Cette entrave s’ajoute à celles que Tiny Kox impose déjà à des députés, en s’abstenant de transmettre aux représentants des États membres du Conseil de l’Europe les «questions écrites» mettant en cause les dysfonctionnements de la CEDH.
La pétition a tout de même été déposée à l’Assemblée, suivant le règlement, et présentée à quelques députés qui ont bravé l’interdiction de leur Président. Ces députés ont ensuite introduit un projet de résolution sur « Le grave problème des conflits d’intérêts à la CEDH ». Ce projet vient s’ajouter à la pétition qui est, elle-aussi, inscrite à l’agenda du bureau de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Le sujet est donc introduit simultanément à l’Assemblée par deux voies différentes ; il y a toutefois très peu de chances que ces procédures aboutissent, tant la résistance des députés de gauche et du centre est forte. Il demeure qu’elles sont inscrites et bien visibles à l’agenda de l’Assemblée, ce qui est déjà un succès.
Une autre représaille, plus grave, subie par l’ECLJ le jour même du dépôt de la pétition, fut la décision de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe de refuser à cette organisation le statut « d’ONG accréditée » auprès de l’organisation. Ce statut ouvre l’accès à l’institution et facilite le travail en son sein. Décision rarissime : ce statut fut refusé au motif que cette ONG ne respecterait pas « les valeurs et les principes du Conseil de l’Europe ». Il n’y a qu’un seul précédent, en 2018, avec le refus d’une autre ONG conservatrice d’inspiration chrétienne. Mais que sont devenues ces valeurs ? Alors que l’ECLJ est refusé, des organisations « woke » et islamistes sont acceptées, telles que « FEMYSO », le faux-nez des Frères musulmans, et les composantes du lobby mondial de l’avortement. On est bien loin du projet des États fondateurs du Conseil de l’Europe qui déclaraient, dans le Statut instituant le Conseil de l’Europe, que ses valeurs sont les « valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples ». Ainsi, le caractère idéologique et bassement politique du rejet de l’ECLJ est patent. Il est aussi arbitraire, car la Secrétaire Générale se garde bien de préciser en quoi l’action de l’ECLJ serait contraire aux valeurs du Conseil de l’Europe. Le préciser, ce serait s’accuser elle-même.
Mais le fruit le plus important du rapport sur Les ONG et les Juges de la CEDH, et qui lui donne définitivement raison, est la décision prise par les gouvernements des 46 États membres du Conseil de l’Europe de préparer un rapport « évaluant l'efficacité du système de sélection et d'élection des juges de la Cour et des moyens […] offrant des garanties supplémentaires pour préserver leur indépendance et leur impartialité ». Oui, plusieurs gouvernements européens – conscients des problèmes dénoncés par le rapport – ont insisté pour que cette question de l’indépendance et de l’impartialité des juges soit ouverte au plus haut niveau. Le processus diplomatique de discussion et de négociation devrait durer deux ans, et aboutir à la recommandation d’une série de mesures, complétant en profondeur la révision récente de la Résolution sur l'éthique judiciaire de la CEDH, qui fut déjà une conséquence du rapport de l’ECLJ en juillet 2021.
Cela étant, il ne faut pas se faire d’illusions. Ces mesures peuvent limiter, mais non supprimer la politisation inhérente au système des droits de l’homme. Conçu initialement pour protéger les personnes de l’État, ce système sert de plus en plus à exporter et à imposer une idéologie par-dessus les États. Il est devenu un instrument de domination idéologique, à la fois ultralibéral, globaliste et individualiste. Les grandes puissances postmodernes, telles que les fondations Gates et Soros, en sont en partie responsables, et ont bien compris l’usage qu’elles peuvent en faire en investissant massivement dans ce système de gouvernance post-démocratique.
Après la Seconde Guerre mondiale, il fallait défendre la démocratie contre les dictatures ; aujourd’hui, il faut la défendre contre ces grandes puissances privées, à la fois financières et idéologiques, qui veulent imposer à tous leur conception matérialiste de l’humanité, et leur pouvoir.
Grégor Puppinck
Directeur de l'ECLJ.
Tribune parue dans Valeurs Actuelles. |
L’objectif est louable et la lutte contre les Juges de la CEDH est une noble cause. Ce combat ressemble à celui de David contre Goliath. Il est certes exaltant d’incarner David, mais en face, il y a le pouvoir et des moyens illimités. Les mondialistes entendent imposer leur justice.