La Biélorussie n’est pas l’Ukraine, et les considérations géopolitiques sont moins présentes dans le conflit biélorusse qu’elles ne l’étaient en 2014 dans le conflit ukrainien. Cela n’empêche pas bien entendu le président Loukachenko de jouer la carte du risque d’agression extérieure en organisant des manœuvres militaires près de la frontière avec la Lituanie et la Pologne et en accusant tour à tour la Pologne, la Tchéquie, la Grande-Bretagne, l’OTAN ou d’autres acteurs occidentaux d’être à la manœuvre derrière les manifestations et les grèves qui secouent le pays depuis les élections du dimanche 9 août. Contrairement aux Ukrainiens, principalement les ukrainophones de l’ouest et du centre du pays, les Biélorusses qui protestent aujourd’hui contre ce président post-communiste ne demandent pas à rejoindre l’UE et l’OTAN mais uniquement à pouvoir vivre décemment et choisir démocratiquement leurs dirigeants. Après ces dernières élections truquées, la fronde s’est rapprochée des cercles du pouvoir, avec certaines commissions électorales locales qui ont publié leurs vrais résultats – ceux-ci donnant une nette victoire à la principale rivale de Loukachenko dans ces élections, Svetlana Tikhanovskaïa – et des ambassadeurs de la Biélorussie à l’étranger qui ont demandé une répétition des élections et condamné la brutalité des forces de l’ordre.
Réfugiée en Lituanie, Tikhanovskaïa a pour seul programme politique d’organiser de nouvelles élections qui seraient honnêtes et transparentes. La seule raison de son engagement en politique, c’était l’arrestation de son mari le 29 mai dernier pour l’empêcher d’être candidat, comme ont été arrêtés d’autres opposants qui auraient pu faire de l’ombre au président-dictateur. L’opposition biélorusse, divisée et sans vrai leader, n’est pas forcément hostile à la Russie et les Biélorusses sont d’ailleurs tous russophones, le biélorusse étant très peu parlé. Alexandre Loukachenko a toujours été pour Vladimir Poutine un partenaire difficile, qui s’est opposé par ambition personnelle aux velléités moscovites d’intégration des deux pays, et le président russe pourrait même ne pas voir d’un mauvais œil l’arrivée au pouvoir d’un successeur revêtu d’une plus grande légitimité. Inversement, avec un Loukachenko affaibli et en quête du soutien du grand frère russe, c’est une nouvelle fenêtre d’opportunité qui s’ouvre pour le Kremlin, et le président Poutine a été le deuxième dirigeant d’un grand pays, après le dirigeant chinois, à féliciter le Biélorusse de sa « victoire ».
Sur la scène intérieure, Loukachenko n’a d’ailleurs pas dit son dernier mot. Menacés de perdre leur emploi dans les entreprises qui s’étaient mises en grève, les travailleurs ont majoritairement cessé leur mouvement cette semaine après cette scène dans une usine de Minsk où les ouvriers avaient accueilli leur président arrivé par hélicoptère aux cris de « dégage ». Les manifestations qui continuaient de se dérouler cette semaine, surtout dans la capitale Minsk et à Grodno, près de la frontière polonaise, étaient moins nombreuses, et les autorités ont organisé quelques contre-manifestations. Du côté de l’UE, mercredi, les 27 réunis en visioconférence à l’initiative de la Pologne et du V4 se mettaient d’accord pour ne pas reconnaître le résultat des élections biélorusses et promettre des sanctions contre les responsables des répressions et de la fraude électorale, avec en sus la promesse d’un petit million d’euros pour soutenir la société civile et les médias indépendants de Biélorussie. •
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