Influence d’associations prosélytes, présence de prédicateur, conseils d’administration sous pression, gestion déficiente de la direction… La fac Paris Nord a longtemps fermé les yeux face à des manifestations contraires aux règles les plus élémentaires de la laïcité. Au point de ne plus vraiment rien contrôler.
« Les panneaux avaient été mis au milieu de la fac, on pouvait s’attendre au moins à une exposition avec un niveau universitaire. Ce n’était pas le cas : c’était un catéchisme très basique, de l’hagiographie à la gloire du Prophète » témoigne un enseignant désireux de garder l’anonymat. C’était en 2016 à l’université Paris-XIII, installée au nord de la capitale sur les communes de Villetaneuse, Saint-Denis, La Plaine Saint-Denis, Bobigny et Argenteuil. Et, déjà, c’était révélateur, pour celle que l’on nomme depuis l’année dernière l’Université Sorbonne-Paris Nord, d’un très curieux rapport à la laïcité.
En ce lieu de savoir avait donc été organisée par l’association Rissala une exposition sur le prophète Mahomet intitulée « Muhammad un grand homme ». « L’exposition avait été inaugurée avec des gens qui chantaient en arabe des chants religieux, cela n’a pas sa place sur un campus », regrette encore aujourd’hui une autre enseignante. Daniel Bloch, chercheur au CNRS affecté à l’université, ajoute, peiné : « Dans une des affiches de Rissala, il y avait un numéro de téléphone pour les frères et un autre pour les sœurs… » Mais, lorsque les professeurs font part de leurs inquiétudes à la direction de l’université, ce ne sont pas les réponses attendues : « Personne dans le monde académique n’a réagi », explique Daniel Bloch.
Contacté par Marianne, Jean-Pierre Astruc, le président de ladite université à l’époque, assure n’avoir « pas vu la demande » d’autorisation d’organisation de cet événement, celle-ci ayant été « traitée, dit-il, par le service de la vie étudiante » : « On m’a signalé cette exposition, j’ai pris les renseignements sur le pourquoi de sa tenue, cette dernière étant limitée dans le temps, elle a pris fin quand elle devait prendre fin. » Oui, mais Rissala ne s’est pas contentée de louer l’œuvre du Prophète. Le 13 avril 2016, sans que l’administration y trouve non plus à redire, l’association organise dans les locaux de l’université une conférence sur le thème : « La laïcité française, une laïcité radicale ». Une rencontre animée par Aïssam Aït-Yahya, que le sociologue Bernard Rougier, auteur des Territoires conquis de l’islamisme et spécialiste de cette question, classe « parmi les fondateurs du CRM [le collectif de réflexions musulmanes] à Bruxelles, groupe prodjihadiste ». Ce prédicateur n’est par ailleurs pas étranger à la dissolution du CCIF, le gouvernement ayant reproché au Collectif contre l’islamophobie en France, parmi de nombreux griefs, d’avoir donné deux tribunes au printemps 2020 à ce fondamentaliste, invité régulier des réseaux religieux turcs pro-Erdogan.
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