S’il est commun d’associer extrême droite et totalitarisme, la quasi-totalité des dictatures de la planète sont issues de l’autre extrême

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Publié par Pierre Rehov le 10 avril 2021

Figarovox/Grand entretien – À l’occasion de la parution de son ouvrage «88*», le romancier Pierre Rehov dévoile un thriller philosophique sur les origines du nazisme. Par Victor Rouart

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Pierre Rehov est un romancier, reporter et réalisateur de vidéos franco-israélien. Il vient de publier 88* (Cosmopolis Éditions, qui appartient au célèbre groupe de presse Ring) À découvrir.


FIGAROVOX.-Dans votre roman, «88*», vous évoquez les relations entre nazisme et sociétés occultes. S’agit-il d’un pan de l’histoire méconnu ?

Pierre REHOV.- Je ne suis pas historien, mais en tant que romancier j’aime installer mes récits dans un contexte historique. Avant d’écrire «88» qui appartient à la catégorie de ce que j’appelle les «thrillers philosophiques» j’ai entrepris des recherches approfondies sur les origines ésotériques du nazisme. Les ouvrages en la matière abondent.

La mode d’associer nazisme et sociétés secrètes est née de la publication dans les années soixante-dix du best-seller de Pauwells et Bergier «Le matin des magiciens». Ce livre s’étant vendu par millions à travers la planète, il a donné naissance à une approche dépolitisée du nazisme et de nombreux historiens et auteurs, parmi lesquels René Alleau, Gilles Van Grasdorff ou encore Jean Prieur se sont rués dans la brèche du succès qu’avaient emporté Pauwells et Bergier.

Ajoutez à ces centaines de livres consacrés aux relations entre Hitler, Himmler et le monde de l’occultisme, les milliers de documents disponibles sur internet qui révèlent en profondeur une alliance sans laquelle le nazisme n’aurait peut-être pas vu le jour, et vous comprendrez que les élucubrations d’Hitler et des Gauleiters sont nées de plusieurs courants ésotériques.

Hitler croyait également en la réincarnation et pensait avoir été dans une autre vie l’Empereur Tibère, grand massacreur de Juifs, Napoléon, mais aussi Jésus, qu’il appelait «petit charpentier».

Il y a notamment le mouvement théosophique d’Elena Blavastki qui définissait l’origine des races dans un contexte ésotérique, mais surtout la Société de Thulé de Rudolf Von Sebottendorf, dont les symboles étaient déjà une dague et un svastika et dont les rituels comprenaient le salut bras tendu accompagné de l’exclamation «Heil und Sieg» devenu l’infâme Sieg Heil.

Dans mon récit, un agent soviétique découvre dans les archives du KGB un testament secret d’Hitler qui donne les clés de la résurrection du Troisième Reich. Ce testament serait la conséquence de découvertes réalisées par l’Ahnenerbe lors d’expéditions au Tibet lancées par Himmler, à la recherche des origines de la race aryenne mais aussi de la cité mythique Shambhala. C’est à ce moment que, dans «88», réalité et fiction se croisent.

Que signifie le titre de votre ouvrage, «88» ?

Il a un double sens. C’est tout d’abord le signe de ralliement des néonazis, le H étant la 8ème lettre de l’alphabet, 88 veut tout simplement dire Heil Hitler. Il s’agit, évidemment, pour moi, de dénoncer, pas de m’associer. L’autre signification est plus ésotérique. Le 8 c’est l’infini. Un double huit serait donc l’infini qui recommence. Quelque part, j’y vois un symbole de la réincarnation.

Votre roman est décrit comme une fiction, basée sur des faits réels. Quelle est la part de vrai et celle résultant de l’imaginaire dans «88» ?

Tout d’abord, le nombre d’absurdités auxquelles croyaient les nazis, souvent sous la férule d’Himmler qui était passionné d’occultisme et de sorcellerie, est hallucinant.

Pour n’en citer que deux, Hitler croyait en la théorie de la terre creuse, selon laquelle nous vivrions à l’intérieur d’une planète et non à sa surface, et d’autres civilisations cohabiteraient à diverses profondeurs, et aussi en celle de la «glace éternelle» qui faisait de la lune un bloc de glace se rapprochant de la terre par périodes et donnant naissance à des races de géants, dont, évidemment, les Aryens seraient issus.

Hitler croyait également en la réincarnation et pensait avoir été dans une autre vie l’Empereur Tibère, grand massacreur de Juifs, Napoléon, mais aussi Jésus, qu’il appelait «le petit charpentier». C’est sur ces bases factuelles que mon roman s’est construit. Le testament d’Hitler, quant à lui, est pure fiction.

S’il est commun d’associer extrême droite et totalitarisme, je constate que la quasi-totalité des dictatures sévissant sur la planète serait plutôt issue de l’autre extrême.

Au cours de l’histoire des rapprochements ont existé entre les idéologies nazie et islamiste dans les années 30-40 et ensuite dans les années 70 entre les mouvements marxistes et les mouvances islamistes. Les mouvements «extrémistes» ou «totalitaires», en apparence opposés, sont-ils finalement assez proches les uns des autres ?

Je vais commencer par vous répondre platement que rien ne ressemble plus à un totalitarisme qu’un autre totalitarisme. Au regard de l’histoire, il apparaît que les dictatures sont presque toutes nées des frustrations d’un peuple engendrées par un système existant, souvent lors d’une crise, puis instrumentalisées au moyen de la peur. Le système capitaliste étant le plus répandu, il est celui qui met l’individu face à sa propre valeur et, s’il génère des dérives et des excès, il est également celui qui préserve la liberté individuelle dont il se nourrit.

Cette analyse sommaire me conduit à constater que, durant les grandes crises sociétales – et nous sommes en train d’en traverser une d’envergure- le concept de liberté s’oppose facilement à celui d’égalité, l’un étant anxiogène par la responsabilité qu’il suppose, tandis que l’autre rassure tout en aplanissant les médiocrités. L’utopie d’un monde meilleur, telle que défendue par la gauche, engendre la participation à un projet de masse, fût-il marxiste, tiers-mondialiste, globaliste, écologiste ou simplement socialiste.

Cependant, cette chimère suppose l’abandon partiel ou total des libertés matérielles engendrées par le capitalisme, et dès lors que l’individu accepte ce sacrifice il n’est plus en mesure d’en contrôler les limites. J’insiste souvent sur le fait que «nazisme» était l’acronyme de «national-socialisme» et non de «national-capitalisme», et s’il est commun d’associer extrême droite et totalitarisme, je constate que la quasi-totalité des dictatures sévissant sur la planète seraient plutôt issues de l’autre extrême.

Dans les dictatures islamistes, Dieu est la figure abstraite dominante génératrice des lois que seuls les dirigeants d’origine divine sont en droit d’interpréter et d’imposer. Sous les totalitarismes engendrés par les idées de gauche, cette figure est remplacée par celle d’un homme divinisé (Staline était appelé le «petit père des peuples», Mao le «grand timonier», Hitler le «führer»).

Le résultat, dans tous les cas, est celui d’une société fourmilière, avec ses travailleurs et ses soldats, tous prêts à se sacrifier pour la «reine», qu’elle soit de nature abstraite ou, au contraire, bien humaine.

La gauche, qui se voit caricaturalement comme la défenseuse du pauvre et de l’opprimé a donc besoin de recadrer son paysage sociétal et de faire évoluer son clivage.

Aujourd’hui les sociétés occidentales semblent confrontées dans certains milieux médiatiques, politiques et universitaires, à ce que l’on nomme communément «l’islamo-gauchisme» et ce mouvement à tendance à dépeindre en «fasciste» tout opposant. Comment expliquer ce phénomène ?

Pierre Rehov

Partout où elle a été appelée à faire ses preuves, la gauche a été en échec. Je parle évidemment de la gauche radicale, pas du socialisme à la française, encore que celui-ci ne brille pas davantage par ses succès. Qu’il s’agisse de l’Union Soviétique, des Khmers Rouges, de Castro, de Mao, l’abandon progressif de la liberté individuelle et donc de la capacité d’entreprendre ne conduit au mieux qu’à la fondation de systèmes bâtards et dysfonctionnels, ou au pire des totalitarismes.

Or, la gauche se veut le camp du bien, de la générosité. Comment faire passer le message lorsqu’on a toujours soutenu les ouvriers, considérés comme les seuls «travailleurs», dans une société où ceux-ci ne rêvent que d’embourgeoisement et accèdent en masse aux classes intermédiaires ? La gauche, qui se voit caricaturalement comme la défenseuse du pauvre et de l’opprimé a donc besoin de recadrer son paysage sociétal et de faire évoluer son clivage.

Désormais, son schéma issu du marxisme doit refondre la lutte des classes qui est son moteur. En France, comme dans beaucoup de pays européens, il est donc convenu d’opposer non plus ouvriers et patrons, puisqu’ils ont tant d’aspirations communes, mais originaires du lieu et immigrants.

L’immigrant est devenu la figure sacrée de la gauche, l’intouchable, celui qui porte toutes les vertus, et comme il vient majoritairement de pays musulmans, plutôt que d’exposer la culture oppressive et corrompue qui a empêché son développement économique, mieux vaut se réfugier derrière l’idée que son adversité est la résultante des méfaits à long terme de la colonisation, elle-même fille naturelle du capitalisme.

Alors que l’islam politique a démontré sa volonté prosélyte et hégémonique, il s’agit pour ceux que l’on appelle les islamogauchistes d’en atténuer la dangerosité.

Le réflexe de l’individu perdu face à la multitude de choix, notamment en matière d’informations, que génèrent les sociétés occidentales – qui, il faut le constater, sont en perte de valeurs et glissent sur la pente douce de la décadence – est de se réfugier derrière le concept d’un monde solidaire et moins matérialiste. Cette tendance louable est malheureusement exploitée pour les besoins d’une caste politique qui espère développer son électorat dans l’immigration et va jusqu’à caresser dans le sens du poil les porteurs d’idées les plus mortifères.

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Alors que l’islam politique a démontré sa volonté prosélyte et hégémonique, il s’agit pour ceux que l’on appelle les slamogauchistes d’en atténuer la dangerosité. C’est ainsi que sont nés le concept de «pas d’amalgame» après chaque attentat terroriste, et celui de «religion de paix et d’amour» – nuancé par les musulmans modérés qui, eux, ont lu le Coran – et, au sein de la Justice, cette volonté d’exonérer plus volontiers les délits des «jeunes» issus de l’immigration que ceux commis en col blanc.

Évidemment, le réflexe de l’islamogauchiste quand on tente de souligner les excès et les dangers, non pas de l’islam en tant que religion mais comme système politique, social et culturel, est de brandir l’étiquette de l’islamophobie, du racisme, voire du nazisme. Nul n’est plus intolérant que celui qui tolère l’intolérance au nom d’une tolérance de façade.

Daesh ou des groupes terroristes islamistes extrémistes ne représentent-ils pas une sorte de synthèse idéologique avec des éléments empruntés au nazisme et au communisme, une sorte de totalitarisme «Rouge, Brun, Vert» pour reprendre l’expression d’Alexandre Del Valle ?

Je connais moins bien Daesh, bien qu’ayant rencontré certains de ses membres lors d’un reportage en Irak, que d’autres organisations terroristes, telles que le Hamas, la Djihad Islamique et le Hezbollah, mais rien ne ressemble davantage à un combattant islamiste qu’un autre adepte du même combat. Leurs structures sont relativement similaires et le fond de leur idéologie commune.

Lorsque vous observez ces organisations terroristes, vous retrouvez en toile de fond une forme de nihilisme associée au culte du surhomme. Dans le cas des nazis, la volonté était de faire naître un homme nouveau, débarrassé de toutes les tares colportées par les «races inférieures». Tous les moyens étaient bons pour parvenir à cette domination totale et à cette transformation.

De la même manière, les djihadistes se considèrent comme les seuls porteurs de la vraie parole divine et, à ce titre, appartenant à un groupe supérieur, choisi cette fois par Dieu. L’emploi de la violence et de la terreur est commun pour la maîtrise de ces structures sociétales. Dans le communisme comme dans le nazisme l’adoration du divin est remplacée par le culte de la personnalité.

Mais, fondamentalement, vous avez raison de reprendre l’expression d’Alexandre Del Valle, il y a une multitude de points communs entre les totalitarismes rouge, brun et vert. Dans tous les cas, il s’agit d’instaurer une structure fasciste définie par une minorité combattante et imposée à une majorité silencieuse.

Ce phénomène qui tend à considérer les minorités sociales, sexuelles, raciales comme des victimes permanentes, provoque l’effet contraire de ce à quoi ils voudraient aboutir.

Les idéologies actuelles décolonialistes, racialistes, néo-féministes et autres sont-elles, selon vous, une nouvelle forme de «totalitarisme» du 21ème siècle ?

Je dirais volontiers que le «politiquement correct» est une des formes les plus évidentes de totalitarisme dans nos sociétés démocratiques. Les mouvements cancel culture et woke qui, aux USA, s’inscrivent dans la lignée des Black Lives Matter et des Antifas sont des aberrations ponctuelles dont je crains qu’elles ne se répandent en occident et ailleurs de la même manière que la contre-culture dans les années soixante.

Dès lors que la liberté d’expression est remise en question, le danger du totalitarisme n’est pas loin. D’autant plus que ce phénomène qui tend à considérer les minorités sociales, sexuelles, raciales comme des victimes permanentes, provoque l’effet contraire de ce à quoi ils voudraient aboutir.

S’il est vrai que les USA sont coutumiers de toutes sortes d’excès, cette tendance qui consiste à vouloir faire du Blanc le tortionnaire absolu, l’esclavagiste, l’exploiteur et du chrétien l’héritier de l’inquisition davantage que celui des Lumières ne peut donner qu’un résultat réactionnaire qui confortera les tenants du politiquement correct dans leurs positions.

Le monde évolue à une vitesse qui dépasse aujourd’hui la capacité de chacun de s’adapter aux changements. On subit tout en étant saturé d’informations. La tentation chez certains pourrait être grande d’abandonner leur identité individuelle au profit d’une fusion dans les minorités, quitte à sacrifier sa liberté pour retrouver, enfin, une sorte de tranquillité d’esprit. C’est dangereux.

Source Le Figaro : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/les-nazis-etaient-passionnes-d-occultisme-et-de-sorcellerie-et-croyaient-a-nombre-d-absurdites-20210409?utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1618005287

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