es violences conjugales allant parfois jusqu’au meurtre sont évidemment une triste réalité. Réalité d’autant plus triste que se perpétrant en France, pays dans lequel il est appris depuis des siècles qu’on ne saurait lever la main sur une femme, même avec une rose. Ainsi, en 2019, 146 femmes tombaient sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints.
On aimerait en savoir plus sur les milieux familiaux dans lesquels de tels drames se sont produits. Mais, faute de statistiques ethniques, on se bornera à avancer que cette recrudescence est peut-être aussi due en grande partie à des personnes dont les cultures ne sont pas toujours marquées du sceau de l’amour courtois.
Chiffre tout aussi intéressant, et sur lequel s’est penché le quotidien Libération du 23 mai dernier : ces 27 hommes, eux aussi décédés, toujours en 2019, sous les coups de leurs conjointes. Soit, à en croire l’Observatoire nationale de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP), fermé depuis, un ratio, sur la période 2012-2018, de 69 % de femmes et de 31 % d’hommes chez ces victimes. Ce n’est pas rien.
Pire encore, chez la femme battue, il y a certes la honte de porter plainte ; mais chez l’homme battu, cette dernière est encore plus forte. La preuve en est qu’en France n’existent que trois associations consacrées à cette cause, lesquelles ne bénéficient pas de la moindre aide de l’État. Ni de sa considération, par ailleurs : « Contacté par Libération sur l’absence de communication spécifique dédiée à cette problématique, le cabinet de la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les hommes et les femmes, indique que “madame Élisabeth Moreno n’a pas le temps”. » À l’heure où la défense des minorités est plus qu’à la mode, celle des hommes battus ne paraît pas être au calendrier des urgences du moment.
Citée, il y a un an, par le site Slate, Valérie Roy, professeur titulaire en sciences sociales à l’École de travail social et de criminologie de l’université de Laval (Canada), avançait un début de réponse : « Il existe une conception hétéronormative de la violence qui fait que l’homme serait nécessairement auteur et la femme victime. »
Autre minorité victime d’invisibilité en la matière, comme diraient les indigénistes : les LGBTQI+. Et là, c’est une autre association des plus modestes, le Groupe action gay et lesbien du Loiret (c’est dire), qui fait référence sur le sujet, toujours selon Libération : « On a tâté le terrain et on a eu des réactions un peu bizarres. Pour les militants, les violences conjugales se résumaient au fait que les mecs frappent leurs nanas. On nous répondait : “Ça n’existe pas. […] Vous allez faire du tort à la cause”. »
Le problème n’a pourtant rien d’anodin, à en croire une étude de la National Intimate Partner and Sexual Violence Survey, qui s’alarmait déjà en 2010 : « 35 % des femmes hétérosexuelles ont subi des violences de la part de leur partenaire, contre 43,8 % des lesbiennes et 61,1 % des bisexuelles. Du côté des hommes, c’est 29 % chez les hétéros, 26 % chez les gays et 37,3 % chez les bis. » Comme quoi nous n’avons rien à envier aux Etats-Unis sur ces questions…
Alors, homosexuels et lesbiennes auraient-ils une part de responsabilité dans ce fléau ? Pas du tout, affirme Johan Cavirot, président de l’association FLAG!, qui fédère les homosexuels des ministères de l’Intérieur et de la Justice, pompiers, policiers municipaux et alliés : « Il existe des freins supplémentaires pour une personne LGBTQI+ pour porter plainte. Par exemple, la crainte d’être victime de LGBTQIphobies au sein des structures de la part des policiers ou des gendarmes, celle de ne pas être cru.e en raison des préjugés sociétaux. »
La faute des forces de l’ordre, donc. Celle-là, il fallait tout de même l’inventer. Voilà qui est fait.
La violence n’a pas de sexe. Ce sont les bi les plus à plaindre, ils se font battre et par les hommes et par les femmes.