Nucléaire et réchauffement climatique : des idées reçues à déconstruire

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Certains prophètes de l’apocalypse, incluant des politiciens, déclarent que le nucléaire ne serait pas compatible avec le réchauffement climatique car les centrales consommeraient trop d’eau et réchaufferaient exagérément les rivières.

Or c’est faux.

 

Ni consommation, ni réchauffement excessif

Les réacteurs nucléaires eux-mêmes ne consomment pas directement de l’eau.

Les centrales nucléaires (comme toutes les centrales thermiques fonctionnant au gaz, au charbon, ou avec de la biomasse) empruntent, pour l’essentiel, de l’eau quelques minutes pour refroidir les condenseurs des turbo-alternateurs sur la partie « classique » du site. Cette eau est restituée quelques dizaines de mètres plus loin avec (pour 30 réacteurs sur 56) un prélèvement de moins de 0,2% du débit d’un cours d’eau qui est transformé en vapeur.

De plus, les réacteurs nucléaires réchauffent très peu l’eau des rivières et des fleuves après dilution (quelques dixièmes de degrés à 2°). Et si, exceptionnellement, ce réchauffement devait dépasser les normes fixées en été, par canicule, alors les réacteurs peuvent abaisser temporairement leur puissance. Mais cette adaptation influe peu sur la production annuelle d’électricité, ou pas du tout certaines années.

 

Le Rhône

Avec un débit moyen annuel de 1700 m3 par seconde (m3/s) à son embouchure, le Rhône est le fleuve français métropolitain le plus puissant et le plus abondant. Il fait partie des grands fleuves européens. En août, son débit moyen reste supérieur à 1000 m3/s, avec un plus bas relevé à 550 m3/s.

Or, sur son cours, le prélèvement dû à l’évaporation des 12 réacteurs nucléaires fonctionnant simultanément atteindrait au maximum 6 m3/s… Il y a encore de la marge !

Mais, selon une étude de l’Agence de l’eau publiée début mars 2023, les précipitations pourraient se faire plus rares, avec des périodes de sécheresse plus longues entraînant un débit des fleuves qui devrait diminuer de façon marquée (de 20 à 30 % d’ici à 2050), prolongeant les périodes d’étiage.

Laurent Roy, directeur général de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, indique dans cette étude que :

« Le Rhône restera à moyen terme un fleuve puissant, avec des débits en général élevés, mais il n’échappe pas à la question du partage de la ressource en eau ». Il déclare également que « Sous l’effet du réchauffement climatique, le fleuve Rhône ne peut plus être géré comme une ressource inépuisable. La recherche de pratiques plus sobres et la lutte contre les gaspillages sont utiles pour l’avenir ».

 

L’eau et le nucléaire

Le refroidissement des 56 réacteurs nucléaires en France fonctionne selon deux modalités différentes :

Une petite moitié des réacteurs (26) fonctionnent en « circuit ouvert » sans tour de refroidissement (aéroréfrigérant). Dans ce cas, un réacteur à pleine puissance « prélève » temporairement (plus exactement il dévie pendant quelques dizaines de mètres) de 50 à 60 m3/s d’eau selon la puissance du réacteur. Mais il faut insister : 100 % de cette eau « prélevée » (en fait « déviée ou « empruntée ») retourne directement quelques minutes plus tard dans la mer ou dans des fleuves dont le débit de plusieurs centaines de m3/s est toujours très supérieur à leurs besoins même en cas de sécheresse exceptionnelle.

Une autre grosse moitié des réacteurs (30) fonctionnent en circuit « presque fermé ». Ces centrales qui disposent de réacteurs associés à une ou deux tours aéroréfrigérantes vont « vaporiser » de 2 m3/s (cas de la centrale de Civaux sur la Vienne dont le débit moyen est de 200 m3/s) à 5 m3/s pour les centrales installées sur les grands fleuves comme le Rhône.

 

Les aéroréfrigérants permettent de relâcher l’essentiel de la chaleur dans l’air via la vapeur produite (environ 1 m3/s d’eau par aéroréfrigérant qui constitue le panache blanc au-dessus des tours). Le reste de l’eau non évaporée et rafraîchie est ensuite rendu à la rivière avec un débit faible (environ 2 m3/s). Dans ce cas, l’échauffement de l’eau du cours d’eau ne dépasse pas quelques dixièmes de degré pendant les périodes chaudes.

La centrale de Civaux rejette même parfois en été dans la Vienne une eau plus fraiche que lors de son prélèvement ! Le débit de la Vienne n’est jamais descendu sous les 10 m3/s règlementaires depuis plus de 10 ans (et allant jusqu’à plus de 400 m3/s).

C’est pourquoi près de 98 % de l’eau déviée par toutes les centrales nucléaires (« ouvertes » et « presque fermées ») sont retournés à la mer ou aux cours d’eau un peu plus loin, quelques minutes plus tard, avec une faible augmentation de la température.

La consommation réelle de l’eau par évaporation de tous les réacteurs nucléaires en France (2 % de cet « emprunt ») est donc très limitée sur tout le territoire : moins de 20 m3/s en moyenne sur l’année, et encore moins l’été où le besoin en électricité est moindre.

Par comparaison, le débit cumulé moyen de la Loire (800 m3/s), de la Seine (500 m3/s), de la Garonne (650 m3/s), et du Rhône (1700 m3/s), est de plus de 3500 m3/s.

Au total, ce sont en moyenne 6000 m3/s d’eau liquide environ qui retournent à la mer d’une manière ou d’une autre.

 

Canicules et pertes de production

Les limitations de puissance ou les arrêts imposés aux centrales nucléaires par la réglementation sur les températures et débits des cours d’eau n’ont entrainé qu’une faible perte de production d’électricité.

Pour les 23 dernières années (2000 à 2022), la perte moyenne est seulement d’environ 1,4 TWh par an sur environ 400 TWh de production annuelle. Cette perte pour « adaptation » aux températures estivales représente environ 0,3% de la production annuelle avec des variations allant de 6 TWh (1,5%) à… zéro selon les années, avec plusieurs années autour de 2 TWh (0,5 %).

L’année 2022 affiche une perte de seulement 0,5 TWh, soit 0,2 % de la production annuelle qui avait exceptionnellement baissée de 30 % à 279 TWh.

Malgré quelques dérogations exceptionnelles accordées à certains sites à l’été 2002, les résultats positifs de la surveillance précise des paramètres physico-chimiques des eaux, comme des flores et faunes aquatiques montrent que les limites règlementaires sont probablement sévères (trop ?).

Durant tout cet été caniculaire aucune mortalité piscicole n’a été observée à l’amont, au droit et à l’aval des centrales nucléaires.

Il s’agit de trouver un équilibre entre avantages et inconvénients climatiques et écologiques de l’électronucléaire. N’émettre presque pas de CO2 toute l’année (4 g/kWh) et donc lutter efficacement contre le réchauffement climatique d’un côté, ou risquer un effet temporaire très limité, souvent indécelable, dans la nature.

Selon l’étude de l’Agence de l’eau, à proximité de l’embouchure du Rhône :

« La part des volumes d’eau prélevés dans le fleuve au plus fort de l’été par toutes les activités humaines (irrigation, industries, eau potable,…) représentent actuellement 15 % de son volume d’écoulement sans avoir à ce stade d’incidence significative pour l’équilibre écologique du fleuve. Cette part d’eau prélevée a déjà pu dépasser les 30 % pour les périodes exceptionnellement sèches comme au printemps 2011.
Cette situation rarement observée (2 années sur 30) pourrait devenir fréquente dans les prochaines décennies (6 années sur 30), et certaines années, dépasser les 40 % ».

L’Agence de l’eau estime aussi que la baisse des débits d’étiage sera même plus forte sur certains affluents du Rhône, de l’ordre de 40 % en moyenne pour l’Isère et 30 % pour la Drôme et la Durance.

Le président Macron a repris ces chiffres dans son discours de Sainte-Savine relatif au « plan eau » le 30 mars 2023 en déclarant que :

« Le changement climatique va nous priver de 30 à 40 % de l’eau disponible dans notre pays à l’horizon 2050. Nous devons donc inscrire la sobriété dans la durée ».

Mais il a commis une « petite erreur » en annonçant :

« On doit adapter nos centrales nucléaires au changement climatique en engageant un vaste programme d’investissements pour faire des économies d’eau et permettre de fonctionner beaucoup plus en circuit fermé ».

Et c’est justement en circuit fermé que les centrales consomment de l’eau (un peu) par évaporation pour la refroidir…

Cependant, les résultats de toutes les études indiquent que le fonctionnement des centrales nucléaires n’a pas d’influence notable sur le milieu aquatique, y compris pendant les périodes de sécheresse et de canicules à répétition, incluant le pire épisode caniculaire historique connu de Météo France en 2003.

Et si besoin, en cas de nécessité, les réacteurs peuvent temporairement diminuer leurs besoins en eau.

 

Faut-il s’alarmer ?

En France, il tombe chaque année environ 500 milliards de m3 (Mdm3) d’eau, dont 300 Mdm3 s’évaporent naturellement. La quantité d’eau qui ne retourne pas rapidement à l’atmosphère par évapotranspiration, et qui ruisselle et s’infiltre représente donc 200 Mdm3, même si toute cette eau n’est pas utilisable.

Environ 30 Mdm3 sont « empruntés » temporairement par les activités humaines mais l’essentiel de cette eau retourne ensuite aux rivières et aux fleuves.

Seuls 5,5 Mdm3 sont réellement consommés par évaporation artificielle dues aux activités humaines (Source ministère de l’Écologie), ce qui représentent donc moins de 2 % de l’évaporation naturelle. C’est très peu !

Sur cette quantité (5,5 Mdm3), les 30 réacteurs nucléaires fonctionnant en circuit « presque fermé » évaporent seulement environ 0,5 Mdm3/an sur 300 Mdm3 d’évaporation naturelle, soit un ajout de moins de 0,2 %. Ce prélèvement est tout à fait acceptable, sans impact décelable et ne constitue pas un problème ni pour aujourd’hui ni pour l’avenir !

De plus, cette eau qui ne retourne pas dans les cours d’eau retombe en précipitations dans les huit jours (elle ne disparaît pas).

Lors de la Fête de l’Humanité de septembre 2022, dans un débat sur la politique économique et la lutte contre le changement climatique, la députée antinucléaire EELV Sandrine Rousseau a affirmé à l’auditoire que le fonctionnement des centrales nucléaires avait fortement impacté la vie aquatique durant cet été caniculaire, y voyant un argument majeur pour ne plus utiliser cette technologie.

Et Jean-Luc Mélenchon, qui n’est plus à une outrance près, déclarait fin août 2022 : « les centrales nucléaires […] contribuent au réchauffement de la mer Méditerranée qu’ils (qui  ?) ont quasi déjà transformé en un cloaque. »

Faut-il s’alarmer devant ces discours apocalyptiques antinucléaires ?

Non.

Il serait ridicule de verser dans le catastrophisme alors que la France (en métropole) reste un pays favorisé pour ses ressources en eau qui suffisent largement à couvrir ses besoins. Les précipitations y sont relativement bien réparties sur l’année et abondantes. La France dispose aussi d’un large réseau de fleuves, rivières aux débits importants avec de nombreuses marges d’adaptation.

 

Un faible pourcentage d’eau stockée

De plus, la France retient peu l’eau qu’elle reçoit selon un rapport sur l’avenir de l’eau du Sénat de septembre 2022 :

« Seulement 4,7 % du flux annuel d’eau est stocké en France, alors que l’on atteint presque 50 % en Espagne ».

De la même manière, elle irrigue peu : 6,8 % des surfaces agricoles sont irriguées, selon les données (2020) du dernier recensement agricole, contre plus de 20 % en Italie et 15 % en Espagne.

L’indice d’exploitation de la ressource en eau (rapport entre la ressource en eau captée chaque année et la totalité des ressources disponibles) atteint seulement 6 % en France, selon les données d’Eurostat, contre 24 % en Espagne.

Le Sénat constate aussi (dans ce même rapport) une organisation « complexe et incohérente » de la gestion de l’eau conduisant à des politiques parfois « contradictoires », chaque ministère (Agriculture, Énergie, Environnement) ayant tendance à défendre ses propres intérêts.

Ainsi, les projets de nouvelles retenues d’eau se heurtent à une réglementation ubuesque issue de la loi sur l’eau de 2006 visant à empêcher toute atteinte à la continuité écologique des cours d’eau… Au nom de la libre circulation des poissons, cette loi a conduit à la destruction de nombreuses retenues et moulins.

Mais heureusement, les centrales nucléaires en France ne gênent pas les poissons. Elles fournissent les deux tiers de l’électricité bas carbone du pays et contribuent déjà efficacement à l’adaptation de la Nation pour sécuriser son accès à l’eau et à sa souveraineté énergétique, tout en préservant l’environnement.

Les centrales nucléaires en France, « ouvertes » ou « fermées », participent déjà à l’économie de l’eau, préservent l’environnement et sont donc bien compatibles avec le réchauffement climatique. Elles sont donc totalement en phase avec les récentes orientations du Plan eau présentée par le président de la République le 30 mars 2023 à Sainte-Savine.

 

Extrait de: Source et auteur

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