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Une étude a été menée en 2020 sur les réponses données par 2 999 primo-immigrants hors de l’Union européenne : 35,91 % d’entre eux déclaraient un trouble psychique (stress post-traumatique, angoisses, épisodes maniaques, dépression, etc.). À titre de comparaison, selon la direction de la recherche, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé (Drees), une personne sur dix seulement en France déclare avoir reçu un diagnostic pour troubles psychiatriques ou psychologiques au cours de sa vie. Les migrants qui arrivent par des voies illégales sont probablement plus souvent encore en état de détresse psychique, compte tenu de leur parcours par définition mouvementé.
Interpellé en situation irrégulière, un déséquilibré sera rarement reconduit à la frontière, pour plusieurs raisons. Il peut venir d’un des nombreux pays (Maroc, Algérie, Afghanistan, Soudan, etc.) qui délivrent très difficilement les laissez-passer consulaires nécessaires pour exécuter une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il faut également tenir compte d’une spécificité française, le droit au séjour des étrangers malades, ou Dasem. Il permet d’obtenir un titre de séjour et la prise en charge d’un traitement qui ne serait pas disponible à des conditions économiques supportables dans le pays d’origine. En d’autres termes, un trouble psychiatrique sévère grave n’est pas un motif d’expulsion, mais de soins gratuits. Le système est tellement généreux que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), dépendant du ministère de l’Intérieur, a repris la main en 2016 sur les examens médicaux des prétendants au Dasem, jusque-là confiés aux agences régionales de santé. Le taux d’acceptation des dossiers pour pathologies psychiatriques est instantanément tombé de 25 % à 17 %.
Sisyphe psychiatre
Le Dasem serait tout à l’honneur de la France si l’intendance suivait. Selon un psychiatre interrogé par Le Point, exerçant dans un centre médico-psychologique (CMP) d’Île-de-France, ce n’est plus le cas. Le nombre de migrants présentant des troubles mentaux menace de faire craquer un système pourtant robuste. Entre les CMP, l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris, les dispensaires des ONG et le centre psychiatrique d’orientation et d’accueil (CPOA) de Sainte-Anne (ouvert 7/7, 24 h/24 h), Paris est correctement équipé, dans une France sous-dotée en matière de soins psychiatriques. « On serait au gabarit pour nos missions s’il n’y avait pas autant de migrants », explique ce psychiatre.Il évoque quelques cas concrets. Un jeune Marocain est envoyé au CMP par une ONG. « Soi-disant mineur. On a fait semblant d’y croire. Il était en plein délire mystique. Mis sous antipsychotiques, il a cessé de parler d’Allah, mais il continuait à délirer. » Le jeune homme ne se souvenait même pas de son nom. Une soignante a eu l’idée de le mettre devant Facebook. Ses identifiants lui sont revenus ! Le CMP a retrouvé sa famille au Maroc. Elle était sans nouvelle depuis des années. Hélas, « le Maroc refuse de le reprendre ! se désole le psychiatre. Ils prétendent qu’il n’est pas marocain. Comme il n’a pas de papier, il n’a pas eu de place en foyer. Il est retourné à la rue. Au bout de trois mois, il est revenu dans un autre CMP, puis il est parti à nouveau à la rue. À part la prison, je ne vois pas d’issue ».
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