En 2019, année la plus récente de fonctionnement « normal » (c’est-à-dire hors Covid) de la presse, les aides légales, déterminées et versées par le ministère de la Culture, ont représenté 76 millions d’euros. Elles ont été réparties sur environ 400 titres. C’est d’ailleurs cette année-là que Présent en a été privé. Un décret, actuellement à l’étude, doit préciser les conditions d’accès aux aides légales, qui sont plus qu’arbitraires ou opaques, pour l’heure.
Pourquoi, par exemple, L’Humanité bénéficie-t-il de l’aide la plus élevée par numéro vendu ? Pour des raisons historiques ? Elle fut certes le journal des amis de Staline, du Goulag, de Pol Pot et des Khmers rouges. Est-ce un motif suffisant ? Certaines des modifications prévues inquiètent la presse de tous bords, pour des raisons différentes, et parfois opposées.
La première version du décret établissant les nouvelles conditions d’accès à ces aides prévoyait l’obligation d’employer des journalistes professionnels. Le projet de loi avait introduit cette disposition pour freiner la pratique consistant à transférer la prestation rédactionnelle à des agences de presse, au lieu d’employer des journalistes professionnels. Cet aménagement du projet avait été rédigé après l’affaire de la reprise de la revue Science et Vie : la quasi-totalité des journalistes avait démissionné, invoquant la clause de cession (mais motivés surtout par les indemnités de licenciement considérables versées en cas de démission dans ces circonstances). Ils avaient été remplacés par des articles rédigés au sein d’agences de presse.
Sur ce point, le gouvernement a fait marche arrière dans son nouveau projet : il n’étend plus à ces agences de presse l’obligation d’embaucher des journalistes professionnels. Il est vrai que le système des agences de presse constitue l’une des rares évolutions possibles permettant une viabilité de la presse écrite, sans ouvrir le chantier, ingérable socialement et politiquement, de la remise à plat de la convention collective des journalistes. Ce renoncement fait grincer les dents, dans les syndicats de journalistes.
Cela sent la censure à plein nez
La seconde version du décret comporte une autre modification, autrement plus inquiétante, puisqu’elle codifierait en quelque sorte l’arbitraire. Elle prévoit en effet que, pour bénéficier des aides, il faudra présenter un « contenu original, composé d’informations ayant fait l’objet d’un traitement journalistique, notamment dans la recherche, la collecte, la vérification de ces informations ». Dans l’absolu, la formule n’est pas scandaleuse. Mais apprécier un contenu original, un traitement journalistique, ou la qualité d’une recherche, d’une collecte et d’une vérification d’informations sent la censure à plein nez. Au nom de la lutte contre le complotisme et les fausses nouvelles, on voit déjà quels médias risquent de se voir refuser les aides légales. C’est l’approche à l’américaine, qui a fini par bannir des réseaux sociaux jusqu’à la parole du président des Etats-Unis lui-même, afin de lui faire perdre les élections. Or tous les médias commettent, involontairement ou sciemment, des propagations de fausses nouvelles.
Il est à craindre – et c’est la seconde étape du processus de bannissement des titres qui déplaisent – que l’analyse de la qualité des informations soit confiée à quelques médias de l’entre-soi, parmi lesquels figureront forcément les titres phares de l’entre-soi médiatique et seront exclus les autres. Dans les faits, il est impossible d’afficher plus clairement les intentions liberticides de ce projet destiné, rappelons-le, à régir les aides légales à la presse (y compris les tarifs postaux, etc.).
Tribunal composé d’un aéropage de journalistes du Monde et autres Libération
Présent avait été créé, il y a maintenant 40 ans, pour combler un vide : depuis la disparition de L’Action française quotidienne, tout un courant politique, celui de la droite nationale et de l’identité chrétienne de notre pays, n’était plus représenté. Présent mettait un terme à une parenthèse sinistre de 38 années.
Si Présent, pour bénéficier d’aides légales, doit démontrer à une sorte de tribunal composé d’un aéropage de journalistes du Monde, de Mediapart et autres Libération que la recherche, la collecte et le traitement des informations sont opérés de façon « journalistique », il est à craindre que les portes des aides légales lui soient définitivement fermées, et sa viabilité radicalement remise en cause. Est-ce du complotisme de supposer que ce soit précisément le but recherché par la loi ? Même si l’on devine que sont d’abord visés Valeurs actuelles ou les titres du groupe Vivendi appartenant à Bolloré.
C’est bien pourquoi nous devons nous renforcer et bénéficier d’un puissant soutien de nos lecteurs. Et c’est bien pourquoi la campagne de dons 2021 est importante. •
Extrait de: Source et auteur
Une seule réponse pour les Suisses : signer le référendum contre les mesures en faveur des médias (www.medias-controles-non.ch).