L’inflation c’est de subventionner des dépenses qui ne rapportent rien avec de l’argent qui n’existe pas.
Jacques Rueff.
Depuis 1985, et la chute brutale du prix du baril de pétrole de $ 33 à $ 10, nous avons été constamment dans des périodes où l’inflation était stable ou en baisse. Et donc, quasiment toutes les stratégies d’investissement ont intégré cette réalité : l’inflation était morte et enterrée. Ravies de cette bonne nouvelle, les banques centrales et les gouvernements se sont misesà créer de la monnaie comme des malades (surtout depuis la crise du Covid) pour financer tout et n’importe quoi (voir la définition de Rueff).
Ce qui m’amène à me poser la question : l’inflation, du coup, ne va-t-elle pas revenir ? Si tel est le cas, alors, je devrais commencer à voir un certain nombre des variables que je suis depuis toujours et qui, dans le passé, m’ont averti que les choses étaient en train de changer.
Et donc, pour le bénéfice des lecteurs, je vais montrer les graphiques qu’à mon avis, il faut surveiller de près, tant il est vrai qu’un retour de l’inflation aurait un immense impact sur la façon dont chacun doit gérer son épargne. Qui plus est, la plupart des portefeuilles institutionnels sont gérés de façon indicielle, ce qui implique que ces portefeuilles sont structurés aujourd’hui en fonction de la croyance que l’inflation est bel et bien morte. Et donc, si les hausses des prix reprenaient de façon structurelle, les résultats de ces portefeuilles seraient vraiment désastreux (je pense aux assurances vies investies dans des obligations d’Etat françaises par exemple).
Commençons par le prix du pétrole puisque je ne cesse de dire que l’économie n’est que de l’énergie transformée. Tout semble indiquer que le prix de l’énergie va monter, ne serait-ce qu’à cause du délire écologique qui a saisi la plupart de nos gouvernements. Si les prix de l’énergie se mettent à grimper, comme tous les produits ou services incorporent de l’énergie, tous les prix suivront.
Dans la mesure ou une hausse des prix du pétrole correspond à une hausse des impôts, toute hausse des prix du pétrole se traduit à la fois par une hausse de l’inflation et par une baisse du niveau de vie, ce qui a un effet en général assez désastreux sur le moral des populations et les indices boursiers. Or le graphique semble indiquer que le prix du pétrole va aller au minimum à $ 75 et plus probablement à $ 100.
Venons-en au deuxième facteur, le taux de change du dollar, en particulier contre les monnaies asiatiques.
De 1997 à 1999, eut lieu une grande crise des balances des paiements qui fit s’écrouler les taux de change de l’Asie. Et du coup, pendant plus de 20 ans et pour éviter un retour d’une crise de leurs balances commerciales, les monnaies de ces pays furent maintenues grotesquement sous-évaluées, ce qui fit que personne ne pût augmenter ses prix dans le reste du monde et qui contribua puissamment à l’atmosphère déflationniste qui règne depuis.
Arrive la crise du covid, la Fed imprime des dollars massivement, mais pas les banques centrales asiatiques. Et du coup les taux de change des monnaies asiatiques vis-à-vis du dollar se mettent à monter puisqu’il y a de plus en plus de dollars et toujours le même nombre de Yuan ou de Thai Bath. Si le nombre de dollars double et que le nombre de Won Coréens reste le même, il ne faut pas être surpris si le Won monte vis à vis du dollar…
Il semble bien que ces monnaies soient -aussi- en train de « casser » à la hausse, ce qui permettra aux producteurs dans le reste du monde d’augmenter les prix locaux sans difficultés puisque la pression déflationniste venant d’Asie sera compensée à partir de maintenant par une hausse de leurs taux de change.
Et, compte tenu de la hausse des prix du pétrole (voir le graphique précèdent), il est légitime de penser que ces pays ont intérêt à laisser leurs monnaies monter pour payer leur énergie moins chère et donc limiter la hausse des impôts sur leur consommation.
Venons-en au troisième prix que je surveille de près et qui m’a toujours servi de « canari dans la mine » quand il s’agit d’inflation, l’or.
De 1985 à 2005, les obligations US ont une meilleure rentabilité que l’or.
Depuis 2005, l’or a fait mieux que les obligations et en 2020, l’or a cassé sa moyenne mobile à 7 ans et sa tendance baissière qui remontait à plus de trente ans.
Il me semble donc légitime de dire que l’or est maintenant dans une tendance haussière à long-terme, ce qui indique que le danger inflationniste aux USA est réel.
Mais le graphique le plus important (et le dernier que je vais présenter) montre l’évolution des taux longs réels aux USA depuis 1970.
De façon générale, le rendement réel sur les obligations du gouvernement US doivent être aux alentours de 2 %, oscillant entre 3 % quand nous sommes dans un boom et 1 % dans une récession (périodes hachurées en gris sur le graphique).
Dans les années 70, les taux réels sur les 10 ans americains deviennent négatifs et vont jusqu’à -5 %, ce qui déclenche la grande vague inflationniste.
De 1982 à 2002-03, les taux réels qui avaient atteint des niveaux stupéfiants en 1980 et 1981 (+9%), baissent structurellement pour retourner vers 2 %, ce qui créé un marché haussier tout aussi structurel sur les actions (hausse des multiples) de 1980 à 2000, mais les taux réels restent cependant positifs pendant toutes ces années à quelques exceptions près durant les recessions ou les crises financières.
Depuis le début de cette année, ils sont redevenus violemment négatifs pour atteindre -2 .5 %, ce qui veut dire que le détenteur de ces obligations voit la valeur de son capital baisser de 2. 5 % par an ! La fuite devant la monnaie peut commencer.
Ce qui est à peu près le scenario que nous avions au départ de la grande vague inflationniste des années 70.
Logiquement, la banque centrale US devrait remonter les taux de façon agressive maintenant, mais elle ne peut pas le faire, tant la dette du gouvernement US est devenue gigantesque. Toute hausse des taux mettrait le système budgétaire américain en état de faillite immédiate et le système financier irait au tapis en quelques semaines.
Et donc les taux US vont être maintenus « manu militari » à des niveaux très bas, ce qui veut dire que la banque centrale va continuer à acheter des obligations d’Etat (pour empêcher les taux de monter), et donc pousser à la hausse la masse monétaire de façon considérable alors qu’elle est déjà en hausse de plus de 20 % d’une année sur l’autre. Le monde va donc continuer à être inondé de dollars, ce qui est la définition même de l’inflation.
- Voilà qui risque de faire remonter l’euro à des niveaux où la France, l’Italie, l’Espagne ne seront plus compétitives. Les tensions risquent du coup de renaitre à l’intérieur même de la zone euro et ce d’autant plus que la BCE ne peut plus baisser les taux courts ou longs qui sont déjà négatifs.
- Par- contre, les monnaies asiatiques passeront de sous-évaluées à normalement évaluées, ce qui n’aura guère de conséquences sur les budgets et sur l’activité en Asie, et ce d’autant plus que ces pays, la Chine en tête, pourront baisser leurs taux d’intérêts, ce que la zone Euro ne peut plus faire puisqu’ils sont à zéro
Nous arrivons peut-être au moment de vérité que j’attends depuis longtemps.
- Pour la partie défensive de votre portefeuille il faut :
Renforcez l’or et les obligations longues en Asie, le cash doit être en monnaies asiatiques, plus de cash en dollar et pas d’obligation américaine ou européenne.
- Pour la partie offensive, levez du cash (environ 10 %) et mettez-le en monnaies asiatiques ou en Yuan.
Attachez vos ceintures et surveillez les variables que j’ai décrites dans le papier de cette semaine.
Je recommence à avoir peur.
source: https://institutdeslibertes.org/sommes-nous-a-un-point-de-retournement-structurel/
Et vous, qu'en pensez vous ?