Philippe Revaz : Le monde après la crise sera différent. L’UE joue aussi sans doute une partie de son avenir. Macron se félicite sur Twitter de la solidarité des voisins européens qui sauve des vies. Mais les déchirements et les rivalités entre États ces derniers jours pourraient bien laisser des traces.
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Reportage de Nicolas Vultier :
L’aide médicale arrive en Italie désormais de Moscou, de Pékin, de Cuba. Les spécialistes arrivent par dizaines. Ces images démontreraient l’incapacité de l’UE à s’entendre face à une crise sanitaire globale. Une crise qui révèle le repli sur soi, l’absence d’une politique de santé à l’échelle du continent.
Samedi dernier, dans un journal polonais, l’ex-président du Conseil européen, Donald Tusk, dénonçait des comportements nationalistes des États membres, comme le blocage par la République tchèque de masques destinés à l’Italie. Prague plaide la bonne foi, croyant à un trafic depuis la Chine.
Enrico Letta : J’espère que l’UE va tirer les leçons de cette crise. Il faut par exemple avoir une protection civile et des instruments au niveau central, européen, beaucoup plus forts que ceux qui existent déjà. Il faut une coordination dans les mains de la présidence de la Commission européenne qui soit beaucoup plus forte, capable d’amener l’aide, par exemple, avec le drapeau européen, quand c’est possible, et de coordonner les relations entre les pays plus efficacement qu’aujourd’hui. Sinon, l’égoïsme, le nationalisme vont trouver une façon très, très importante pour grandir. (Les sous-titres sont en décalage avec les paroles.)
Philippe Revaz : Est-ce que l’avenir même de l’UE est en jeu ? Elle a été affaiblie par le Brexit. Les citoyens se disent : bon, ils redécouvrent leur pays. C’est important au fond, c’est notre pays qui nous défend. Ce n’est pas les autres pays qui vont venir vous aider. Ils ont senti ça, le retour des frontières, aussi ?
Enrico Letta : L’Europe joue son avenir dans cette crise parce qu’après la crise financière de 2008, la crise de l’accueil des réfugiés en 2014-2015, il ne peut pas y avoir une autre crise qui laisse les pays sans réponse. Donc, je pense que cette crise va être décisive pour le futur de l’UE.
Philippe Revaz : Combien de chances vous lui donnez ? 50 % ?
Enrico Letta : Je suis un optimiste par définition (sic!). Je pense que l’Europe va gagner parce qu’à la fin, les frontières sont dans nos têtes plutôt que dans la réalité, les gens à la fin vont comprendre ça. Mais il est important aujourd’hui qu’il se passe des choses concrètes, que l’aide arrive. Et surtout que l’UE ait une politique commune pour la relance par rapport à cette crise. Ça va être décisif pour le futur et pour le futur de l’Europe.
Philippe Revaz : Quand vous voyez des Cubains, des Russes, des Chinois venir aider en Italie, alors, on s’en réjouit, mais en même temps, il y a un petit sentiment de danger pour la position européenne ?
Enrico Letta : Moi, je vois cette aide comme quelque chose de positif. Si les Chinois nous aident, ce n’est pas une chose contre l’Europe. (Remarquer l’aisance avec laquelle il confond l’UE avec l’Europe.) En plus, il y a une proportion totalement différente (entre l’aide de la Chine et l’UE).
Ce qui est essentiel, c’est que les 750 milliards d’euros de quantitative easing de la Banque centrale européenne fassent leur boulot ! Parce que là, ça veut dire des millions d’emplois sauvés, ça veut dire le sauvetage de vos économies.
Source : RTS - Le 19h30 - 23 mars 2020
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