selon 24 Heures](https://www.24heures.ch/climat-un-petit-oui-pas-tres-rassurant-284149356978). «Moins de 60% de votes positifs pour une loi «carotte» qui caresse le porte-monnaie dans le sens du poil plutôt que de le hérisser, c’est loin d’être un blanc-seing pour les camps gagnants.» Et le quotidien vaudois de s’inquiéter du caractère «ennuyeux» des trains de mesures proposés. «Pour précipiter les gens aux urnes sur la question, on repassera». Or, «l’objectif de la neutralité carbone ne peut pas se contenter de chiffres apocalyptiques, anxiogènes et d’un vocabulaire jargonneux».

### Il faudra «adopter une politique davantage coercitive»

Et pourtant, selon la _Tribune de Genève_, la loi a habilement évité les mesures qui fâchent: «il suffisait presque, pour passer du non au oui, d’enlever les taxes prévues dans la loi CO₂ refusée en 2021». «Recevoir de l’argent au lieu d’en dépenser»: [le _Tages-Anzeiger_](https://www.tagesanzeiger.ch/klimaneutralitaet-dann-muss-es-jetzt-schmerzen-101817820489)résume lui aussi en une formule le résultat de la votation. Les subventions introduites «ne font de mal à personne (du moins à première vue)». Pourtant, «si la Suisse est sérieuse», «des mesures douloureuses pour de larges groupes doivent suivre», estime le quotidien alémanique. Plusieurs journaux, comme _La Liberté,_ jugent par exemple qu’il faudra à terme «adopter une politique davantage coercitive, notamment selon le principe du pollueur-payeur».

Selon le site [Republik](https://www.republik.ch/2023/06/18/adieu-lahmarschigkeit), cité par Keystone-ATS, la loi n'a d'ailleurs été acceptée que parce que le parlement a pris soin d'éviter de fâché "tous les groupes d'intérêts potentiellement rebelles, comme les paysans ou les automobilistes. Et qu'il s'est acheté l'approbation générale au moyen de milliards de subventions".

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«Le gouvernement a vendu [à la population] le chemin vers la neutralité climatique comme une promenade de santé», s’insurge, plus virulente, [la _Neue Zürcher Zeitung_](https://www.nzz.ch/meinung/ja-zur-klimaneutralitaet-die-schweiz-hat-jetzt-ein-ziel-aber-die-falsche-strategie-ld.1743038) qui craint que la Suisse ne devienne «championne du monde des effets d’annonce». Le réflexe serait en effet désormais de sombrer dans l’autocongratulation, «une fois l’objectif fixé, on se sent bien pendant un court laps de temps».

[_Le Courrier_](https://lecourrier.ch/2023/06/18/essai-a-concretiser/) partage cette prémisse: «la tentation sera maintenant de penser que tout est réglé, alors que tant reste à faire». Mais, là où le quotidien libéral zurichois fustige le choix d’agir par le biais de subventions étatiques, condamnant les fausses «promesses» d'«une économie éco-planifiée» qui marquerait «la fin d’une Suisse libérale», le journal de gauche genevois appelle à «un rôle accru de l’Etat pour piloter [le] changement en lieu et place de la soi-disant main invisible des marchés». Pour _Le Courrier_, le constat est clair: «l’extension perpétuelle du capitalisme bute désormais sur la finitude géographique de notre planète.»

A l’inverse, la _NZZ_ affirme que «les plus grands succès en matière de politique climatique ont été obtenus grâce aux instruments de l’économie de marché». Elle poursuit son raisonnement en faisant appel à la «responsabilité individuelle» pour agir contre le changement climatique, non uniquement parce qu’on «reçoit l’argent de la collectivité», mais «par conviction intime».

Plus modérée, l’_Aargauer Zeitung_ considère qu’avec cette loi la Suisse «s’engage pour l’instant sur une voie sans interdictions ni taxes [qui] peut aussi être interprété comme une prise de responsabilité individuelle».

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### La question du nucléaire

Toujours est-il que «les négociations politiques difficiles ne font que commencer», selon le _Tages-Anzeiger_. Car si l’engagement des accords de Paris sur le climat dispose désormais d’une «légitimité démocratique», «la nouvelle loi n’est qu’un cadre» qui «fixe des objectifs» sans définir de voie à suivre. Le quotidien alémanique appelle en conséquence à une discussion la plus large possible, notamment au sujet du «rôle du nucléaire, neutre en termes de CO₂», qui doit être abordé «sans idéologie». [La _Neue Zürcher Zeitung_](https://www.nzz.ch/schweiz/exponenten-von-svp-und-fdp-fordern-nach-ja-zum-klimaschutz-neue-atomkraftwerke-ld.1743150) rappelle par ailleurs que des élus UDC et PLR ont d’ores et déjà appelé à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Une idée qui fait partie des «vieilles recettes éculées», selon _Le Courrier._

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_Le Courrier_ relève tout de même l’importance historique des votations de ce 18 juin 2023 à ses yeux. En y incluant le plébiscite du taux d’imposition minimal de l’OCDE de 15% pour les grandes entreprises, il écrit que «les résultats des scrutins fédéraux de ce week-end […] s’inscrivent dans une révolution copernicienne. Ils portent sur des propositions qui semblaient relever de l’utopie il y a encore quelques années».

Une chose est certaine, conclut l’_Aargauer Zeitung_, se satisfaisant d’une victoire a minima, «un non aurait été plus néfaste pour la protection du climat que le oui n’a de valeur pour celle-ci».

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