Par Alexandre Massaux.
Ce dimanche 26 septembre se tiennent les élections législatives allemandes. Celles-ci sont primordiales pour l’Allemagne qui est un régime parlementaire, le chancelier étant lié à la volonté du Parlement. Ces élections sont aussi importantes pour le reste de l’Europe, l’Allemagne se positionnant de facto comme la puissance dominante de l’UE. La coalition qui formera la majorité influencera l’Europe entière à travers ses politiques.
L’attention se concentre sur les deux principales formations : les chrétiens-démocrates de l’Union (CDU/CSU) et les socio-démocrates du SPD. Les deux partis sont au coude-à-coude au niveau des sondages (autour de 25 %) avec un avantage pour le SPD. Leur candidat à la Chancellerie et actuel ministre des Finances Olaf Scholz est donné favori.
Néanmoins, peu importe lequel des deux partis sera en tête, il devrait créer une coalition pour former une majorité. Si l’hypothèse de la Grande Coalition (SPD avec CDU/CSU) est probable, il sera peut-être nécessaire d’y intégrer un troisième parti.
Et en cela, le parti des libéraux-démocrates ou Freie Demokratische Partei (FDP) pourrait être le faiseur de rois. Plus centriste que les Verts, il pourrait être un allié privilégié des deux grands partis. De plus, leur candidat à la Chancellerie, Christian Lindner semble avoir réussi à sortir le parti de sa torpeur.
Dès lors, à quoi s’attendre de la part de ce parti ? Pour cela, nous avons pu poser quelques questions au Dr Florian Toncar, Parlamentarischer Geschäftsführer, directeur du parti FDP au Bundestag.
Un parti de libéraux-démocrates qui met l’accent sur l’économie et la croissance
Florian Toncar définit le libéralisme :
« Pour nous, le libéralisme signifie l’autodétermination et la responsabilité personnelle. Nous voulons permettre aux gens de prendre leur vie en main. Nous nous battons pour l’égalité des chances, la liberté individuelle, une économie de marché forte et l’État de droit. Les démocrates libres croient au progrès et ont une vision optimiste de l’avenir. Là où il y a des obstacles et des défis, nous voulons les affronter par le progrès et l’innovation. »
Quant aux points principaux que le parti souhaite impulser, Florian Toncar informe que :
« Il y aura de nombreux sujets sur lesquels nous devrons travailler. Nous sommes convaincus que certains des points clés d’un avenir réussi résident dans une économie forte qui n’est pas freinée par des taxes écrasantes, dans la modernisation du gouvernement par une administration numérique, dans la sécurisation de notre système de retraite. »
De plus, les libéraux-démocrates ont publié une version française de leur manifeste qui donne quelques éléments intéressants sur la politique à impulser. Pour l’économie :
« Nos idées : alléger partout où cela est possible. La bureaucratie et les augmentations d’impôts sont un sabotage de la croissance. Impôt de solidarité ? Il doit être enfin supprimé. Pour tout le monde ! Il faut réveiller l’esprit d’entreprise. Et faire de l’État social un tremplin pour progresser. »
L’écologie est aussi mise en avant dans leur programme, mais avec une position très peu audible en France :
« Nous voulons un pays qui éprouve davantage de plaisir à inventer qu’à interdire. C’est le seul moyen de lutter efficacement contre le changement climatique. Nous voulons un redémarrage de la politique climatique avec des objectifs clairs, plus de fermeté et en même temps, plus d’ouverture à des solutions technologiques de pointe pour réduire le CO2. »
On constate toutefois un fléchissement vers un certain interventionnisme :
« Nos idées : oui au plafond de CO2, car l’échange de certificats d’émissions récompense les économies en CO2 et rend attrayants les investissements dans la protection du climat. Nous voulons rembourser aux citoyens les recettes générées, sous la forme d’un dividende climatique. »
Néanmoins, l’angle d’attaque principal pour l’écologie reste :
« Luttons contre le changement climatique avec des innovations techniques et non des interdictions. Grâce à une politique financière solide, nous sécurisons les opportunités futures des générations à venir. »
Pour les libéraux-démocrates, les finances publiques s’inscrivent dans le développement durable et nécessitent une discipline :
« La durabilité s’applique également à nos finances publiques. C’est pourquoi nous restons fidèles à notre position quant au frein à l’endettement, car les générations futures ont besoin de perspectives pour l’avenir, pas d’une montagne de dettes. »
La méfiance des libéraux-démocrates envers la surveillance étatique
Un des axes du programme du parti est le rejet de la surveillance par l’État. L’accent est mis sur l’informatique, le FDP voulant développer l’économie numérique. Son programme en allemand mentionne :
« La surveillance numérique potentiellement complète des personnes par l’utilisation de chevaux de Troie de l’État, en particulier à des fins de collecte de renseignements. Tant qu’il n’est pas garanti que le domaine central de la vie privée des personnes est protégé, leur utilisation doit cesser. La même norme doit s’appliquer à la surveillance des télécommunications à la source et aux recherches en ligne. »
Précisons que ce positionnement n’est pas une simple promesse électorale en l’air. Les députés européens du FDP avaient voté contre la « ePrivacy Derogation » qui permettait aux autorités de surveiller les mails dans le cadre de la lutte contre les abus sexuels commis en ligne contre des enfants. Les libéraux-démocrates sont même les seuls membres du groupe européen Renew Europe/Alde à avoir voté contre.
Un certain scepticisme à propos de l’accumulation de restrictions sanitaires
Sur les mesures sanitaires, Florian Toncar décrit la position du parti :
« Nous sommes opposés à la vaccination obligatoire. Les avantages d’être vaccinés contre le virus sont évidents, mais chacun doit pouvoir décider de le faire, ou non. Les passeports vaccinaux, tels qu’ils sont utilisés actuellement, sont une solution viable pour contrôler la propagation du virus par les voyages. Pour lutter contre la maladie et se préparer à d’éventuelles futures pandémies, nous avons soutenu, par exemple, des initiatives en étroite collaboration avec la France à nos frontières communes, et nous nous efforçons également de relocaliser la production de médicaments dans l’UE afin de réduire notre dépendance et donc notre vulnérabilité vis-à-vis des marchés étrangers, ce qui avait été un problème au début de la pandémie. »
Opposé à la vaccination obligatoire, mais néanmoins plus ouvert au pass sanitaire, toutefois principalement géré par les Länder.
Le parti s’est montré défavorable à de nouveaux confinements. Christian Lindner a déclaré sur la chaîne ZDF :
« Il doit maintenant y avoir la garantie politique qu’un nouveau confinement sera exclu… Car les conséquences sociales, sociétales et économiques de cette politique de confinement sont désormais si importantes que je ne les considère plus comme responsables. »
« Notre Constitution garantit les droits à la liberté. Puisque les personnes guéries ou testées ne représentent aucun danger, de nouveaux empiètements sur la liberté ne sont pas justifiés. »
Un positionnement politique payant
Ces positionnements sont payants électoralement dans un pays qui semble pourtant avoir accepté en majorité ces restrictions. La popularité des libéraux-démocrates est ainsi passée de 6 % à fin 2020 à 12 % depuis mai 2021.
Florian Toncar explique cette hausse :
« Il peut y avoir plus d’une raison, mais ce qui est certain pour nous, c’est que plus la pandémie et les restrictions à la liberté individuelle durent, plus les gens réalisent l’importance de la liberté. Le FDP est le seul parti politique allemand à se battre de manière cohérente pour la liberté et le libre arbitre, et il est de plus en plus nécessaire dans des moments comme celui-ci. »
Plus précisément, comme le fait remarquer Politico, le discours de liberté économique et de liberté individuelle prôné par les libéraux-démocrates a eu un écho positif au sein de la population à l’heure où beaucoup de petites entreprises se retrouvent dans une situation très difficile du fait des restrictions sans fin.
Si le FDP arrivait à faire partie d’une coalition, il n’est pas impossible que l’Allemagne bénéficie d’un tournant plus libéral.
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