À l’usage, l’écriture dite « inclusive » se révèle excluante

post_thumb_default

 

Texte paru dans La Dépêche du Midi en marge de la publication de l’ouvrage collectif intitulé Malaise dans la langue française. Pour La Dépêche, Sami Biasoni, qui a dirigé le projet, revient sur les questions soulevées par les signataires. 

 — Selon vous, le langage inclusif perturberait l’évolution de la langue française ?

— Ces personnes, favorables à l’écriture inclusive, pensent qu’on peut changer la langue française à l’image d’un produit mécanique. Mais nous pensons que de telles tentatives sont dommageables, car il ne faut pas oublier que nous avons affaire à un bien commun. On ne peut accepter, sans débattre, qu’il soit confisqué par certains aux revendications militantes queer ou wokistes, en vue d’être remanié et imposé à tous. D’ailleurs, à l’image du wokisme, qui pouvait avoir des aspirations justes, il y a des conséquences et une forme d’irresponsabilité dans ce mouvement.

Des femmes tués ?

— Pourquoi ne serait-il pas envisageable de modifier radicalement notre langue ?

— D’une part, parce que la langue se forme dans et par le temps. Elle est le résultat d’usages « naturels » entre des groupes d’individus libres de leurs choix langagiers et non pas de confrontations directes, au sens politique du terme. Ici, nous faisons face à une démarche forcée, c’est-à-dire que l’on vient édicter des règles, non pas parce qu’elles sont nécessaires à la langue, mais parce que d’aucuns estiment que les critères qui doivent prévaloir sont des critères de nature morale qui sont ceux des théories de la déconstruction. Par exemple, si via l’usage du point médian [ndlr : utilisé pour tenter de regrouper au sein d’un même mot le masculin et le féminin], on met les Françaises avant les Français, on peut sous-entendre que vous avez fait un choix de préférence sociale. C’est extrêmement dangereux. 

 

— Vous parlez de conséquences, quelles seraient-elles ?

— Dans l’ouvrage, Mazarine M. Pingeot évoque une ligne de fracture entre « nous et eux ». Ce « nous » désigne ceux qui détiennent le capital social et symbolique — les intellectuels, les milieux académiques — et qui sont capables de suivre ces évolutions très rapides de la langue et de comprendre pourquoi « iel » [ndlr: pronom qui évoquerait selon ses partisans une personne, quel que soit le « genre » qu’il prétend avoir] existe. Le « eux », c’est la grande majorité des Français qui récuse très fortement les formes dites « inclusives » dont il est question.

— Vous insinuez que l’inclusif pourrait mettre en difficulté certains Français ?

 Les grandes associations qui luttent contre la dyspraxie et la dyslexie le disent très clairement, de nombreux parents, personnels éducatifs ou psychologues également : il s’agit d’une difficulté supplémentaire majeure dans l’acquisition des compétences de lecture et d’écriture pour les enfants, notamment pour ceux qui se trouvent déjà en difficulté. C’est là une autre ligne de fracture : lorsque l’on ne maîtrise pas la langue et ses subtilités, on risque l’exclusion du monde du travail, comme du champ démocratique. C’est notamment en cela que l’écriture dite « inclusive » se révèle, à l’usage, excluante.

Voir aussi 

Trente-deux linguistes énumèrent les défauts de l’écriture inclusive

Malaise dans la langue française — Promouvoir le français au temps de sa déconstruction 

Polémique autour de l’écriture inclusive en Espagne  

Des points bonus accordés pour l’utilisation de l’écriture inclusive 

France — Comment l’écriture inclusive prend le pouvoir à l’université

 

 

 

 

 

Extrait de: Source et auteur

Suisse shared items on The Old Reader (RSS)

Un commentaire

  1. Posté par Marie-France le

    De plus, que devient la poésie avec cette absurdité ?

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.