Nous sommes tous trois mathématiciens et nous avons immigré jeunes aux États-Unis, attirés que nous étions par la qualité et l’ouverture inégalées des universités américaines. Dans nos bagages, comme beaucoup d’autres avant et après nous, nous n’avions rien de plus qu’une bonne éducation et un fort désir de réussite. Pour reprendre les mots de notre illustre collègue David Hilbert : « Les mathématiques ne connaissent ni races ni frontières géographiques ; pour les mathématiques, le monde culturel est un seul pays. » Ayant construit nos carrières dans le milieu universitaire américain, c’est avec fierté que nous nous désignons comme des mathématiciens américains.
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Un deuxième sujet de préoccupation concerne l’effort national de réduction des disparités raciales qui, malgré toutes ses bonnes intentions, a eu comme malheureuse conséquence d’étioler le lien entre mérite et admission universitaire. Ces initiatives ont également servi (parfois indirectement) à discriminer certains groupes, notamment les Américains d’origine asiatique. La rhétorique de justice sociale utilisée pour justifier ces programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) est souvent en total décalage avec la réalité observée sur les campus. En particulier, la notion de lutte contre la « suprématie blanche » ne s’applique pas au domaine des mathématiques, puisque les universitaires nés aux États-Unis, toutes races confondues, représentent aujourd’hui collectivement une petite (et décroissante) minorité des spécialistes des STEM dans les universités de ce pays.
Troisièmement, d’autres pays opposent désormais une concurrence acharnée aux États-Unis pour recruter les meilleurs talents, en exploitant les mêmes politiques qui avaient bien fonctionné pour nous dans le passé. Plus particulièrement, la Chine, principal concurrent économique et stratégique des États-Unis, est dans un effort extraordinaire, largement couronné de succès, pour améliorer ses universités et ses établissements de recherche. En conséquence, elle est désormais en mesure de retenir certains des meilleurs scientifiques et ingénieurs chinois, ainsi que de recruter des éléments brillants aux États-Unis, en Europe et ailleurs.
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La diversité au mépris de l’excellence
Malheureusement, le mouvement va dans la direction opposée. En effet, dans nombre de nos grandes institutions universitaires et de recherche, y compris les Académies américaines des sciences, l’Académie américaine des arts et des sciences, la Fondation américaine des sciences et les Instituts américains de la santé, l’excellence scientifique est en train d’être supplantée par la diversité comme facteur déterminant d’éligibilité aux prix et autres distinctions. Et certaines universités, marchant dans les pas de l’université de Californie, mettent désormais en oeuvre des mesures visant à évaluer les candidats aux postes de professeurs et aux promotions sur la base non seulement de la qualité de leur recherche, de leur enseignement et de leurs services, mais aussi de leur engagement vis-à-vis de politiques diversitaires. Plusieurs institutions ont même introduit des voies d’accès à la titularisation uniquement fondées sur les activités liées à la justice sociale. Les dommages potentiels que de telles mesures peuvent causer aux normes académiques dans les STEM sont immenses. L’histoire des sciences regorge d’exemples montrant comment l’adhésion ostentatoire à une idéologie politiquement encouragée, facilement contrefaite par des scientifiques aussi opportunistes que médiocres, peut conduire à la dévalorisation de domaines universitaires entiers.
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