Le moins qu’on puisse dire de l’offensive azérie au Haut-Karabakh, c’est que la stratégie de guerre éclair de Bakou a échoué. La république d’Artsakh, qui n’est pas reconnue internationalement mais qui, historiquement et démographiquement arménienne à 95 %, est défendue militairement par l’Arménie, semble résister efficacement à la nouvelle offensive azérie entrecoupée d’accords de cessez-le-feu mal respectés, le dernier datant de samedi. Les Arméniens affirment avoir déjà un millier de morts dans leurs rangs et revendiquent au moins 4 000 soldats azéris tués. Les observateurs sur le terrain estiment ce chiffre sans doute exagéré (l’Azerbaïdjan ne communique pas sur ses morts militaires), jugeant le bilan probable côté azéri à 1 500 morts environ. Equipé de drones turcs et israéliens, l’Azerbaïdjan a, volontairement ou par erreur, fait un certain nombre de victimes civiles du côté arménien, endommageant également la cathédrale Saint-Sauveur de Chouchi (théâtre de pogroms sanglants en mars 1920, quand quelque 20 000 Arméniens furent massacrés par les Azéris), près de la capitale Stepanakert. La cathédrale a été bombardée deux fois à quelques heures d’intervalle le 8 octobre. Actuellement, l’offensive azérie s’efforce – pour le moment en vain – de couper la région de l’Arménie, mais avec également des bombardements signalés encore mercredi matin, selon une information publiée sur armenews.com, sur Martakert et les villages alentour, même si cette région est située à l’autre extrémité de l’Artsakh.
Depuis 1992, le groupe de Minsk de l’OSCE, présidé par la Russie, la France et les Etats-Unis, cherche sans succès une solution au conflit opposant Arméniens chrétiens et Azéris musulmans dans la région. Si le conflit était jusqu’ici avant tout ethnique, il prend désormais une dimension religieuse avec cette nouvelle offensive qui semble avoir été lancée sous l’impulsion de la Turquie accusée d’avoir fourni à l’Azerbaïdjan un soutien militaire direct notamment sous la forme d’un millier environ de djihadistes syriens transférés par Ankara dans les zones de combat.
Tandis que l’Azerbaïdjan bénéficie du soutien militaire de la Turquie mais aussi d’Israël, dont il est le deuxième acheteur mondial d’armements, l’Arménie paraît bien seule. La Russie ne lui apporte pour le moment aucun soutien militaire si ce n’est les ventes d’armes réalisées avant le début de ce nouveau conflit armé, mais Moscou vend aussi des armes à l’Azerbaïdjan. Pour le moment, la Russie cherche à se poser en médiateur neutre et la livraison à Bakou de missiles fournis par la Biélorussie après le début des hostilités le 27 septembre est plutôt le signe d’un soutien russe à l’Azerbaïdjan que celui d’un soutien à l’Arménie. Russie, Biélorussie et Arménie sont pourtant toutes membres de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), mais le Haut-Karabakh n’est pas couvert par cet accord de défense et l’Arménie elle-même n’est pour le moment pas visée par l’offensive azérie. Et si le président turc Recep Erdogan a accusé les Etats-Unis et la France de fournir des armes à la république d’Artsakh, ces informations ne sont pas confirmées sur le terrain et proviennent d’un dirigeant qui soutient lui-même sans aucun scrupule les Azéris, entre autres raisons parce que ce sont des Turcs et parce que l’Azerbaïdjan fournit son pétrole à la Turquie. La question reste de savoir jusqu’à quel point la Russie est prête à tolérer l’expansion du sultan islamiste d’Ankara dans la région de la mer Caspienne. •
Photo : Soldat arménien en train de prier sur le front du Haut-Karabakh.
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Extrait de: Source et auteur
Cette guerre par procuration entre notamment la Turquie néo-ottomane et Moscou est un piège tendu à la Russie. Si celle-ci venait à attaquer l’Azerbaïdjan (qui fournit 40 % du pétrole consommé par Israël), on peut parier que les USA et la “communauté internationale” à sa botte prendront cet acte comme prétexte pour stopper le projet de gazoduc Nord Stream 2 afin de pouvoir nous refourguer leur gaz de schiste.