De notre correspondant en Suisse. – En Suisse, tous les partis soutiennent les décisions du Conseil fédéral. Tous ? Non ! Tel un ancien village bien connu en Armorique, un parti conteste l’actuelle politique gouvernementale. Et pas le plus petit, puisqu’il s’agit de la principale force siégeant sous la coupole fédérale : l’UDC (en allemand, Schweizerische Volkspartei, ou si vous préférez : le parti du peuple suisse), la formation la plus à droite sur l’échiquier politique suisse.
Durant les semaines écoulées, le Conseil fédéral a pris sur la base de la loi sur les épidémies et dans le cadre du droit d’urgence des décisions lourdes de conséquences. La liberté économique est abrogée, 62 milliards de francs sont débloqués dans l’urgence et sans l’aval du Parlement par le Conseil fédéral pour soulager plus de 100 000 entreprises en difficulté, la population est appelée à rester chez elle. Mais fin mars déjà, l’UDC dénonce des mesures gouvernementales qui constituent des atteintes massives aux droits de la liberté des citoyens et des interventions graves dans l’économie. Et de demander de la part des autorités fédérales une stratégie claire face à une politique de la pénurie généralisée.
Le 2 avril, l’ancien conseiller fédéral UDC, Christoph Blocher, distingue quatre groupes de problèmes et autant de questions à se poser dans son « Document de stratégie ». Comment protéger la population après le 19 avril 2020 en fonction du risque encouru, donc comment mettre en place une protection différenciée ? Comment assurer cette protection en atténuant les dommages économiques massifs qui résultent et qui résulteront encore des mesures de la Confédération ? Que faut-il faire pour relancer l’économie après la levée partielle ou totale des mesures prises le 16 mars 2020 ? Que faire pour que la Suisse sorte le plus vite possible de ce régime d’urgence et retrouve son régime constitutionnel et démocratique ordinaire ? Et de conclure : « Les conséquences de ces atteintes seront beaucoup plus lourdes que celles de l’épidémie. »
Dans un communiqué de presse du 7 avril 2020, le parti souverainiste critique le mode de décisions prises au sommet de l’Etat. « Il n’est pas acceptable que des décisions du Conseil fédéral et de l’administration interfèrent avec les compétences du pouvoir législatif sans que des bases légales ne l’autorisent. L’ordre ordinaire des compétences dans notre Etat fédéral doit donc être rétabli dans les plus brefs délais. » En dix points, le parti de la droite populaire énonce les mesures à prendre pour que notre pays retrouve rapidement ses performances économiques tout en protégeant au maximum la population. Première revendication : rétablir le régime constitutionnel ordinaire dès le 20 avril. Puis suivent un ensemble d’exigences qui vont clairement à l’encontre des décisions prises par la coalition gouvernementale. Citons-en quelques-unes. L’UDC demande de retirer au Conseil fédéral et à une curieuse délégation de la Commission fédérale des finances le droit de décider d’éventuels nouveaux engagements financiers dans le cadre du droit d’urgence. De stopper le versement de contributions au développement et à la cohésion (la coopération internationale, la politique culturelle, la recherche et l’innovation doivent être affectées à la lutte contre la pandémie et la crise en Suisse). De renoncer à toute charge supplémentaire grevant l’économie (nouveaux impôts, taxe CO2, etc.). D’augmenter le degré d’autosuffisance et de garantir l’approvisionnement en biens de première nécessité, ou encore de contrôler systématiquement les frontières après la fin de la crise afin qu’aucune personne n’entre en Suisse, qui ne puisse prouver qu’elle n’est pas porteuse du virus.
Devant la crise provoquée par le Covid-19, l’UDC attend des autorités comme de la population une réelle prise de conscience et de responsabilité personnelle. Dérangeant le système, les propositions de l’UDC n’ont guère trouvé d’écho dans la grosse presse. Aux antipodes de la confiance affichée pour le gouvernement par la plupart des partis, l’UDC provoque à nouveau une classe politique qui se montre bien embarrassée pour proposer des solutions fortes sans contredire la politique ultra-libérale qu’elle privilégie depuis l’entrée en vigueur de l’accord sur la libre circulation en 2002 (et de fait, bien avant). Un petit virus qui n’a pas fini d’ébranler la bien-pensance helvétique. •
Eric Bertinat
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http://www.lematin.ch/suisse/conseil-federal-pouvoir-roesti/story/15862317