États-unis : guerre contre le Blanc

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De notre correspondant permanent aux Etats-Unis. – Les intellectuels européens marxistes ne se sont jamais vraiment remis d’une immense frustration : l’échec de la révolution prolétarienne. La classe ouvrière se délita dans un gaucho-libéralisme où elle n’avait pas sa place. Et cette place que le Vieux Continent lui refusa pour manque d’ardeur, le Nouveau Monde la lui interdit pour incompatibilité flagrante. Ainsi l’Europe rejoint les Etats-Unis où, dès leur naissance, le communisme fut rejeté par les consciences. Quand la liberté s’oppose à l’Etat, celui-ci perd toujours : le social n’y a jamais eu officiellement sa place. Ainsi, de part et d’autre de l’Atlantique, ce fut un double échec pour le globalisme voué à dissoudre l’Occident en assumant l’héritage du marxisme. Pour le coup de grâce, par quoi remplacer la lutte des classes ? Par la lutte des races. Les classes sont changeantes au gré des secousses de l’histoire. Les races sont immuables et s’affirment toujours quand leur destin s’enflamme. On est la couleur de sa peau : blanc, noir, marron, jaune, rouge… Tous contre le Blanc, ce pervers, ce raciste.

La démonétisation de l’homme blanc s’est accélérée au cours des dernières décennies, comme le voulait d’ailleurs Marx pour le bourgeois : la rhétorique garde sa violence en passant avec jubilation de la classe à la race. C’est la Critical Race Theory (CRT) qui se charge désormais de ce passage décisif. Née au début des années 1970 et confinée jusqu’à la fin du siècle dans d’obscures publications universitaires, la CRT s’infiltre dans les écoles, les campus, les médias, le spectacle, les entreprises et l’armée. Les deux plus importants syndicats d’enseignants l’appliquent, tous les gouverneurs d’Etat ayant voté démocrate la soutiennent et le « président » Joe Biden en personne l’approuve. La dialectique de ses deux cofondateurs, Richard Delgado et Jean Stefancic, se développe sur trois niveaux. Un : certains articles de la Constitution, comme les lois de 1964-1965, ne dénoncent que la discrimination, les gros abus, les bavures provocantes mais laissent le problème entier. Deux : les mentalités et les structures sociales américaines sont profondément imprégnées d’agressivité, d’oppression et de privilèges blancs. Trois : à ce degré d’enracinement, le racisme systémique qui accuse tous les Blancs exige bien davantage que des réformes pour être éradiqué : une déconstruction de l’Amérique, une véritable révolution.

Le Blanc occupe le sommet de l’infamie pour avoir inventé esclavagisme, colonialisme et impérialisme. Trois mots qui tuent. Le procès se trouve instruit, la cause plaidée, le verdict prévu. A ce degré de haine, ce n’est plus un rejet ordinaire mais, pour la CRT, du nettoyage ethnique. Le Blanc se voit assimilé à un négrier qui s’ignore, à un homophobe qui se cache, au produit méprisable d’une époque qui agonise. On lui a répété durant des décennies que l’évocation même du concept de race s’assimilait à un ignoble racisme et que, d’ailleurs, les races n’existaient plus. La CRT impose un changement de stratégie. Elle ordonne maintenant d’en tenir le plus grand compte. Pour faire du Blanc un citoyen honteux. Et pour affirmer que seuls les Blancs peuvent être racistes. Comment l’Amérique réagit-elle à cette attaque cinglante, meurtrière, définitive ? La masse reste confite dans son ignorance du mécanisme subversif. Les ténors de droite s’indignent et préparent des lois qui ne serviront à rien. Quant aux gouverneurs des Etats républicains, ils tentent d’interdire sous les préaux ce qui a déjà infesté les esprits dans les classes.

Pourquoi la situation est-elle grave ? Parce que la CRT a les mains libres et que ses opposants témoignent de plusieurs faiblesses dangereuses. D’abord, trop d’Américains refusent de s’engager dans des débats ultrasensibles comme le racisme. Résultat : l’omniprésence de leurs adversaires. Ensuite, les dirigeants de la CRT ont construit leur argumentation comme un piège. Plus les Blancs réfutent l’extrémisme outrancier dont ils sont les premières victimes et plus ils donnent l’impression de s’enfoncer dans leur propre suprémacisme. Les références à l’Histoire et aux grands principes ont l’air de sonner faux face à des exemples tronqués mais vraisemblables. De plus, d’une manière générale, les Américains n’ont pas suffisamment isolé le phénomène de l’esclavage. Il a réussi à empoisonner leur histoire. Et permet maintenant à la CRT de claironner que les Etats-Unis ont été fondés sur de l’odieux qui les a définis une bonne fois pour toutes. Enfin, ceux qui ont entrepris de freiner la percée spectaculaire de la CRT restent, par le ton et les références citées, trop académiques. On en est encore aux échanges acerbes mais courtois. Il manque aux patriotes le style révolutionnaire. Cela viendra par nécessité. •

 

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