RTS - Forum 22.04.2023: Quand les médias parlent climat, les lecteurs seraient tentés de regarder ailleurs. Les articles qui relatent les projections climatiques, ou des menaces futures, comme la fonte des glaciers, sont surtout susceptibles de susciter du déni et de démobiliser. C'est le constat d'une étude de l'Université de Lausanne, entre Sciences sociales et Géosciences.
Interview de la coautrice de la recherche Marie-Elodie Perga, professeure à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre de l'Université de Lausanne.
RTS: Votre étude montre que les médias relaient mal les études scientifiques?
MEP: Au cours des cinq dernières années, la couverture médiatique sur les questions du climat a considérablement augmenté (ndlr: début de l'hystérie généralisée dans nos médias et année de l'engagement de MEP en tant que prof à l'UNIL).
Et c'est quelque chose, une très bonne chose à souligner euh, euh... un très bon point. Ce que nous avons regardé, c'est quelles sont les informations, ou quels articles scientifiques, les résultats de recherche scientifiques, qui sont sélectionnés pour être médiatisés. Ce que nous on montre, en fait, c'est que euh, euh, bien sûr, il y a énormément d'articles scientifiques qui sont publiés chaque année, près de 50'000 (!), et il est nécessaire de sélectionner, bien évidemment, on ne peut pas tout médiatiser. Par contre...
RTS: Et ces articles qui sont sélectionnés, ils ne pressent pas sur les bons boutons? Ils démobilisent plutôt que de mobiliser?
MEP: L'information qui est relayée, elle est extrêmement monolithique. Parmi la diversité des disciplines de recherche qui s'attellent aux enjeux climatiques, celles qui sont préférentiellement sélectionnées pour être médiatisées, ce sont celles qui concernent les changements actuels, ou les changement d'ici à la fin du siècle, de composantes naturelles du système Terre: la fonte des glaciers, le réchauffement des eaux de surface…
Par contre, toutes les recherches qui concernent la sociologie, la politique, la philosophie, l'agriculture, la technologie, tendent à être écrémées par le processus de sélection médiatique.
RTS: Comment ça se fait qu'on ait un focus sur les projections plutôt à long terme, plutôt anxiogènes?
MEP: En fait, ce n'est pas uniquement la, j'allais dire, la raison, ce n’est pas uniquement les médias. C'est tout un ensemble de processus, c'est que les médias ne peuvent relayer déjà que les informations qu'ils reçoivent. Et ça, ça vient des grandes revues scientifiques ou même des offices de presse des académies ou des grandes universités, qui ont déjà à la base ces processus de sélection. Les grandes revues soi-disant plus prestigieuses en sciences sélectionnent déjà ce type de recherches qui favorisent (= se concentrent sur) les changements à l'échelle planétaire jusqu'à la fin du siècle de grands composants du système terrestre.
RTS: Donc c'est aussi une remise en question du système scientifique, et une remise en question pour les revues scientifiques?
MEP: Absolument! C'est une remise en question un peu pour tout le monde. Donc, on peut faire beaucoup mieux. Pour le moment, en relayant cette information monolithique, il est crucial de bien évidemment être très objectif sur les changements qui sont en cours et qui sont à venir, c’est une information qui est très importante, mais ça ne peut pas être la seule. Il faut, pour pouvoir remobiliser l'attention du public, diversifier cette information - puisqu'en plus elle existe, elle est là - pour montrer quels sont les changements locaux, qui se produisent près de chez nous, parce que cela réduit la distance émotionnelle; ceux qui se produisent dans un futur proche, les changements sociologiques, les changements politiques, les enjeux psychologiques, les changements technologiques, avoir un relais d'information qui soit beaucoup plus basé sur la solution (ndlr: des taxes? des lois plus contraignantes? des lois liberticides?), puisqu'il y a énormément de choses qui sont testées, pour plus de diversification.
RTS: Pour que ce soit plus diversifié, plus concernant.
Résumé, commentaires: Carla Montet
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