La dame doit avoir environ 70 ans. Ce 1er avril, elle tend à Aurélien Pradié un sac de courses qui pèse lourd. «Vous rendrez ça à l’autre !» lance-t-elle au secrétaire général du parti Les Républicains. «Ce sont les livres de Sarko que mes copines et moi on a achetés. Vous les lui rendrez !» Nous sommes en pleine campagne présidentielle et Pradié repart de Royan (Charente-Maritime), où il vient de tenir une réunion publique, avec le sac sous le bras et armé d’une solide conviction : en s’abstenant de tout soutien vis-à-vis de la candidate LR Valérie Pécresse, et en faisant discrètement connaître son appui à Emmanuel Macron, «l’autre» a pris l’initiative d’un douloureux divorce.
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Tous savent que la dame au sac de courses est loin d’être un cas isolé. Durant la campagne présidentielle, les standardistes du siège de LR, rue de Vaugirard à Paris, ont dû traiter des dizaines – au bas mot – d’appels courroucés. «Elles ont vraiment souffert», témoigne un pilier du QG, dont les murs ont été délestés de quelques photos de l’ancien chef d’Etat. […]
En réalité, une explication à cette proximité recherchée par Nicolas Sarkozy circule si intensément au sein de la droite qu’il est impossible de ne pas l’exposer. Personne n’assume de la formuler à voix haute, car elle concerne la partie la plus gênante du sarkozysme : les ennuis judiciaires en série de l’ex-chef de l’Etat. En mars 2020, ce dernier a été condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis pour «corruption» et «trafic d’influences» dans le dossier dit «des écoutes». Le procès en appel doit se tenir du 28 novembre au 14 décembre. Et il y a tant d’autres affaires. «La Libye, Bismuth, Bygmalion, c’est gros, explique un pilier de LR. On ne sait pas ce qui peut se passer. On a tout de même mis l’ancien ministre de l’Intérieur [Claude Guéant, ndlr] en prison. Ça lui fait peur. Il se dit que dans le doute, il vaut mieux être sympa avec le pouvoir.»
Un macroniste, observateur privilégié de ce manège : «C’est sûr que quand il voit son pote Patrick [Balkany] qu’il pensait intouchable, quasiment mourir en prison, il se dit que ça peut lui arriver. Sarkozy a une vision tellement “république bananière” de la justice qu’il pense que Macron va lui sauver la mise.» Celui qui parle ici est un interlocuteur très régulier de Nicolas Sarkozy, un connaisseur de son état d’esprit : «Oui, il a ses affaires judiciaires et il est emmerdé par toutes ses histoires. Donc il se dit que c’est toujours ça de pris d’avoir Macron de son côté. L’air de rien, même si les juges sont indépendants, le parquet ne l’est pas.» […]
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