Kremlin Papers.
Petite pièce en un petit acte
Les personnages: le président Poutine et un agent secret suisse Mr + (en référence au drapeau suisse)
Le lieu: au Kremlin, un délicieux boudoir aux couleurs pastels et dorures à l’or rose – un guéridon avec un petit bouquet cabochon de très petites roses saumon – le long d’un mur, un énorme samovar en argent trône sur un buffet Boulle incrusté de nacres aux reflets irisés avec nuances lilas..
Le tapis central est un Kashmir exquis, pure soie, blanc cassé avec des motifs floraux beige et vandijck bruin et seulement quelques petites pointes de rose framboise.
Monsieur Poutine porte un costume de lin couleur gris tourterelle, une chemise à peine plus claire et une cravate un peu plus prononcée, avec des moirures.
Des perles baroques foncées montées discrètement sur platine ornent ses boutons de manchettes et son épingle de cravate.
Mr.+ porte le costume classique typique de l’agent secret, genre Josef Cotton: rien de notoire. Il a laissé son feutre Bogart et son trench coat Burberry au vestiaire.
Mr. Poutine s’avance pour accueillir Mr. + qui entre
- Bonjour Mr.+ quel bon vent vous amène?
- Bonjour monsieur le Président, je crois qu’il s’agit d’un petit coup de foehn, vous savez, quand le vent du nord passe au-dessus de la montagne et se réchauffe…
Ils se serrent vigoureusement la main
- Venez vous assoir, je vous en prie
Ils s’assoient
- Comment allez-vous dans votre beau pays?
Mr. + hésite un peu, il fait la moue…
- Je vais vous parler franchement monsieur le Président… nous avons eu quelques problèmes dernièrement… la canicule, la sécheresse, les loups qui massacrent nos moutons sur nos alpages…
- Ah, les loups, il faut les envoyer en Alaska ou en Sibérie…
- Oui mais, vous savez… nous avons des verts et des environnementalistes…
- Nous aussi nous en avons et justement nous les envoyons en Sibérie avec les loups qu’ ils aiment tant…
- Oui mais, en plus des loups qui ont immigré depuis l’Italie nous avons aussi des Conseillers Fédéraux qui ont immigrés depuis l’Italie…
- Ah bon, et alors?
- Eh bien quelque fois ils ne savent plus très clairement à qui ils doivent leur allégeance… à l’Union Européenne ou bien à leur nouvelle patrie suisse…
- Expliquez-vous…
- Ben oui, c’est très embêtant, quand on ne sait pas si on est chair ou poisson on risque de s’enliser dans la panade… et même de se tromper géographiquement… Tenez, dernièrement, nous en avons eu un qui a voulu reconstruire l’Ukraine au lieu de reconstruire les bisses qui doivent porter l’eau sur nos alpages… alors , vous comprenez, avec la sécheresse, c’est notre armée qui a dû porter des bennes d’eau pour que nos vaches ne meurent pas de soif… Pas de vaches, pas d’Emmenthal, ni de Gruyère… Tiens, justement, nous savons que vous ne buvez pas d’alcool alors je vous ai apporté un petit cadeau sans alcool…
Mr + fait signe au valet qui fait le planton à coté de la porte, celui-ci ouvre la porte et quatre vigoureux gaillards roulent une forme de gruyère de 40kg et une meule d’emmenthal de 120 kg dans la pièce…
- Nous vous avons aussi apporté un assortiment et la recette pour faire la fondue…
Petit signe, d’autres gaillards apportent un échafaudage de piques, caquelons, fromages e tutti quanti …
- Et le nécessaire à raclette: le fromage à raclette valaisan qui se caractérise par son arôme lacté et légèrement acidulé, où s'expriment les notes végétales et fruitées d'une flore alpine riche au possible. Les experts reconnaissent sans hésiter au goût si la meule provient de la vallée de Tourtemagne, du Val de Bagnes ou de Conches.
Et, bien sûr le traditionnel four à raclette électrique conçu pour des demi-meules, disposant d'un ou de plusieurs supports pour le fromage. La surface à racler est placée vers le haut, la source de chaleur se trouvant au-dessus. Ici aussi, la raclette est raclée directement dans l'assiette. La manipulation requiert un peu d'expérience, et c'est souvent l'hôte qui tient le rôle du racleur…
Mr + fait un pas en arrière tandis que le président Poutine s’avance pour regarder tout cet attirail…
- Mon Dieu! Monsieur +, vous me comblez, j’adore la raclette, chaque fois que je vais chez ma fille, au Tessin, je m’en régale…
- Nous sommes ravis que vous aimiez tant notre belle patrie qui d’ailleurs n’a pas que des fromages, il y a aussi ses banques, ses hôtels *****, ses domaines skiables… ses boutiques de luxe, ses lacs tranquilles où se laisser bercer dans des yachts discrets à l’abri des paparazzi…
- Oui bien sur, mais nous aimons la vie de famille… une raclette avec ce judicieux four électrique qui certainement égaille aussi les soirées de votre famille…
- Hélas, monsieur le président… oui, oui, c’était comme ça… avant… jusqu’à ce que des inconsidérés se soient mis dans de tels mauvais draps que cet hiver nous n’aurons que des pénuries et pas d’électricité pour nos fours à raclette…
- Comment donc?...
- Ben… c’est un peu embêtant à dire… mais y a des connards au gouv qui ont cru malin de faire le mariole avec les fritteux de Bruxelles et à cause d’eux… les soi-disant sanctions qu’ils vous destinaient nous ont boumerangué en pleine poire: pas de pétrole, pas de gaz, pas d’électricité et donc… pas de raclette…
- Ah bon… un peu de gaz vous ferait-il plaisir…
- S’il vous plait, monsieur le président, s’il vous reste encore quelques gouttes de gaz… nous serions fort heureux de pouvoir vous en débarrasser… et ensuite de vous recevoir chez nous non seulement pour une raclette, mais aussi pour un séjour dans un de nos chalets ***** bien chauffés avec des pellets écologiques, qui malheureusement, eux aussi, brulent à l’électricité que, cet hiver, sans vous, nous risquons de ne pas avoir…
La dessus le président Poutine fait signe, un vallet va vers le samovar, sert deux tasses de thé Earl Grey et un serviteur muet garni de mignardises.
- Hm, hm dit le président Poutine, je vais réfléchir à la question… il me semble que ma fille m’en avait déjà touché un mot…
Rideau
C’est ainsi que, bien plus tard, quand le bon sens eut chassé toutes les folies des années 2000, que les livres d’Histoire parlèrent de l’Année de la Raclette qui fut aussi salutaire que les patates du général Guisan.
Anne Lauwaert - 1.IX.22
Merci pour ce bon moment Madame Anne Lauwaert.
Selon une journaliste de BFMTV, nous n’avons pas besoin de gaz de Poutine, Macron va sans doute pédaler pour actionner l’alternateur sur un vélo pendant tout l’hiver.